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arrivé où l'auguste Ferdinand II allait se séparer de celui devant lequel, chrétien, il avait incliné, pour la relever plus puissante et plus belle, sa royale couronne; le jour était venu où l'histoire allait unir à jamais son nom à celui de Pie IX, pour les offrir tous deux aux hommages du monde catholique et à l'admiration de la postérité.

C'est le 4 avril, à midi, que Pie IX quitta Portici, pour se rendre avec sa suite, par un convoi spécial du chemin de fer à Caserte, où il devait passer la nuit. Dans la matinée, ses voitures de voyage étaient parties pour Capoue.

De Capoue le Saint Père se rendit à Sezza où le roi de Naples et la famille royale vinrent le rejoindre.

Jusque-là le cortége se composait des cardinaux Antonelli et Asquini, du comte de Ludolf, ministre de Naples à Rome, du majordome et de quelques prélats appartenant à la cour pontificale et du cardinal Dupont que le gouvernement francais avait revêtu d'un caractère officiel pour tempérer ce qu'il pouvait y avoir de trop militaire dans la mission confiée à un général en chef.

De Sezza le souverainPontife, voulant revoir la ville hospitalière qui avait servi de première étape à son exil, partit pour Gaëte.

Son voyage fut une marche triomphale, mais à l'exemple des anciens maîtres du monde, il ne

traînait pas derrière son char des rois enchaînés et vaincus conquérant pacifique il attirait par la douceur de son regard et le charme de sa parole la foule immense qui se pressait sur son passage. La croix de la paix avait remplacé l'épée de la guerre, Les palmes de la religion remplaçaient sur son front les lauriers de la victoire; libres de fers, toutes les mains croisées par la prière s'élevaient au ciel comme pour y suivre les voeux de tous les cœurs; l'amour et la vénération des peuples lui servaient de cortége. Si des larmes tombaient des yeux c'étaient des larmes de bonheur et de joie les seules que puissent faire couler les triomphes des choses saintes. De partout les populations accouraient sur la route que devait suivre l'auguste pontife; de partout elles venaient, le bonheur dans les yeux et les bénédictions sur les lèvres, pour contempler les traits, pour acclamer les louanges d'un souverain qui rapportait la fortune de Rome. Partout des arcs de triomphe s'élevaient pour rece. voir sous des festons de verdure et des guirlandes de fleurs le pape roi qui représente sur la terre le roi du ciel. Oh! ces jours-là, démentant à la face du monde entier les hommes qui prétendent que l'Église du Christ a fait son temps, la religion ne s'en allait pas, elle revenait au foyer de sa lumière, elle revenait chercher de nouveaux rayons et de nouvelles splendeurs!

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A Valmontone, l'enthousiasme fut tel que le peuple rompit les lignes de soldats formant la haie sur le chemin qui conduisait à l'église le souverain Pontife; alors en se précipitant aux pieds du pape pour les couvrir de ses baisers et de ses larmes le peuple semblait faire une mosaïque humaine.

Partout éclatent les mêmes transports, le même enthousiasme. Toutes les villes, tous les villages, les moindres bourgades rivalisent d'attachement et de fidélité.

Lorsque le cortége parvint aux dernières limites. des États napolitains, les voitures s'arrêtèrent, l'heure des adieux était arrivée. La séparation fut émouvante et solennelle. A peine Sa Sainteté étaitelle descendue de sa berline, que le roi et le prince de Calabre se jetèrent à ses pieds et rendirent un dernier et suprême hommage de leur foi cathoJique.

Ferdinand II, toujours agenouillé, demanda la bénédiction pontificale. « Oh! oui de toute mon âme, s'écria le Saint Père d'une voix émue, oui je vous bénis, je bénis votre famille, je bénis votre royaume. Que pourrais-je dire pour vous exprimer ma reconnaissance de l'hospitalité que vous m'avez donnée!

« Très-Saint Père, répondit le roi, je n'ai rien fait qu'accomplir le devoir d'un chrétien. Qui, reprit le souverain Pontife, dont l'émotion était

croissante, oui, votre affection filiale a été grande et profonde. » Alors relevant l'auguste monarque il le pressa sur sa poitrine, le serra contre son cœur et l'embrassant avec effusion il remonta dans sa voiture. La famille royale et les personnes qui ' l'accompagnaient vinrent ensuite lui baiser les pieds et le cortége se remit en marche.

Tandis que le Saint Père poursuivait sa route, escorté par les hussards du premier régiment de la garde, à travers les nombreux détachements de l'armée napolitaine, et les flots pressés des populations, les ennemis de l'ordre ne cessaient de couvrir les murailles de Rome, de placards injurieux pour l'Église, pour son vénérable chef et pour l'armée française. Ils mettaient tout en œuvre afin d'effrayer le peuple; non-seulement ils ne se contentaient pas de répandre les bruits les plus sinistres et les moins fondés, ils semaient la terreur en faisant éclater, sur plusieurs points de la ville, des pétards et d'autres machines à détonnation. Recourant à tous les moyens d'intimidation, ils firent diverses tentatives d'incendie, enfin ils annonçaient de sanglantes catastrophes pour célébrer, à leur manière, un événement qui devait assurer le salut d'un peuple qu'ils avaient conduit si près de sa perte. Leurs tentatives ainsi que leurs fatales espérances échouèrent sur tous les points. A son arrivée à Terracine, la première ville de

ses États, Pie IX fut complimenté par la magistrature qui lui apporta les clefs de la cité. Dès qu'il eut mis pied à terre, il se rendit immédiatement à l'église du Borgo et de là au palais du gouvernement. Il y reçut les diverses députations de Rome et des pays circonvoisins, les ministres, les princes romains et un grand nombre de personnes de distinction. La joie des habitants était immense, c'était plus que du bonheur, c'était du délire qu'ils éprouvaient à la vue de leur souverain adoré. Le soir Terracine offrit un spectacle sans exemple dans les annales des fêtes populaires. La mer s'illumina comme par enchantement, sur une surface de plus de trois kilomètres, au moyen d'innombrables écorces d'oranges creusées de manière à former lampion. Ces millions d'étoiles scintillantes sur les flots semblaient rivaliser d'éclat avec celles qui resplendissaient, comme des diamants, sur le fond bleu du ciel. Les ondulations que le mouveinent de la mer leur imprimait, produisaient un effet des plus fantastiques. Pendant ce temps le canon tonnait sans intervalle, les fusées, aux couleurs multiples, sillonnaient les nues et d'immenses feux de bengale éclairaient l'antique façade du temple de Jupiter Anxurus, les ruines du fameux château de Théodoric et le rocher gigantesque qui domine la route.

Quelques personnes qui voyaient avec regret la

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