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rentrée du Saint Père dans sa capitale, occupée par les troupes françaises, tentèrent dans cette ville un dernier effort. « Soyez sûr, très Saint Père, lui dit-on, que les Français ne vous recevront pas avec les témoignages de respect que l'on doit au chef de l'Église ; ils ne consentiront jamais à plier le genou devant votre Sainteté.

« Vous croyez? répondit Pie IX.

« Nous en sommes convaincus.

- «Eh bien, je les bénirai debout et j'espère que la bénédiction de Dieu n'en produira pas moins son effet. » On verra bientôt comment ces prévisions ombrageuses étaient peu fondées.

De Terracine, le Saint Père se rendit à Velletri et continua sa marche triomphale sous les plis victorieux du drapeau français.

Le 12 au matin, le ciel était couvert, le vent soufflait avec violence, de gros nuages noirs couraient dans les airs, cependant les fronts rayonnaient et la joie universelle faisait contraste aux teintes sombres qui voilaient le soleil. Les rues et les places que devait parcourir le cortége du pape sé couvraient du sable jaune qu'on répand à Rome sur le chemin des papes; les murs des maisons disparaissaient sous de riches tentures, les fenêtres et les balcons s'ornaient d'élégantes draperies parsemées de guirlandes, les jardins de la ville s'étaient l'étendre dépouillés de leur tapis de fleurs

pour

sous les pieds du souverain Pontife. De longues draperies de damas rouge frangées d'or pavoisaient l'intérieur de Saint-Jean de Latran, la première basilique du monde chrétien. Une enceinte réservée au sacré collége et au corps diplomatique se construisait autour de l'autel, sous le reliquaire de marbre qui renferme les têtes des apôtres saint Pierre et saint Paul. Une élégante draperie, surmontée des armes pontificales, ornait la porte d'entrée sous le péristyle de l'église.

On avait annoncé l'arrivée du Saint Père pour quatre heures cependant depuis le matin une foule innombrable couvrait la vaste place de SaintJean et toutes les rues marquées de sable jaune; les autres parties de la ville étaient désertes, tous les pays environnants avaient versé leurs populations dans l'espace désigné pour le cortége. D'après les dispositions du commandant de place, le général Sauvan, les troupes des armées françaises et romaines prenaient position sur la place SaintJean et sur toute la ligne, depuis la basilique jusqu'à l'église de Saint-Pierre. Le premier régiment de chasseurs à cheval s'était porté à la rencontre du pape pendant que plusieurs pièces de canon se mettaient en batterie pour donner le signal de l'arrivée si impatiemment attendue.

On ne voit nulle part les hommes sinistres qui se montrent au jour des calamités publiques, ils

se cachent ou bien ils ont mis un masque de fète sur leurs sombres visages. Tous les regards embrassent la route d'Albano; là plusieurs détachements de cavalerie contiennent la foule qui s'agglomère. Non loin, les artilleurs attendent, la mêche allumée, l'heure solennelle; le général en chef est au milieu de son état-major.

à coup

Vers quatre heures, un nuage de poussière s'élève au loin, bientôt après un courrier à livrée rouge arrive au grand galop; un premier coup de canon se fait entendre, les cris de vive le pape! retentissent de toutes parts; chaque seconde est marquée par un coup de canon; chaque cloche mêle ses notes d'airain au concert de la réconciliation; le soleil, voilé jusqu'alors, resplendit tout À à travers les nuages, il semble former une auréole d'or au front du pontife. Pie IX descend de voiture, il touche du pied la terre de la patrie qu'il revoit après seize mois d'exil; les membres du corps diplomatique en grand costume, les membres de la municipalité et du clergé se précipitent au-devant de lui et se prosternent à ses pieds, tous les visages sont baignés de larmes, toutes les voix s'unissent dans un même cri d'amour, vive le pape! Princes et cardinaux, soldats et prêtres, armée et peuple sont tombés simultanément à genou, l'émotion du souverain Pontife luimême est extrême; sa main s'étend sur les fronts,

il a retrouvé un peuple, le vrai peuple de Rome, il est heureux!....... Ce moment est sublime.

Cependant, le canon a cessé de tonner. La prière remplace les salves de réjouissance, les chants sacrés se mêlent à la prière; Pie IX, entouré de ses cardinaux et de ses prètres, rend grâce au Dieu qui le ramène par la main de la France au trône de ses prédécesseurs. Après quelques minutes de recueillement à l'église, et quelques instants de repos au palais qui lui est contigu, il monte dans sa voiture de demi-gala et se met en route pour Saint-Pierre. Au même instant, la bannière pontificale est hissée sur le fort SaintAnge et un salut de cent et un coups de canon se mêle au son de toutes les cloches. Les échos de ces bruits divers, roulant le long du fleuve, vont annoncer jusqu'aux montagnes de la Sabine l'heureux événement qui rend un père à ses peuples et des peuples à leur légitime souverain.

Le cortége s'avance au milieu des troupes françaises et romaines échelonnées de distance en distance sur son passage.

Un détachement de cavalerie ouvre la marche, viennent ensuite le général de division Guesviller, au milieu de son état-major, le préfet de police, le commandant Lerousseau et son secrétaire-général M. Mangin;

Les trois cardinaux de la commission gouverne

mentale;

Un escadron de dragons pontificaux ;

Un escadron de dragons français,

Un escadron de chasseurs à cheval, français;

Un détachement de gendarmerie française;
Le batteur d'estrade du pape;

Les gardes nobles à cheval;

La voiture pontificale tirée par six chevaux noirs et couverts de harnais dorés ;

Le général en chef Baraguay-d'Hilliers occupe une des portières, le prince Altieri, commandant en second la garde noble, occupe l'autre ;

Un nombreux état-major;

Un détachement de gardes nobles, les voitures des cardinaux et des ambassadeurs, un escadron de dragons français ferme la marche.

Cet imposant cortégé s'avance lentement par la grande rue qui descend de la place Saint-Jean au Colysée, puis, laissant ce monument sur la gauche, il rejoint le forum Trajan, traverse la place des Saints-Apôtres, celle de Venise, s'engage dans la rue Papale et parvient au pont Saint-Ange.

Cent mille personnes sont échelonnées sur le passage du Saint Père, cent mille acclamations retentissent dans les airs, le bruit du canon SaintAnge se mêle au son de toutes les cloches, les cris de: Vive le pape! vive la religion! Saint Père, bénissez

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