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nous! éclatent de tontes parts. Ces cris universels sont une protestation contre les acclamations qui du nom de Pie IX avaient fait autrefois un signe de ralliement révolutionnaire. Tous les fronts sont courbés, tous les genoux se plient devant la majesté suprême du souverain. Les acclamations qui avaient accueilli Pie IX à son arrivée sur la place de Saint-Jean de Latran, se succèdent et s'élèvent sur toute la ligne comme poussées par un courant électrique. Des nuages de fleurs tombent de toutes les croisées sur la voiture pontificale et sur les officiers qui l'entourent. Enfin, là tête du cortége arrive sur la place du Vatican, les transports d'enthousiasme redoublent, les dames agitent leurs mouchoirs, le peuple entier se prosterne; les soldats de la France, rangés en bataille, s'agenouillent et présentent les armes; un tapis de verdure, incrusté de fleurs jaunes et blanches, est jeté sous les pas du pape; le clergé de Saint-Pierre reçoit le Saint Père avec le cérémonial usité et il le conduit processionnellement dans la vaste basilique. Au même instant, le commandement de : Genou terre! se fait entendre, les genoux fléchissent, les baïonnettes s'abaissent, les tambours battent au champ et les artistes de la chapelle pontificale entonnent l'antienne Ecce sacerdos Magnus. L'émotion de notre armée est unanime, elle se révèle dans tous les yeux par des larmes

d'attendrissement; ce n'est pas seulement un souverain illustre qui s'avance entre les lignes prosternées, c'est la plus grande puissance humaine, c'est la majesté du catholicisme, c'est le représentant de Dieu. Pie IX donne la bénédiction du saintsacrement; puis, au chant du Te Deum, il se rend, suivi du corps diplomatique, dans les appartements qui lui ont été préparés au Vatican.

Quelques heures après, Rome para son front d'un immense diadème de feu. Les palais, les églises, les maisons particulières versèrent dans les rues et sur les places, d'innombrables jets de flamme. Le Capitole, Saint-Pierre, le Monte-Pincio, la Trinité-des-Monts, le Buorgo, le Transtévère, les rives du Tibre, rivalisèrent d'éclat et de splendeur. La coupole de Saint-Pierre, illuminée d'après les dessins de Michel-Ange, apparaissait comme une tiare enrichie de pierreries étincelantes. Ces illuminations générales, unanimes, se répétèrent trois jours consécutifs.

Ainsi se passa l'une des plus grandes scènes qu'offre l'histoire des nations, l'un des faits les plus considérables que le dix-neuvième siècle offrira aux enseignements de la postérité. La religion catholique personnifiée dans Pie IX rentrait triomphalement à Rome sur le pavois de la France. La religion revenait puissante offrant la miséricorde à l'ingratitude et le pardon au repentir; enfin,

l'œuvre de restauration remettait à sa place la pierre angulaire de la chrétienté.

Le 15 avril, les membres du corps diplomatique se rendirent au Vatican pour offrir leurs hommages au Saint Père et le féliciter de son retour à Rome.

Le pape répondit à de chaleureuses paroles prononcées par l'ambassadeur d'Espagne.

<< Messieurs,

<< Vous qui m'avez accompagné et soutenu dans les jours d'épreuve et d'affliction, vous formez aujourd'hui plus que jamais ma joie et ma couronne. En vous exprimant ma reconnaissance pour l'intérêt que vous avez pris à toutes les vicissitudes qui se sont succédé avec tant de rapidité, je vous remercie également de celui que vous prenez aux événements actuels, et j'ai la ferme confiance que votre assistance ne me fera pas défaut pour l'avenir.

Exprimez à vos souverains et à vos gouvernements combien je suis pénétré de gratitude pour tout ce qu'ils ont dit et fait en faveur du SaintSiége. Assurez-les que je prie Dieu continuellement pour la paix de l'Europe et du monde.

« Je désire que les bénédictions de Dieu descendent abondantes sur chacun de vous et sur les nations que vous représentez, afin que, vivifiées par ce don céleste, elles voient au milieu d'elles s'étendre les conquètes de la foi contre l'esprit d'ir

réligion et celles de la tranquillité et de l'ordre contre l'esprit de troubles et d'anarchie. »

Le 17, le souverain Pontife reçut la visite officielle des officiers de l'armée, empressés de déposer à ses pieds leurs hommages et leurs félicitations. Cette cérémonie fut imposante. Le corps d'officiers, réunis au nombre de sept à huit cents hommes dans la vaste salle des conférences au Vatican, brillait par la diversité des insignes et la couleur des uniformes. Les officiers, disposés sur trois rangs, étaient placés dans leur ordre de bataille, par division et par brigade.

Avant d'aller prévenir Sa Sainteté que la réunion était prête à accueillir sa présence, le général Baraguay-d'Hilliers prononça ces quelques paroles avec la franchise militaire qui caractérise sa loyauté de soldat: <«< Messieurs, en défilant devant le Saint Père, il est d'usage qu'on lui baise la main. Les officiers généraux s'y conformeront. Cependant, cet usage n'est point obligatoire; ceux d'entre vous qui voudront s'en dispenser seront parfaitement libres de le faire. »

Bientôt après le souverain Pontife parut accompagné du cardinal Dupont, du majordome et de quelques prélats de sa cour. Debout sur son trône, il bénit l'assemblée. Alors le général en chef lui présenta les officiers.en disant : « Très-saint Père, tous les officiers du corps expéditionnaire désirent

avoir l'honneur d'être présentés à Votre Sainteté et de lui présenter leurs respectueux hommages. >>

Le Saint Père, prenant aussitôt la parole, prononça l'allocution suivante :

« Je suis très-heureux de me trouver au milieu d'une armée qui vient de donner d'éclatants exemples de valeur et de discipline et qui appartient à une nation catholique et généreuse.

<«< Il est bien doux à mon coeur d'exprimer en cette occasion les sentiments de la vive gratitude que je professe pour l'armée française qui n'a épargné ni son argent, ni ses fatigues, ni son sang pour délivrer Rome de l'anarchie qui l'opprimait et pour assurer au vicaire de Jésus-Christ son indépendance, et comme pontife et comme souverain.

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Soyez mon interprète, monsieur le général, vous qui, digne successeur des deux généraux qui yous ont précédé, vous faites honneur de représenter la France auprès du Saint-Siége. Faites connaître mes sentiments paternels au président de la République qui a surmonté les obstacles mis à une entreprise si louable, à l'Assemblée qui l'a décrétée et qui fit éclater dans son sein ces nobles sentiments qui remplirent mon cœur de joie et de consolation.

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J'appelle et j'appellerai toujours la bénédiction de Dieu sur chacun de vous, sur vos familles,

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