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d'une loi, puisqu'il n'en reconnaît aucune, mais de ce dictamen puissant qu'on nomme conscience, il use de ce nom suprême en l'accouplant avec celui du peuple pour autoriser et justifier tous

les crimes.

Pie IX, Ferdinand II, Charles-Albert, le grandduc de Toscane, ainsi que tous les autres princes de l'Italie, avaient le désir et la volonté de faire le bien. En haine de la monarchie, Mazzini les a empêchés de poursuivre leur œuvre sainte; il a bouleversé leurs projets, semblable en cela au sauvage qui, apercevant un commencement d'édifice européen et quelques éléments de civilisation apportés sur une terre inculte et barbare par des missionnaires, met le feu à ces établissements naissants et engloutit avec une joie inintelligente et féroce les trésors qui devaient enrichir son pays.

Oh! si, comprenant mieux la mission que Dieu confère à l'intelligence, Mazzini eût tourné vers le bien la puissance de son génie, il eût contribué au salut de cette Italie si belle dont il a été la perdition!

Les applaudissements des tribunes enthousiasmées par les dernières paroles de Mazzini duraient encore quand, sur la proposition du prince de Canino, d'Audino et de Mazzini lui-même, l'Assemblée constituante, voulant réaliser la réunion de la république toscane à la république ro

maine, décréta qu'une invitation en ce sens serait adressée au gouvernement toscan. A cet effet, trois commissaires, Ignace Guiccioli, Philippe Commerata et Joseph Gabussi, partirent immédiatement pour Florence.

A cette époque, le ministère se reconstitua de la manière suivante :

Aurelio Saffi, à l'intérieur;

Rusconi, aux affaires étrangères;

G. Lazzarini, au département de grâce et jus

tice;

Alexandre Calandrelli, guerre et marine, par intérim ;

Montechi, travaux publics;

F. Sturbinetti, instruction publique.

Un des premiers actes d ece nouveau ministère fut de créer une commission militaire, composée de cinq membres chargés d'examiner des plans stratégiques et de mettre Rome en état de défense. Cette commission devait adresser tous les dix jours à l'Assemblée réunie en comité secret un rapport de ses opérations.

Dans le même temps, Calandrelli, ministre de la guerre par intérim, voulant mettre un terme à l'esprit d'agiotage qui s'était infiltré au sein de l'armée, publia un curieux ordre du jour. Après s'être plaint que dans plusieurs corps de l'armée romaine des chefs et des soldats cherchaient des

prétextes pour réaliser à perte les bons du trésor, il disait: << Dans les temps de crise et de péril, le devoir de chaque citoyen est de coopérer par des sacrifices au salut de la patrie; mais ce devoir est encore plus impérieux chez ceux à qui l'accroissement du pays a procuré accroissement de fortune et d'honneur. >>

Chaque jour la persécution contre les hommes d'église et les choses saintes prenait un caractère plus grave; ce n'était plus seulement les prêtres nationaux qui se trouvaient exposés aux monstrueux abus du pouvoir révolutionnaire ; les prêtres revêtus de l'inviolable majesté de la France étaient indignement outragés. La république ro- * maine violait impunément le droit des gens, alors même qu'elle mendiait les sympathies de l'Eu

rope.

Encouragés par la complicité morale du silence des gens de bien, les révolutionnaires marchant sans obstacle dans leur oeuvre de démolition sociale, chassaient les prêtres consacrés aux missions étrangères, de leur maison de Saint-Silvestre, au Quirinal; ils transformaient en casernes, les couvents de Jésus, de Saint-Vincent et Anastase, de Jésus et Marie, de Saint-André della fratre, des Servites à Saint-Marcel, de Saint-Augustin, etc., etc... Ils s'emparaient du palais du vicariat et jetaient au vent du ciel, sinon aux immondices de la rue,

les reliques recueillies dans les catacombes d'Agnès et de Saint-Sébastien. Ils s'appropriaient les vases et autres objets sacrés de la chapelle Sixtine, et renvoyaient brutalement de leur monastère, les religieuses françaises du Bon-Pasteur. Rien n'était saint et sacré pour eux, ils ne respectaient ni les lois qu'ils avaient fabriquées à leur convenance, ni la religion qu'ils faisaient intervenir à chaque occasion. Pas un d'entre eux n'osa lever la voix contre les manoeuvres anti-catholiques des missionnaires anglais et américains, qui, sur ces entrefaites, s'étaient répandus sur le sol des États de l'Église pour y semer les bibles du protestantisme. A la tête de ces apôtres luthériens et calvinistes se faisait remarquer, par sa haine contre le catholicisme, un ex-moine nommé Achilli, plus connu encore à Rome, Viterbe et Naples, par la dépravation de ses mœurs que par son apostasie religieuse.

Tandis que ces apôtres de l'erreur s'attaquent à la foi des campagnes, ceux de la république poursuivent, à Rome, le cours de leurs déprédations. Un dimanche matin, à cette heure où les fidèles se répandent dans les églises pour y faire leurs dévotions, les démolisseurs envahissant la paroisse de Saint-Philippe de Néri, le saint Vincent de Paule et le protecteur de la ville de Rome, descendent les cloches de l'église et les mettent en pièces devant la foule indignée, qui cependant laisse

consommer, sous ses propres yeux, cette œuvre de vandalisme.

C'est par de semblables excès et par d'incessantes illégalités que la république répondait aux menaces de l'Europe et protestait contre les apprêts de l'intervention. En attendant, les promesses qu'elle avait faites aux peuples n'avaient produit jusqu'à ce jour que ruines, malheur et déception. Le numéraire, ce thermomètre infaillible de la prospérité publique, avait disparu de la circulation; le trésor, livré au pillage, était une mine plus ou moins féconde où les hommes du pouvoir puisaient à pleines mains; les caisses de l'État étaient vides aussitôt que remplies. La rapacité était portée à ce point qu'un député nommé dans deux colléges réclama une double indemnité. L'emprunt forcé sur lequel le gouvernement comptait pour faire face aux besoins de l'État ne produisait que les deniers qu'on pouvait arracher à la peur.

Le prétendu enthousiasme des Romains, leur patriotisme et leur dévouement au nouvel ordre de choses se limitaient donc à une question métallique impossible à résoudre. Sous la république, le baioque de cuivre était devenu plus rare que la pièce d'or sous la papauté. République et misère seraient-elles donc synonymes?

Quoiqu'il en soit, la république avait tellement perverti le sens moral à Rome que, chaque jour,

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