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la république et des pouvoirs illimités pour la guerre de l'indépendance et pour le salut de la patrie.

Ce triumvirat, composé de Joseph Mazzini, Aurelio-Saffi et Charles Armellini, s'empressa d'adresser au peuple une proclamation contenant, comme d'habitude, de sonores, mais vaines paroles au lieu de faits. Mais leurs discours se perdirent dans l'indifférence du peuple romain comme le vent dans le désert dont parlent les saintes Écri

tures.

Les révolutionnaires de Rome et de Florence, qui avaient profité de l'attitude pacifique et conciliante de Pie IX pour le renverser, n'envoyèrent pas un seul homme au secours de l'armée piémontaise qu'ils poussaient à sa perte en haine des monarchies. Ce que désiraient avant l'expulsion des Autrichiens, les nouveaux maîtres de Rome, c'était la chute des trônes des princes italiens. Ils n'avaient détruire par pu la révolte celui de Ferdinand II, ils jetaient sur les baïonnettes de l'Autriche celui de Charles-Albert.

Sur ces entrefaites, le roi de Sardaigne, prince malheureux, mais vaillant soldat, entrait en campagne à la tête de cent trente mille hommes. Il allait jouer contre l'Autriche sa couronne et le sort de l'Italie.

Un Polonais, nommé Chrzanowsky, ayant sous

ses ordres les ducs de Savoie et de Gènes, le général Perron, Durando, la Marmora et Ramorino (ce dernier imposé par les clubs révolutionnaires), commandait en chef l'armée piémontaise. Le maréchal Radetzky commandait les vieilles bandes de l'Autriche formant un effectif de quatre-vingt-trois mille hommes. Après quelques succès insignifiants remportés d'abord par les troupes royales, Radetzky traversa le Tessin, et les deux armées ennemies se rencontrèrent dans les plaines de No

varre.

La première division de l'armée piémontaise, composée des brigades d'Aoste et de Régina, formait l'aile droite, elle se déployait derrière CortoNuova à la gauche de la route de Verceil, sous les ordres du général Giacomo Durando. La deuxième division, composée des brigades de Casale, d'Acqui et de Parme, s'étendait devant la laiterie dite la Citadella. La troisième division, formée des brigades de Savone et de Savoie, s'appuyait sur quelques maisons et l'église de la Bicocca : le gé. néral Perron la commandait. La réserve, composée des brigades de Pigneroles et Piémont, occupait, sous les ordres du duc de Gènes, les environs du cimetière de Saint-Nazaire. Les bataillons, composés des volontaires appartenant aux diverses contrées de l'Italie, étaient à la droite de Crécate. Enfin, le duc de Savoie, à la tête des

gardes et de la brigade de Cunéo appuyant l'aile droite, occupait les bas-fonds qui s'étendent sous les murs de la ville.

Cette disposition de bataille, éparpillant sur une immense étendue de terrain les forces piémontaises devant les Autrichiens qui concentraient les leurs, fut une première faute dont sut profiter le maréchal Radetzky.

A onze heures du matin, cet habile guerrier commença le feu en dirigeant son mouvement d'attaque contre la Bicocca, sur la gauche de l'armée piémontaise. Après une mousqueterie, fort vive des deux côtés, l'action s'engagea sur toute la ligne de bataille. La brigade de Savone, qui occupait les premières positions, plia d'abord; mais, renforcée par la brigade de Savoie, elle reprit immédiatement le terrain perdu, et s'avança même jusqu'à la laiterie Lavinchi, située à la gauche de la citadelle. Alors le feu des Autrichiens se ralentit sur la gauche, et leurs efforts semblèrent se concentrer sur le centre, à la citadelle, qui fut prise et reprise plusieurs fois par les brigades Casale, Acqui et de Parme. L'attaque était redevenue plus vive sur la gauche lorsque les brigades de Savone et de Savoie, décimées par la mitraille, commencèrent à se replier du côté de la Bicocca. Cette position devait décider du sort de la journée. La réserve, aux ordres du duc de Gènes, accourut pour la soutenir.

Le jeune prince, donnant l'exemple du courage, y fit des prodiges de valeur, et après avoir eu plu sieurs chevaux tués ou blessés sous lui, il combattit bravement à pied. Vains efforts! la Bicocca fut enlevée; alors les bataillons piémontais se replièrent les uns sur les autres; la nuit survint, et le champ de bataille resta au pouvoir des troupes de Radetzky vainqueur.

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Le roi Charles-Albert, constamment exposé au feu, cherchant de préférence les positions qui présentaient le plus de dangers, le roi fut superbe de courage pendant toute l'action; mais lorsqu'il vit que la bataille était perdue, il fut sublime... « Puisque je n'ai pu, en ce jour, s'écria-t-il, ni mourir de la mort du soldat, ni sauver l'Italie, ma tâche est désormais accomplie. Je ne puis plus rendre de services à la patrie, au bonheur de laquelle, depuis dix-huit ans, je consacre ma vieţ je renonce volontairement à la couronne pour la déposer sur le front de mon fils,

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Ce moment était solennel! Haut et debout devant la majesté du malheur, Charles-Albert, entouré de ses deux fils et de ses n officiers,

cherchant tous à le faire revenir de sa décision, resta inébranlable dans sa volonté. Je vous remer cie, messieurs, leur dit-il, en les embrassant; je vous remercie tous des services que vous avez rendus à l'État, ainsi qu'à ma personne; mais je

ne suis plus roi : mon fils Victor est le roi. Io non sono più il re, il re è Vittorio mio figlio.

Une heure après, le glorieux vaincu de Novarre, accompagné d'un seul serviteur, partit pour aller mourir sur la terre étrangère.

L'histoire dira peut-être un jour que le roi Charles-Albert est mort victime de son ambition; ce grief ne ternirait point sa gloire, car l'ambition, quand elle émane d'un sentiment généreux, devient la vertu des grandes âmes. Le roi CharlesAlbert a dû sa perte moins à son ambition personnelle qu'à la fatalité des circonstances dans lesquelles il s'est trouvé. Placé entre deux écueils inévitables, la perte de sa couronne par la révolution, ou la chute de son trône par la guerre étrangère, il a choisi celui qui pouvait lui faire perdre couronne et sceptre, mais lui conserver l'honneur. A toute révolution il faut un noble holocauste: Charles-Albert a été celui de l'Italie, comme Louis XVI fut celui de la France, moins l'échafaud; comme Pie IX avait été celui de Rome, moins le régicide. Forcé de tout céder aux exigences croissantes de la révolution, le descendant de l'antique famille de Savoie s'est perdu le jour où il est entré dans la voie des concessions. Sa véritable abdication date de ce jour; le malheur l'a contresignée à Novarre avec l'épée brisée de l'Italie.

Le nom de Charles-Albert grandira dans l'ave

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