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c'est-à-dire le socialisme basé sur la licence, et le principe conservateur, c'est-à-dire l'autorité basée sur la liberté. En Hongrie, les troupes impériales venaient d'éprouver un échec, Pesth avait dù être évacuée. Le siége de Comorn était en partie levé, et la rive gauche du Danube tombait au pouvoir des Hongrois. En Prusse, la Chambre avait été dissoute. L'opposition révolutionnaire ayant obtenu la majorité contre le ministère et ses actes, le roi s'était vu forcé de prononcer la dissolution.

Le roi de Hanovre prenait une résolution analogue. En effet, le 26 avril, il dissolvait la seconde Chambre des États de son royaume.

De son côté, le roi de Wurtemberg déclarait qu'il n'avait adhéré à la constitution décrétée par le parlement de Francfort que sous le coup de la force et de la contrainte. Le feu couvait dans toute l'Allemagne.

Sur un autre point du globe, la Russie poursuivait avec activité ses envahissements dans les provinces danubiennes, tout en massant ses troupes sur les frontières de la Turquie. L'attitude du divan, excité par l'appui secret de l'Angleterre, était non moins hostile. L'Angleterre elle-même, dirigée par un ministre brouillon, était aux prises avec de graves difficultés. Tandis que la guerre des Sikes occupait dans l'Inde une partie de ses forces, le Canada lui donnait des inquiétudes assez sé

rieuses pour inspirer la crainte de voir recommencer d'un instant à l'autre la guerre de l'indépendance.

La position de la France n'était guère meilleure. Le cancer du socialisme la menaçait au coeur! Nonobstant ses luttes à l'intérieur, la France républicaine, obéissant malgré les républicains aux glorieuses traditions de la monarchie, s'apprêtait à lancer ses bataillons sur les chemins ouverts par Charlemagne, sous le beau ciel de la malheureuse Italie.

Une formidable armée française se trouvait organisée au pied des Alpes, sous les ordres d'un général digne de porter l'un des plus beaux noms de l'Empire. Des circonstances mémorables avaient présidé à la création de cette armée. Alors les troupes autrichiennes, disséminées au milieu d'un soulèvement général précipité par la Révolution de février, abandonnaient Venise, Milan et leurs principales positions du royaume lombardo-vénitien. Habilement commandées par Radetzki, le doyen des généraux de l'Europe, elles se concentraient dans le quadrilatere presque inexpugnable situé entre le Mincio, le Pô, l'Adige et le lac de Garda. Le roi Charles-Albert, acceptant le rôle de libérateur que l'opinion libérale lui conférait, jetait son cri de guerre et franchissait le Tessin à la tête d'une armée nombreuse et dévouée. C'est

en présence de ces événements que le gouvernement provisoire réunit, par un décret en date du 9 mars, trente-quatre bataillons d'infanterie formés en trois divisions; une division de cavalerie composée de trente-six escadrons et neuf batteries d'artillerie. Cette armée qui devait bientôt se renforcer de deux autres divisions, s'échelonna sur la frontière des Alpes et établit son quartier général à Grenoble. La position avancée de cette ville permettait de diriger simultanément sur la capitale du Piémont deux colonnes, l'une par le mont Genêvre, l'autre par le mont Cenis. Le premier soin du général Oudinot, appelé au commandement en chef de ces troupes, fut de resserrer autour du drapeau les liens de la discipline. L'esprit de révolte et d'insubordination qui germait dans tous les grands centres, notamment à Lyon, s'était fatalement introduit dans le cœur de quelques régiments; les autres étaient travaillés par les démocrates qui, n'ayant pu les vaincre par la force des armes, cherchaient à les corrompre pár la séduction de leurs doctrines; presque tous se ressentaient plus ou moins du choc violent que la chute de la monarchie avait imprimé à tous les rouages de la société française. A la voix de leur général en chef, tous ces corps firent un prompt retour à la discipline et réparèrent, par la pratique des vertus morales qui font la force des armées, l'ou

bli momentané de leurs devoirs. Afin de se dévouer plus efficacement à cette œuvre, l'une des belles pages de sa vie militaire, le duc de Reggio avait sacrifié l'exercice de ses fonctions de représentant du peuple.

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Tous les divers corps reçoivent l'impulsion de son patriotisme et de son dévouement absolu au devoir du soldat; ils sont réunis par les liens d'une confraternité commune dans cette seule et même pensée l'amour de la patrie. Abnégation, discipline et sacrifice au besoin sont l'expression intelligente de ce sentiment unique que les enfants de la France traduiront quand l'heure aura sonné par des actions dignes d'eux et du pays qu'ils représentent. En attendant, remarquable par les qualités morales qui distinguent l'armée des Alpes, nulle aussi bien qu'elle n'aura reflété les tendances du pays, modération dans la force, intelligence dans la discipline, abnégation dans le devoir.

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C'est à l'organisateur de cette armée que la France confia l'épée de Charlemagne, pour rendre au chef de l'Église le trône de saint Pierre. En ces graves circonstances, le général Oudinot ne devait pas seulement représenter le département de Maine-et-Loire, qui depuis quinze années le choisissait pour mandataire aux assemblées législatives, il devenait encore l'instrument des volontés de la

France en des contrées où son père a laissé de si glorieux souvenirs.

L'un des officiers généraux les plus distingués de l'Europe, le général Oudinot, duc de Reggio, encore dans la force de l'âge, appartient à la grande école de l'Empire.

Né, pour ainsi dire, sur un champ de bataille, honneur, discipline et patrie furent les premiers mots que son père lui apprit à prononcer. Il était fort jeune encore, lorsque, revêtu de l'uniforme des guides de Masséna, il entra dans la vie militaire par la mémorable bataille de Zurich. Plus tard, compris dans la première promotion des pages de l'empereur, il fit la campagne de 1809 comme premier page du grand capitaine; et de trois champs de bataille, Napoléon l'envoya rendre compte au Sénat de ses triomphes et de la situation de ses armées.

La veille de Wagram, par une nuit de tempête, qu'éclairait seulement une formidable artillerie, l'empereur, présidant au passage du Danube, ne voulut point attirer l'attention de l'ennemi par une nombreuse escorte'; il ne conserva près de lui que le prince de Neufchâtel et son premier page, sur le bras duquel il fut constamment ap puyé. Depuis lors, le jeune Oudinot, gagnant successivement, sur nos principaux champs de bataille, ses grades, passa devant les tours de Lis

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