Images de page
PDF
ePub

DES AMOURS DE D. G.***

ans,

NOURRI, dès sa première jeunesse, des écrits séduisans de Tibulle et d'Ovide, M. D. G*** avait à peine dix-sept lorsque, écrivant sous la dictée de son cœur, il essaya de faire passer dans ses vers ce feu divin, ces gràces touchantes qui distinguent les chantres de Corine et de Délie : le succès justifia son entreprise. Ses Amours, comme ceux de Parny et de Bertin, devinrent le bréviaire des belles. Le mérite personnel et les connaissances profondes de M. D. G*** lui ayant valu, depuis nombre d'années, une des places les plus importantes et les plus honorables de l'Université de France, il a dû cesser tout commerce avec les muses légères, pour se livrer entièrement à ses devoirs. Il nous pardonnera néanmoins, nous l'espérons, d'aveir recueilli quelques vers, enfans de sa jeunesse, pour les inettre au rang de ceux qui caractérisent nos premiers érotiques français.

LE SONGE.

LASSE d'un ingrat esclavage,
Dans le silence plein d'horreur
D'une forêt sombre et sauvage,
J'avais égaré ma langueur.

Loin de la beauté qui m'engage

Je voulais fuir; mais dans mon cœur J'avais emporté son image.

Couché sous un morne feuillage, J'allais mourir de ma douleur. Touché de ma peine cruelle, Du sommeil le dieu bienfaisant Vint alors suspendre, un moment, Les maux de mon âme fidèle. Du jour qui fuyait de mes yeux A peine j'eus perdu l'usage, Je vis, sur l'azur d'un nuage, L'Amour qui descendait des cieux. Il avait les traits de l'enfance; Dans sa main brûlait un flambeau; Son front était ceint d'un bandeau ; Son air doux peignait l'innocence. Sur ses lèvres errait encor Le souris malin et folâtre ; Et sur ses épaules d'albâtre Flottait un carquois brillant d'or. Enfin, d'une voix douce et tendre: - Eh quoi! me dit ce dieu charmant, Au premier assaut, chancelant, Ton courage est las d'entreprendre! Le ciel, d'un mur de diamant, N'a point armé le cœur des belles. Pour subjuguer les plus rebelles,

-

Il suffit d'un effort constant.

Une longue persévérance

Peut dompter les plus durs métaux.
Le temps courbe à l'obéissance
Le front superbe des taureaux.

Par degrés, le fruit de la treille
Mûrit au faîte des coteaux.

Par degrés, la rose vermeille

S'entr'ouvre et se voûte en berceaux.
L'onde, au sein de la roche aride,
Se fraye une route, et s'enfuit;
Et le ruisseau, d'abord timide,
Bientôt s'enfle en torrent rapide
Dont les flots roulent à grand bruit.
ainsi que la gloire,

Le plaisir,

Cède au courage aidé du Temps.

Vœux, soins, soupirs, larmes, sermens,

Pour fixer enfin la Victoire,

Voilà les armes des amans.

De l'objet que ton cœur adore

La rigueur n'est point sans retour.
Dans son âme il fait nuit encore;
Mais un rayon de ton amour,
Des demain, peut y faire éclore
L'éclat désiré d'un beau jour.
Tantôt soumis, humble et sincère,
Attends l'aurore du désir;

Tantôt, doucement téméraire,

Provoque l'instant du plaisir.
Presse, gémis, pleure, conjure.
Vante-lui l'éclat de ses yeux,
L'élégance de sa coiffure,
La fleur qui lui sert de parure,
Son pied mignon et gracieux.
Atteste à la fois tous les dieux;
Les vents emportent le parjure,
Et Vénus en rit dans les cieux.
Alors d'une flamme éloquente
Ses beaux yeux pourront se remplir;
Alors de sa gorge brûlante
Pourra s'échapper un soupir.
Ce n'est plus cette humeur altière
Qu'irritait un larcin léger.

Déjà, près de Thaïs moins fière,
Sans crime tu peux tout oser.
Si le feu d'un premier baiser
Allumait encor sa colère,
Un second saura l'apaiser.
Mais ne tarde plus : le temps vole.
On ne peut pas aimer toujours.
Dans les champs que l'hiver désole,
Quand Flore a triomphé d'Éole,
On voit renaître les beaux jours.
Le papillon, fier de ses ailes,
Sort au printemps d'un long sommeil,
Et, plus brillant à son réveil,

Elégies.

25

Va caresser les fleurs nouvelles.
De l'arbuste aimé de Phoebus
Le temps respecte la parure;
Vainement souffle la froidure,
Le myrte sacré de Vénus

Garde une immortelle verdure.
L'homme seul vieillit tous les ans;
Mais rien ne lui rend sa jeunesse.
S'il n'a joui de son printemps,
Sous la faux du Temps qui le presse,
Courbé bientôt en cheveux blancs,
Combien il pleure les momens
Qu'il a perdus pour la tendresse !
Réduit à traîner dans l'ennui
Une vieillesse solitaire "
Il ne trouve pas un ami
Pour fermer sa triste paupière;
Et jamais une amante en deuil,
Dont la douleur hausse les charmes,
Ne vient porter à son cercueil
L'annuel tribut de ses larmes :
Tandis que, fidèle au plaisir,
Celui que le présent console
Des outrages de l'avenir,

Pour l'âge où le bonheur s'envole
Garde du moins un souvenir.
Souvent d'une fleur printanière
Il sait encor, dans un festin,

« PrécédentContinuer »