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Parer sa tête octogénaire;
Et lorsque l'arrêt du destin,
De son existence légère,
A coupé le fil incertain,
Alors, par une pente aisée,
Dans le séjour de l'Élysée
Vénus le conduit par la main.
Une lumière toujours pure
Embellit ces aimables lieux;
Toujours féconde sans culture,
La terre y prévient tous les vœux.
Là, près de la rose naissante,
Pour former des bosquets ombreux,
Croissent le lis majestueux,
Et la violette odorante,
Et le lilas voluptueux.

Au doux bruit des eaux fugitives,
Là, mille oiseaux mélodieux
Unissent leurs chansons plaintives;
Les bois semblent harmonieux,
Et le zéphir officieux

Nourrit la fraîcheur de ces rives

Que fuit l'aquilon rigoureux.
Unis à des groupes de belles,

Au bord des ruisseaux toujours clairs,

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Le vallon prolonge leurs airs,
L'écho se plaît à les redire;

Et Vénus, par un doux sourire,
Applaudit à leurs jeux divers.
C'est sur ce fortuné rivage
Que vient errer paisiblement
L'heureux mortel qui, toujours sage,

Sut vivre et mourir en aimant.
La douce odeur de l'ambroisie
Y parfume ses beaux cheveux,
Et la rose aux myrtes unie
Serpente, en guirlande fleurie,
Autour de son front gracieux....
Alors d'une flèche dorée

L'Amour me touche en souriant.
Je me réveille; et, dans l'instant,
Adieu la chimère adorée

Dont j'étais séduit en dormant!
Pour en prolonger la durée,
Je voulus m'endormir encor:
Le sommeil trompa mon effort.
Pourtant, en détruisant mon songe,
L'Amour ne m'a point tout ôté;
Je n'ai perdu qu'un vain mensonge;
L'espoir dans mon âme est resté.

LA NUIT.

DÉJA la nuit sur la nature

A tendu son voile brillant.

Phoebé des bois sillonne l'ombre obscure,
Et fait jouer à travers leur verdure

L'éclat douteux de son flambeau tremblant.

Que j'aime à voir, dans sa course inconstante, Le cristal léger des ruisseaux

Réfléchir la clarté mouvante

Dont la lune argente leurs flots!
Je n'entends plus ta voix touchante,
Aimable Amphion des oiseaux !

Le zéphir seul soupire à travers ces rameaux,
Et, de son aile caressante,

Agite, en frémissant, la cime des berceaux.
Quel silence profond dans la nature entière !
Tout est calme. Moi seul, occupé de mes maux,
Je gémis. L'ombre en vain a chassé la lumière :
Morphée a fui de ma paupière.
L'Amour connaît-il le repos?

Jeune beauté, qui fais le destin de ma vie,
Si quelque jour l'Amour vainqueur -
Peut fléchir ton âme attendrie,

Puisses-tu n'en goûter jamais que la douceur !
Maintenant, loin de moi, mollement assoupie,
Exempte des tourmens qui déchirent mon sein,
Tu dors! Que ton sommeil soit, ô ma tendre amie,
Aussi rafraîchissant que l'air pur du matin!
Sur ta couche parfumée

Repose paisiblement,

Comme, au printemps, la goutte de rosée
Repose en paix sur le lis odorant,
Quand', au lever de l'aurore,
Zéphir, qui sommeille encore,
Retient son souffle inconstant.
Vous, dont l'imposture innocente,
Quand la nuit a fermé mes yeux,
Vient parfois égarer mon âme nonchalante
Au milieu des ris et des jeux,
Songes légers, quittez les cieux:

De vos douces erreurs bercez ma jeune amante.
De l'âge d'or, à ses yeux enchantés,
Offrez par-tout les riantes images:
Le cristal des flots argentés,

Et l'azur d'un ciel sans nuage,

Et les lilas touffus, autour d'elle agités,
Balançant sur son front la fraîcheur et l'ombrage.
Dans le silence des bois,
Que son oreille attentive
De Philomèle plaintive
Entende gémir la voix.

1

L'âme exempte de tendresse
A la douleur peut s'ouvrir;
Et quelquefois la tristesse
Est voisine du plaisir.

Egarez-la sous un toit de verdure,

Loin des regards d'un indiscret Amour.
Là, que sans voile, et n'ayant pour parure
Que ses attraits, au sein d'une onde pure
Elle trouve un rempart contre les feux du jour.
Que des plaisirs l'essaim fidèle
La prenne pour Vénus au bain;

Que l'un d'eux folâtre autour d'elle,
Comme le papillon badin

Près de la rose jeune et belle

Qui vient de s'ouvrir au matin;
Qu'un autre, du bout de son aile,
Pour l'embaumer des plus douces odeurs,
Complaisamment vienne agiter les fleurs
Que produit la saison nouvelle.
Plus loin, au fond de ces beaux lieux,
A l'abri d'un feuillage sombre,

Peignez l'Amour couché nonchalamment à l'ombre, Évitant la chaleur des cieux.

Mais craignez d'alarmer la timide innocence!
Peignez l'Amour sans arc, sans carquois et sans traits,
Paré seulement des attraits

Dont s'embellit l'heureuse enfance.
Songes rians, doux imposteurs,

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