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celle du président élu en y montant, amenassent aucun incident remarquable.

La pensée que la Chambre avait exprimée en préférant M. Bérenger à M. Persil, et la mesure qu'elle entendait garder en donnant son assentiment au ministère, se révélèrent dans la composition de la commission chargée de répondre au discours du roi; les commissaires se montrèrent, à leur tour, inspirés des mêmes sentimens dans le projet d'adresse qui fut lu en séance publique le 2 janvier. Ce projet, dont M. Étienne avait été le rédacteur, n'était pas précisément hostile au ministère; cependant, par les déclarations formulées sur plusieurs points, par les développemens de quelques questions sur lesquelles le gouvernement avait rapidement glissé, par le ton de réserve et d'indépendance adopté sur quelques autres, l'approbation présentait presque dans certains paragraphes un caractère de méfiance, ́et même de blâme implicite. Cette intention critique était au reste vague, insaisissable; elle se laissait deviner plus qu'elle ne s'exprimait; on la sentait partout sans la trouver nulle part; on peut dire enfin que la lettre était favorable au ministère, et que l'esprit lui était contraire. Il résulta de cette nature équivoque de l'adresse, un fait assez nouveau dans les fastes parlementaires : bien que l'expression d'une majorité ministérielle, elle fut généralement appuyée par l'opposition, tandis que les amis les plus dévoués du ministère, et les ministres eux-mêmes, ne la défendirent que mollement, tout en se gardant d'en attaquer la tendance, parce que c'eût été avouer qu'ils y reconnaissaient un caractère qu'ils pouvaient à la rigueur se refuser d'y voir. La discussion engagée dans des circonstances pareilles, ne procéda point avec ordre et régularité, et selon ses formes ordinaires d'attaque et de défense alternatives: ce fut une mêlée générale où tous les rangs semblèrent confondus, et où les partis s'effacérent pour ne laisser paraître que des individualités. › M. Salverte, qui parla le premier, repoussait l'adresse.

Elle lui semblait, comme le discours de la couronne, décla rer en résumé que le système suivi par le gouvernement, depuis là révolution de juillet, avait produit d'heureux résultats, et qu'il fallait par conséquent y persister. Or l'orateur s'attachait à démontrer, par le tableau qu'il traçait de la situation intérieure et extérieure de la France, que ce système avait eu au contraire les suites les plus fâcheuses, qu'aucun des bienfaits qu'on en avait attendus, que le ministère lui avait assignés, n'avait été obtenu, puisque l'armée devait rester sur le pied de guerre, puisqu'aucune réduction dans les charges n'était annoncée, puisque la tranquillité publique était encore troublée dans l'Ouest et dans le Midi, et puisque le gouvernement croyait devoir recourir, pour maintenir l'ordre, à des mesures violentes et attentatoires à la liberté individuelle des citoyens.

Après M. Roul, qui applaudissait de tout son pouvoir au discours de la couronne, indiquant la résolution de persé¬ vérer dans le système fondé par le ministère du 13 ́mars', ainsi qu'au projet d'adresse qui encourageait cette résolution, M. de Sade prit la parole, et débuta en disant qu'il ne partageait point l'opinion de ses collègues de l'opposition sur les questions de politique extérieure. Il tenait compte aux ministres des difficultés de leur position, et leur rendait gråces d'avoir su conserver une paix qu'il jugeait devoir être, et dans le présent et dans l'avenir, plus avantageuse pour da France que pour toute autre puissance; mais il ne pouvait pas approuver la marche du gouvernement à l'intérieur. « Plus nous allons, disait-il, plus ressort cette incontestable vérité que l'immense majorité de la France ne veut autre chose que ce que nous avons acquis en juillet, et ce dévelop pement progressif dont nos institutions portent dans leur sein le germe et les moyens. » Les partis dissidens, dont les tentatives ne servaient qu'à montrer la faiblesse et l'impuissance, ne trouvaient aucune sympathie dans le pays; la population était unanime pour le maintien de l'ordre établi.

"Cependant, ajoutait l'orateur, on ne peut se le dissimuler, il règne dans les esprits un certain malaise, une certaine inquiétude; un mécontentement toujours croissant, éclate contre la marche suivie par le ministère. (Écoutez, écoutez ! ) Une foule de bons citoyens, qui se vantent de n'être enlacés dans les liens d'aucun parti, qui sentent qu'avant tout un gouvernement nouveau aurait besoin de leur concours, qui rendent la justice est due aux bonnes intentions et à la loyauté des ministres, cependant se tiennent à l'écart, ou plutôt se mettent dans l'opposition. >>D'où peut venir cette disposition d'esprit? Je ne veux parler ni des plaintes ni des exigences exagérées, je ne veux point entrer dans la question controversée des promesses, des programmes, des professions de foi (on rit), toutes choses qui me sont inconnues. (Nombre de voix. A la bonne heure!) Il ne sera question que de ce qui est à la portée de tout le monde, que de ce qui est de notoriété publique. Cette défiance ne viendrait-elle point de ce que les ministres se sont trop ouvertement prononcés contre le développement de notre organisation politique, qu'ils n'ont point montré assez de foi dans nos institutions politiques, ni dans la sagesse de notre esprit public? On a toujours craint de les voir se laisser arracher quelques unes de ces nesures que dicte une peur mal fondée, et prêter l'oreille à je ne sais quel entourage, plutôt que de l'ouvrir à la grande voix nationale.

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Cette méfiance contre le ministère était justifiée par le langage qu'il tenait lui-même, et qu'il tolérait chez les autres; par les propositions qu'il ne repoussait pas, par la complaisance avec laquelle il semblait accueillir les reproches de mollesse et d'inertie que lui adressaient ses partisans, par les poursuites que le zèle le plus malencontreux entassait sans discernement comme sans mesure, par les échecs multipliés que l'autorité s'exposait à essuyer devant le jury. M. de Sade ne trouvait rien, dans l'état de la société, qui nécessitât l'emploi de moyens exceptionnels de répression: les désordres qu'on signalait ne l'alarmaient pas; il n'y voyait que conséquences naturelles de la liberté. Les adversaires de l'ordre de choses actuel seraient désarmés de leur principal, de leur seul argument dangereux, dès que le pouvoir abandonnant sa politique de temps d'arrêt, voudrait démontrer que, sous la monarchie constitutionnelle, on pouvait marcher aussi rapidement et plus sûrement dans la voie du progrès social, que sous tout autre système, et cette démonstration lui semblait facile.....

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«Elle aura lieu, ajoutait l'orateur, le jour où vous voudrez forcer le gouvernement à suivre de meilleurs erremens, le jour où (veuillez bien, messieurs, excuser ma franchise) vous serez disposés à montrer moins de défiance que vous n'en avez montré jusqu'à présent dans l'excellent es

prit d'une nation qui repousse si énergiquement tous les fauteurs de désordres, tous les auteurs d'utopies, qui est mûre pour l'extension des priviléges politiques, et pour l'acquisition de tous les droits et de toutes les garanties, dont la reconnaissance graduelle peut seule imposer silence aux craintes des uns et aux espérances des autres, en faisant reposer notre édifice social sur la plus solide, la plus durable des bases.

>>J'aurais voulu que l'adresse dont on vous a donné lecture contint quelques uns des principes que je viens de développer devant vous. Je conviens qu'elle est faite sur un ton de fermeté qui fait honneur à la Chambre, et peut-être que la Chambre n'a jamais parlé si noblement. Cependant j'attendrai la fin de la discussion ; je m'éclairerai par elle pour savoir comment je dois donner mon vote. (Marques d'adhésion.) »

- Succédant à M. de Sade, et comme lui approuvant l'adresse sous condition, M. le marquis de Mornay prit l'initiative de ces professions de foi nettement formulées, que plusieurs membres renouvelèrent pendant cette discussion, et qui présentèrent quelque intérêt, en ce qu'elles furent dans leur variété un indice des divisions intestines dont l'existence, au sein de l'opposition, avait été annoncée par la presse. M. de Mornay repoussait avec énergie la communauté, la solidarité que les ministres s'étaient efforcés d'établir entre les fauteurs d'anarchie et de désordres, et l'opposition parlementaire, qu'il appelait le seul parti véritablement national.

«Ce qu'il veut, ce parti national, auquel je tiens à honneur d'appartenir, s'écriait l'orateur, c'est la monarchie constitutionnelle, cette royauté populaire que nous avons créée, et que nous saurons défendre contre les factions, contre les téméraires qui tenteraient de l'ébranler ; nous la voulons comme principe fondamental de cette, Charte inviolable et sacrée pour tous, à laquelle roi, et citoyens, nous avons juré respect et fidélité.

Ce qu'il veut encore, ce sont ces institutions libérales, bienfaisantes et protectrices, qui garantissent à tous les mêmes avantages et les mêmes droits, pourvu qu'il y ait aussi égalité de mérite et de capacité.

»Son drapeau est celui si glorieux et sans tache de 89 et de 1830, dont la devise est liberté, ordre; enfin, pour résumer notre pensée et nos désirs, nous voulons conserver et améliorer; c'est là, je ne crains pas de le dire, la volonté de la grande majorité de la France. »>

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Toute l'attention de la Chambre, à laquelle M. Coulmann, suppléant au silence de l'adresse et du discours du roi, venait de présenter des considérations spéciales sur la nécessité de maintenir la constitution germanique contre les empiétemens de la Prusse et de l'Autriche, se réveilla lorsque M. Bérenger parut à la tribune. Nous avons déjà eu occasion

· et aux institutions que cette monarchie nous a données ou qu'elle nous promet: c'est sur ce terrain, messieurs, que doit se trouver une majorité forte, puissante, non celle qui s'obtient par l'intrigue, par un esprit de coterie, indigne de notre époque, par la terreur des destitutions ou l'appât des récompenses; mais cette majorité nationale, qui devient un appui d'autant plus fort pour le gouvernement, qu'elle s'honore de son indépendance, qu'elle a besoin qu'on y croie, et qu'elle veut qu'on sache bien qu'elle ne cède qu'à sa conviction. Voilà le concours que la couronne nous demande et qu'elle obtiendra de nous.

>> C'est là, messieurs, où (fort du témoignage éclatant d'estime que vous m'avez tout récemment donné ) je crois pouvoir me permettre de vous appeler tous, car c'est sur ce terrain seulement que nous pourrons faire le bien et assurer l'avenir de notre belle patrie.

» Alors nous n'aurons besoin ni de réformer notre jury pour augmenter le nombre des condamnations politiques, ni d'altérer nos institutions, ni de chercher dans des lois plus rigoureuses de nouveaux moyens de répression; les partis se calmeront, les factieux abandonneront leurs projets, et la France, libre et heureuse, bénira la sagesse d'un gouvernement qui n'aura été fort qu'en s'identifiant avec elle, qui, au milieu des épreuves les plus difficiles, n'aura triomphé de ses ennemis que par des moyens qu'on avoue dans tous les temps, et qui, parvenue à ne plus les craindre, scellera, nous en formons le vou, sa victoire par la clémence. »>

3 janvier. M. Garnier-Pagès repoussait l'adresse, parce que l'expression du blâme y était enveloppée de trop de ménagemens, et que la marche suivie par le gouvernement lui semblait devoir être formellement flétrie. La violence était le système du pouvoir, et il l'aurait poussée jusqu'à la terreur, si la terreur eût encore été possible : le désordre moral était le résultat de ces attentats aux libertés publiques et individuelles; car les citoyens se trouvaient placés entre l'obéissance due aux lois, et leurs sentimens de moralité, la conscience de leur droit absolu; le désordre matériel en était aussi le résultat, parce que la classe ouvrière faisait effort légitime pour sortir de la position exceptionnelle, inférieure, dans laquelle la retenait la législation, et pour obtenir des droits politiques.

La déception, la calomnie dirigée contre les organes indépendans du pays, contre les journalistes, les députés, les citoyens restés fidèles à la liberté, tels étaient, selon M. Chapuys-Montlaville, les ressorts employés par les ministres pour se maintenir. Ils représentaient uniformément tous leurs adversaires comme professant, comme voulant appliquer les doctrines anarchiques et spoliatrices de 93, et c'était en

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