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CHAPITRE XII.

Explications dans la Chambre des députés sur la dernière crise minis térielle. Ordre du jour motivé en faveur du ministère. — Premières opérations de la cour des pairs dans le procès des insurrections du mois d'avril.-Procès du National devant la Chambre des pairs. - Pétitions. -Objets divers.-Projet de loi relatif aux élèves des écoles militaires. -Projet de loi sur la vente des fruits pendans par racines.-Résumé.

1er décembre. Les premiers actes de la Chambre des députés allaient avoir toute l'importance des débats qui suivent ordinairement l'ouverture d'une session; car tout annonçait que la lutte, à peine engagée au mois d'août, et dont les hostilités extra-parlementaires faisaient attendre le dénouement avec un nouveau dégré d'intérêt, serait cette fois vidée sérieusement. En effet, conformément au programme qu'avaient publié ses journaux, le ministère demanda une discussion formelle, dès que la Chambre fut réunie, le 1a décembre. Les ministres de la justice, des finances, du commerce et de l'intérieur se succédèrent d'abord à la tribune, pour présenter divers projets de loi. Bien que les exposés des motifs se renfermassent dans leur spécialité, on y trouvait cependant des allusions à la question de politique actuelle, que chacun sentait devoir prendre l'initiative sur toute autre. Ainsi, le garde-des-sceaux, en soumettant à la Chambre un projet de loi sur la responsabilité des ministres, disait que la condition de tout ministère était de marcher avec l'opinion publique et la majorité des Chambres qui la représentait.

>> Non seulement, ajoutait-il, il doit sortir victorieux des luttes auxquelles il est provoqué, mais il faut que la majorité l'avoue et le soutienne; que son système de gouvernement et d'administration ait l'approbation publique et patente de la majorité. L'hésitation, l'incertitude de la part de la majorité sur la marche générale de leur politique, signale aux mi

nistres qui se respectent la nécessité de se retirer. Ils ne peuvent plus faire le bien dès que la majorité ne s'associe pas nettement à leur système. Telle est la condition du gouvernement représentatif. » ››

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A l'occasion d'un projet relatif à l'ouverture d'un crédit affecté à la construction d'une salle d'audience pour les pairs, formés en cour de justice, le ministre de l'intérieur déclarait, de son côté, que l'amnistie, d'abord jugée possible, avait bientôt cessé de l'être, tant en raison de circonstances générales, que parce que la presse l'avait envenimée, et parce qu'une partie de l'opposition l'avait présentée comme le dé, saveu et la condamnation de la politique, si heureusement suivie vie par le gouvernement, depuis quatre années.

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Ce serait nous démentir nous-mêmes, disait l'orateur, ce serait trahir la majorité des Chambres, qui a constamment soutenu notre système et encouragé nos efforts; ce serait enfin porter la plus fupeste atteinte au gouvernement de juillet, que de consentir un moment à élever le moindre doute sur la pays. Ce n'est pas nous, mes

déchirer

sieurs, qui voudrión de une page, effacer une seule ligne

de notre histoire politique depuis 18304

Ce n'étaient là toutefois que des allusions, des provoca tions d'une portée indirecte, qui ne pouvaient suffire au ministère; aussi le ministre des affaires étrangères aborda t-il plus nettement la question en ces termes :

Messieurs, je viens au nom de tous mes collègues donner à la Chambre quelques explications qui nous semblent indispensables au début même de sa réunion. Tous les ans il est d'usage de faire précéder les travaux de la session d'une discussion complète et solennelle sur toutes les affaires du pays,

couronne et Palt intérieures, soit extérieures. C'est le discours de la

des deux Chambres qui fournissent l'occasion et le texte de cette discussion. Aujourd'hui cette occasion nous manque, parce que la couronne a déjà parlé au mois d'août dernier. Sans doute il eût été possible, peut-être utile, et certainement constitutionnel, de faire entendre une seconde fois, dans cette session, une voix qui vous est chère à tous. La réponse de la Chambre eût amené les éclaircissemens que vous désirez sans doute, et que nous désirons aussi vivement que personne. Mais, messieurs, cette démarche, cette expression réitérée des vues du gouvernement, aurait pu être mal comprise. On aurait pu croire qu'à la veille d'une discussion décisive sur le système politique que nous avons suivi, nous voulions faire intervenir à l'appui de notre propre responsabilité une autorité auguste dont il est interdit à des ministres constitu tionnels de chercher à se couvrir. Il n'y a que nous, messieurs, il n'y a que nous de responsables des actes du gouvernement, et du système que, depuis quatre années, il suit avec une constante persévérance. Nous nous présentons donc tout seuls, prêts à accepter le mode de discussion qui conviendra à la Chambre. Divers projets de lois viennent de lui être présentés; il en est qui touchent aux grandes questions politiques qui s'aAnn. hist. pour 1834.

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gitent aujourd'hui. La discussion de ces projets pourra fournir un champ
vaste, à toutes les opinions, et donner à la Chambré l'occasion de se pro-
noncer. Cependant le terme de ces débats ne saurait être très-prochain;
car il faut un certain temps pour que des projets de lois puissent être
examinés: si la Chambre croyait devoir aborder plus tôt la solennelle dis-
cussion de nos affaires générales; si quelques uns de ses
ses membres
voulaient,
par le moyen déjà usité des interpellations, amener cette discussion, je
viens déclarer que nous sommes prêts à nous associer à une pareille ma-
nière, de procéder. Si le terme qui le
la discus-
sion des projets présentés, l'occasion de nous expliquer complètement.
La Chambre comprendra que c'est pour nous et nous osons ajouter,
pour elle, une impérieuse nécessité. La Chambre à le droit de nous deman
der quesore tour, chargés d'une immense
actes, quelles sont nos rustponsabilite, il doit nous
notre système.

et nous avec empressement,
prochain n'est pas préférés

Nous, à être permis de dife aux Chambres, c'est-à-dire au pays qu'elles représentent, comment et au prix de quel système il rapportons la bienveillante justice de la Chambre, du plan de discussion qu'elle cepter le pesant fardeau des affaires publiques. Nous nous en poppe dac youdra bien adopter. » ) » Tup, 791ents) «. » shiojɛm..

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Après quelques momens d'un profond silence, M. Etienne ayant dit que la Chambre avait fait une réponse solennelle, non équivoque, franche et loyale dans son adresse, demanda aux ministres s'ils l'acceptaient ou non: M. Berryer ajouta que la sommation de la part d'un ministre adressée à une partie de la Chambre, à des membres de l'opposition, de s'expliquer sur leurs pensées et sur les observations qu'ils pourraient avoir à présenter, lui semblait la chose du monde la plus étrange; il ne pensait pas que le discours que la Chambre venait d'entendre pût être pour elle un sujet de délibération, Le ministre de l'instruction publique répliqua à M. Etienne qu'il ne comprenait pas sa question, qu'il n'appartenait pas aux ministres d'accepter ou non les adresses qui étaient portées au roi et reçues par lui; à M. Berryer, qu'il n'y avait eu, de la part du ministre des affaires étrangères, ni sommation ni conseils à personne; que tout député avait sans doute le droit de faire des interpellations, au moment qu'il le jugerait convenable, mais que les ministres avaient aussi le droit de dire à la Chambre que des explications leur paraissaient désirables, opportunes, et qu'ils étaient prêts à les donner. Lorsqu'on tentait d'élever des incertitudes sur les dispositions des Chambres, lorsqu'on

révoquait en doute leur concours indispensable au gouvernement, les ministres devaient s'offrir aux explications, exposer leurs sentimens et réclamer cette harmonie nécessaire des pouvoirs constitutionnels.

Quoique le gant eût été ainsi jeté par le ministère, personne en ce moment n'essaya de le relever, et cette séance se termina sans autre incident.

2 décembre. La première partie de la séance suivante s'écouta dans des vérifications de pouvoir, aucune allusion ne fut faite aux provocations ministérielles de la veilles et déjà l'on se demandait si la latte allait de houveau être déclinée, ou du moins renvoyée à la discussion éloignée de quelque projet de lo M. Janvier vint mettre fin aux incertitudes. Il s'éleva d'abord contre l'intention de rattacher le débat politique à la discussion d'une loi : une loi devait être discutée en dehors de toute influence, de toute impres sion étrangère, parce qu'un bon ministère pouvait présenter une mauvaise loi, et un mauvais ministère une bonne loi il fallait donc décider à part, et avant tout autre, le litige actuel en conséquence il demandait pour son compte, et en s'appuyant des préoccupations du pays, des explications franches, loyales et courageuses, sur les causes de la dérnière crise ministérielle et sur le système du ministère. Le général Bugeaud appelait aussi une discussion, mais il lui assignait un autre terrain: il voulait que la Chambre fût mise en demeure de déterminer nettement quelles avaient été ses intentions en votant l'adresse, leur ol SEJA

Le ministre de l'intérieur déclara que la question telle que l'avait posée M. Janvier lui semblait complète, en Ice qu'elle comprenait les hommes et les choses; il l'acceptait donc, au nom de ses collègues, en exprimant le vœu que la Chambre consentit à entendre, le plus tôt possible, les explications que le cabinet était prêt à donner. M. Etienne étant revenu sur l'adresse, à laquelle le ministère demandait, selon lui, un supplément, un amendement, le ministre de

l'intérieur ajouta aussitôt que le cabinet acceptait la question, de quelque façon qu'on la posât, soit qu'on la présentât comme M. Janvier, soit qu'on la plaçât dans l'adresse : il ne reculait, en aucune manière, devant des explications qu'il. avait provoquées. La Chambre décida que ces explications auraient lieu trois jours après.

5 décembre. Ces débats, qui excitaient au plus haut point l'intérêt public, s'ouvrirent par un discours du ministre de l'intérieur. Il établissait d'abord que, pour que le régime représentatif ne fût pas une anarchie, il fallait qu'il y eût un système de politique arrêté, un ministère pour l'exécuter, une majorité pour l'approuver et le soutenir; or, ces trois choses étaient révoquées en doute: le gouvernement représentatif était donc faussé dans son esprit; le ministère voulait le rétablir dans sa vérité. L'orateur ne pensait pas que, lorsque le gouvernement donnait l'exemple de la franchise, les réticences fussent ailleurs; il espérait que la Chambre mettrait dans son vote toute la clarté nécessaire, pour qu'il n'y eût plus de doute. Se plaçant ensuite sur le terrain que M. Janvier avait tracé, le ministre entra dans le détail des causes et des incidens de la dernière révolution ministérielle.

Après ce que nous avons déjà raconté dans le chapitre précédent de cette longue crise, sur laquelle le ministre ne pouvait offrir que des éclaircissemens bornés par les convenances, nous avons seulement à remarquer ici, qu'en énumérant les motifs qui avaient déterminé la retraite du cabinet, M. Thiers insista surtout sur ce que ses collègues et lui, ayant cru voir que des doutes commençaient à s'élever autour d'eux, quant à la nécessité de persévérer dans le système suivi jusqu'alors, ils avaient jugé devoir se retirer, afin de n'être pas un obstacle à l'avénement d'hommes nouà l'essai d'un autre système.

veaux,

Abordant la question des principes, le ministre déclarait qu'il était personnellement partisan décidé de la révolu

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