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nait la propriété du riverain; le nouveau lit dcvenait public, parce qu'ainsi que nous le dirons, toute eau quotidienne était publique; et si, après l'avoir occupé pendant quelque temps, la rivière l'abandonnait encore, l'ancien propriétaire n'avait pas le droit de le reprendre ; sa propriété passait aux riverains (1).

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Par équité, on adjugeait cependant quelquefois le nouveau lit à celui qui en était propriétaire avant l'irruption des eaux : c'était lui rendre ce que la rivière lui avait ôté.

Le nouveau Droit Français a posé un principe plus simple: Le lit que la rivière abandonne pour s'en former un nouveau, devient la propriété de ceux dont elle occupe le fonds; ils se le partagent à titre d'indemnité, chacun dans la proportion du terrain qui lui a été enlevé (2).

C'est une exception que l'équité a faite à la règle qui donne aux voisins la propriété des rivières non navigables qui bordent ou traversent leurs héritages, et ils n'ont pas à s'en plaindre, puisque cette propriété est, comme nous le dirons dans la section suivante, un don qu'ils doivent aux lois nouvelles.

(1) Inst. de Reb. div., § 23. Perezius, ibid. p. 113. Julien, Elem. de Jurispr., p. 174.

(2) Code Civil, art. 563.

En devenant la propriété de ceux dont la rivière occupe les fonds, le lit ancien leur advient franc des servitudes auxquelles il était auparavant soumis.

Ainsi celui qui arrosait de la rivière ne pourrait traverser son ancien lit pour continuer à dériver dans sa propriété l'eau qu'il y prenait auparavant : c'est ce que jugea l'Arrêt de cassation du 15 tome de Sirey, qui sera cité dans la troisième section, § 3, n° 77.

4. On voit, par ce que nous venons de dire, qu'aujourd'hui il n'est point d'eau qui soit sans propriétaire et qui puisse être classée au nombre de ces choses dont parle l'art. 714 du Code Civil, qui n'appartiennent à personne, et dont P'usage est commun à tous.

Car, d'un côté, on ne pourrait trouver cette eau sans propriétaire qu'au moment où elle tombe du ciel, et avant qu'elle touche à la terre, dont il n'est pas un pouce qui n'appartienne aux particuliers ou à l'État (1); et, de l'autre, dans cet instant qui précède son contact au terrain, elle ne peut être à l'usage de personne; car elle ne peut même pas encore être appréhendée; et, si elle l'était, elle serait

(1) Art. 713 du Code Civil,

la propriété de celui qui l'appréhenderait le pre

mier.

C'est donc une vaine théorie, une pure abstraction, que celle qui, considérant l'eau comme élément, prétend lui conserver son indépendance primitive en la séparant de son lit. Quelle influence peut-elle avoir sur la législation civile, qui ne statue sur les caux qu'au moment où elles peuvent être utiles ou nuisibles à l'homme?

Cette séparation de l'eau et de son lit est proscrite par la loi civile, qui identifie l'un à l'autre ; elle répugne à la nature, qui, excepté au moment où la pluie tombe, ne nous présente jamais les eaux sans lit pour les contenir ou les porter.

Elle ne pourrait amener que des conséquences qui, pour être exactes en théorie, ne sauraient recevoir d'application dans la pratique.

Au lieu donc de dire que l'eau est commune à tous et n'appartient à personne, pas même à la société, partons du principe qu'en l'état de notre civilisation, il est impossible que l'eau ne perde son indépendance naturelle en touchant au sol, et ne veuillons pas régler, par les principes du droit naturel, ce qui ne doit l'être. et ne l'est en effet que par ceux du droit civil.

5. Les eaux sont stagnantes ou courantes :

elles le sont naturellement ou par le fait de

l'homme.

Les eaux stagnantes forment les lacs, les étangs, les bassins, les marais.

Les eaux courantes sont les eaux des fleuves, des rivières, des ruisseaux, des torrens, des sources et des fontaines.

Il convient d'y joindre les eaux d'écoulement et de filtration, soit que, par leur réunion, elles forment des fontaines quotidiennes, soit qu'elles ne fassent qu'humecter le terrain où elles aboutissent, ou qu'elles ne soient qu'intermittentes. Dans l'un et l'autre cas, elles deviennent la propriété de celui dans le fonds duquel elles arrivent; et s'il ne peut pas se dispenser de les recevoir, on ne peut pas l'empêcher d'en disposer à son gré.

Ces anciennes distinctions des eaux ont perdu beaucoup de leur influence dans la législation moderne, qui ne distingue plus que deux qualités d'eaux; mais elles ne sont pas moins dignes de l'attention du législateur et du jurisconsulte, parce qu'elles amènent assez souvent des modifications au droit commun sur l'usage que chacun peut faire de sa propriété.

§ Ier.

Lacs.

6. Le lac est un amas considérable d'eau qui ne tarit jamais et qui n'a point d'issue apparente (1). La perpétuité des eaux est ce qui le distingue de l'étang: il est régi par les mêmes règles.

7. Il peut être public, c'est-à-dire, une dépendance du domaine public, ou une propriété privée (2). Il est public, s'il est consacré à la navigation (3), ou même s'il est assez important pour être affecté à cet usage.

8. Il peut être formé par la nature ou par

la main de l'homme. Dans ce dernier cas, on ne peut acquérir sur lui une servitude d'aquéduc, c'est-à-dire, de conduite d'eau, par la raison que donne la Loi Foramen 28 ff. de Servit. præd. urb., qu'un lac fait à main d'homme ne peut avoir une cause perpétuelle, qui est de l'essence des servitudes réelles. Comment, en effet, mon voisin pourrait-il acquérir, par

(1) L. 1. § 3. ff. Ut in flum. public,

(2) L. 1. § 6. ff., eod.

(3) Cæpola, de Servit. præd. rust., cap. 3o. no 6.— M. Pardessus, des Servit., no 8o. p. 109.

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