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moyens de réparer ses pertes et d'assurer sa re

vanche '.

C'est au dévouement du duc de Vicence que Napoléon s'est confié pour ce trajet 2.

Il était parti de Smorghoni le 5 décembre, à neuf heures du soir, couché dans un traîneau,

>>

* A Sainte-Hélène, l'empereur disait, « que s'il n'avait » pas ramené l'armée lui-même à Wilna et en Allemagne, ce n'avait été que par la crainte de ne pouvoir regagner la France de sa personne; il avait cherché à re» médier à ce péril imminent par de l'audace et de la >> rapidité, en traversant toute la Germanie, seul et vite. >> Toutefois, il s'était vu à l'instant d'être retenu en Si»lésie; mais heureusement les Prussiens passèrent à se >> consulter les momens qu'ils eussent dû employer à agir. >> Ils firent comme les Saxons pour Charles XII, qui di>> sait gaiement à la sortie de Dresde: « Vous verrez qu'ils délibéreront demain s'ils auraient bien fait de » m'arrêter aujourd'hui. » (Mémorial de Sainte-Hélène, par le comte de Las-Cases, tom. III, pag. 95.)

>>

Il y avait un complot formé à Dresde pour enlever Napoléon; il manqua parce que le ministre qui était à la tête du parti anglais, à Vienne, ne donna pas l'ordre à temps. (Voir l'ouvrage de M. de Monvéran sur l'Angleterre, tom. vii, pag. 17.)

• Le passe-port expédié par le major général prince de Neufchâtel était pour le duc de Vicence, se rendant à Paris. L'empereur voyageait sous le nom de M. de Rayneval, ancien secrétaire de légation du duc de Vicence.

ayant à ses côtés le duc de Vicence, et sur le devant du traîneau l'interprète polonais Wonzowich. Sa suite ne se composait que du mameluck Rustan et d'un valet de pied. Un piqueur courait en avant 1.

En arrivant à Wilna, il avait trouvé le duc de Bassano qui venait à sa rencontre, l'avait reçu dans le traîneau, et, sans discontinuer sa route, l'avait gardé tout le temps nécessaire pour lui donner des ordres 2. De Koutno et de Marien

pol, il avait expédié divers courriers en changeant de chevaux. Le 10, il s'était arrêté à Varso

1 Le 5 décembre, à la chute du jour, le colonel russe Seslawin était entré à Oszmiana. Repoussé par la division Loison, qui y était entrée avant lui, il bivouaqua sur la gauche, à peu de distance de la route. Quelques heures après, le traîneau de Napoléon passa et atteignit heureusement Oszmiana..... Il aurait pu tomber entre les mains de Seslawin, et c'est ce qui serait arrivé indubitablement si ce partisan eût été instruit de son passage. (Histoire de l'expédition de Russie, par M***., tom. II, pag. 355.)

2

* Napoléon chargea son ministre de rester jusqu'à l'arrivée du roi de Naples et du major général pour leur ordonner de s'arrêter quelque temps à Wilna, huit jours s'ils le pouvaient, afin d'y rallier l'armée et de réparer le moral et le physique du soldat. « Dites-leur, ajouta Napoléon, >> que telles sont mes intentions, et que je compte qu'el>> les seront remplies..... » Avant que de monter en voiture, il adressa ces derniers mots à son ministre :

« Je

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vie pour conférer avec les principaux ministres polonais 1.

Le 14, en passant par Dresde, il avait eu une entrevue avec le roi de Saxe, chez M. de Serra, alors ministre de France à Dresde. Pendant ce moment de repos, le duc de Vicence avait expédié un courrier, porteur d'une lettre de l'empe

>> compte que vous réussirez à persuader au roi de Naples

>>

qu'il peut faire prendre une face nouvelle à la retraite. >> Dites-lui que le salut de l'armée est là; dites-lui que je >> compte sur lui. » (Histoire de l'expédition de Russie, par M***., tom. II, pag. 357.)

1 Voici comment un témoin oculaire raconte le passage de l'empereur à Varsovie. C'est M. l'abbé de Pradt, alors notre ambassadeur en Pologne, qui parle :

<< Les portes de mon appartement s'ouvrent et donnent » passage à un grand homme qui marchait appuyé sur un >> de mes secrétaires. « Allons, venez, suivez-moi, » me >> dit ce fantôme. Un taffetas noir enveloppait sa tête; son visage était comme perdu dans l'épaisseur de la fourrure » où il était enfoncé ; sa démarche était appesantie par un » double rempart de bottes fourrées. C'était une espèce de >> revenant. Je me lève, je l'aborde, et, saisissant quelques >> traits de son profil, je le reconnais et lui dis : « Ah! >> c'est vous, Caulaincourt! où est l'empereur?— A l'hôtel » d'Angleterre. Allons, marchons, l'empereur vous at» tend. » - -Je me précipite dans la cour dans la rue; » j'arrive à l'hôtel d'Angleterre. Il était une heure et de

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>> mie..... Je trouve dans la cour une petite caisse de voi

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ture sur un traîneau fait de quatre morceaux de bois de

reur, à Vienne.', et diverses dépêches pour WilVarsovie et Berlin. A Erfurt, Napoléon avait

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sapin, il était à moitié fracassé !..... La porte d'une petite salle basse s'ouvre mystérieusement. Rustan me >> reconnaît et m'introduit. L'empereur, comme à l'ordi»naire, se promenait dans la chambre. Je le trouvai en» veloppé d'une superbe pelisse, recouverte d'une étoffe » verte, avec de magnifiques brandebourgs en or. Sa tête >> était recouverte d'une espèce de capuchon fourré, et ses » bottes de cuir étaient enveloppées de fourrures..... En me congédiant, il me commanda de lui amener après son » dîner le comte Stanislas Potoschi et le ministre des finances..... Après avoir donné aux ministres polonais » l'assurance de sa protection, et les avoir engagés à pren» dre courage, il remonta dans l'humble traîneau qui por>> tait César et sa fortune, et disparut ! » (Histoire de l'ambassade de Pologne, pag. 207 et suiv.)

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Lettre de l'empereur Napoléon,

A l'empereur d'Autriche.

Dresde, le 14 décembre 1812.

Monsieur mon frère et très-cher beau-père.

Je m'arrête un moment à Dresde pour écrire à votre majesté, et lui donner de mes nouvelles. Malgré d'aussi grandes fatigues, ma santé n'a jamais été meilleure. Je suis parti le 5 de ce mois, après la bataille de la Bérésina, de Lithuanie, laissant la grande armée sous les ordres du roi de Naples, le prince de Neufchâtel continuant à faire les fonctions de major général. Je serai dans quatre jours à

trouvé M. de Saint-Aignan, son ministre à Weimar; il lui avait dicté des lettres pour nos différens ministres près les cours de la confédération du Rhin, et divers ordres pour nos principaux commandans militaires en Allemagne. Quittant son traîneau, il avait achevé sa route dans une

Paris; j'y resterai les mois d'hiver pour vaquer aux affaires les plus importantes. Peut-être votre majesté jugera-t-elle utile d'y envoyer quelqu'un en l'absence de son ambassadeur dont la présence est utile aux armées.

Les différens bulletins que le duc de Bassano n'aura pas manqué d'envoyer au comte Otto auront instruit votre majesté de la marche des affaires. Il serait important, dans ces circonstances, que votre majesté rendît mobile un corps de Galicie et de Transylvanie, en portant ainsi vos forces entières à soixante mille hommes. J'ai une pleine confiance dans les sentimens de votre majesté. L'alliance que nous avons contractée forme un système permanent dont nos peuples doivent retirer de si grands avantages, que je pense que votre majesté fera tout ce qu'elle m'a promis à Dresde pour assurer le triomphe de la cause commune, et nous conduire promptement à une paix convenable.

Elle peut être persuadée que, de mon côté, elle me trouvera toujours prêt à faire tout ce qui pourra lui être agréable, à la convaincre de l'importance que j'attache à nos relations actuelles, et lui donner des preuves de la plus parfaite estime et haute considération avec laquelle je suis, de votre majesté, le bon frère et beau-fils.

Signé, NAPOLÉON,

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