Les romanciers

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Amyot, 1865 - 382 pages
 

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Fréquemment cités

Page 46 - Il eut beau s'éloigner, en effet, des premières fonctions de sa vie, de ses premières préoccupations; il eut beau devenir, à moitié d'existence, un observateur, les bras croisés, de la nature humaine, un pacifique dilettante de beaux-arts, un causeur de Décaméron, un capricieux de littérature qui avait fini par prendre goût aux lettres, dont il avait d'abord médit, son genre de talent qui brusquait l'expression pour aller au fait, se ressentit toujours de la mâle éducation de sa jeunesse....
Page 50 - ... naturel, — nous at-il dit et répété dans tous ses livres et sur tous les tons, — mais qui l'aimait probablement comme les roués aiment les femmes candides ! Pas de dédoublement de l'homme et de l'auteur, rien, en un mot, de ce qu'on trouve parfois dans ces délicieux recueils qu'on appelle des Correspondances; et cependant, malgré tout cela, malgré la déception, malgré cet esprit connu, et d'autant plus connu qu'il se distingue par une de ces physionomies qu'on n'oublie plus quand...
Page 64 - Si l'on forgeait à Birmingham ou à Manchester des machines à raconter ou à analyser en bon acier anglais qui fonctionneraient toutes seules par des procédés inconnus de dynamique, elles fonctionneraient absolument comme M. Flaubert. On sentirait dans ces machines autant de vie, d'âme, d'entrailles humaines que dans l'homme de marbre qui a écrit Madame Bovary avec une plume de pierre, comme le couteau des sauvages. A coup sûr, M. Gustave Flaubert est trop intelligent pour n'avoir pas en lui...
Page 342 - ... sentiment humain, que la curiosité et la peur, — ces deux choses vulgaires? La curiosité de l'incertain qui veut savoir et qui rôde toujours sur la limite de deux mondes, le naturel et le surnaturel, s'éloignant de l'un pour frapper incessamment à la porte de l'autre, qu'elle n'ouvrira jamais, car elle n'en a pas la clef, — et la peur, terreur blême de ce surnaturel qui...
Page 340 - Poe, l'isolé, exploita pendant toute la sienne les abominablBs drames de l'isolement. Sous toutes les formes que l'art — cette comédie qu'on se joue à soi-même — cherche à varier, mais qu'en définitive il ne varie point, Edgar Poe, l'auteur des Histoires extraordinaires, ne fut jamais, en tous ses ouvrages, que le paraboliste acharné de l'enfer qu'il avait dans le cœur ; car l'Amérique n'était pour lui qu'un effroyable cauchemar spirituel, dont il sentait le vide et qui le tuait. Au...
Page 65 - Tel est le défaut radical d'un ouvrage qui se recommande par des qualités d'une grande force, mais que la critique devait signaler tout d'abord , avant tout détail et toute analyse , parce que ce défaut affecte l'ensemble et le fond du livre même , — parce que cette indigence de sensibilité, d'imagination, et je dirai plus, de sens moral et poétique , se retrouve à toute page et frappe l'œuvre entière de M. Flaubert d'une épouvantable sécheresse. Pour notre compte, nous ne connaissons...
Page 170 - ... qui n'ont peur de rien, quand il s'agit d'être remuant et pittoresque; le gros sel, le sel bourguignon qu'il jette à poignées, d'ici, de là, mais plus cristallisé, plus diamanté et qui, en salant tout autant, étincelle davantage! Il en a, en deux mots, tout cet esprit vivant et cordial et qu'on aime, quand on est Gaulois ou même Franc, mais il l'a poussé presque de l'ampleur étoffée de Diderot jusqu'au grandiose de Rabelais, avec le dictionnaire accumulé et splendide du dix-neuvième...
Page 337 - Rousselet, un bel air de bravoure en l'honneur de son ami. Mais emporté par l'inspiration — et par ses convictions chrétiennes, toujours fougueuses — n'avait-il pas écrit d'Edgar Poe : « C'est le -Roi des Bohèmes... le premier et le meilleur, à sa manière, de cette littérature effrénée et solitaire, sans tradition et sans ancêtres, prolem sine maire creatam, qui s'est timbrée elle-même de ce nom de Bohème, qui lui restera comme sa punition...
Page 74 - Sainte-Beuve, expliquait Flaubert par ses origines et par l'influence du milieu où s'était écoulée sa jeunesse. Et il concluait en louant le style du romancier : « Nous avons dit que M. Flaubert avait une plume de pierre ; cette pierre est souvent du diamant... Il doit être un matérialiste de doctrine comme il l'est de style, car une telle nature ne saurait être inconséquente. Elle a été coulée d'un seul jet, comme une glace de Venise. Ce que M. Flaubert est quelque part, il l'est partout....
Page 8 - ... avait compté sans la mort. Disproportionné avec la nature humaine, avec les talents les plus beaux de son époque et de toutes les époques qui eurent des côtés plus parfaits, mais qui ne furent pas plus puissants ; à quarante ans majeur à peine , mort à cinquante dans une plénitude de midi pour nous, qui n'était pour lui qu'une aurore, il était de conception infatigable. Là où il avait percé l'horizon, à ce qu'il semblait, jusqu'à sa dernière limite, il en creusait un autre encore...

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