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BARON.

(Etienne ou Antoine)

Une partie du talent que possédait le célèbre Baron, fut le seul héritage de ce jeune comédien qui, s'il eût vécu plus long-temps, eût peutêtre égalé son illustre père.

Dès 1686 il jouait de petits rôles proportionnés à son âge, entr'autres celui du petit Chevalier dans l'Homme à bonnes fortunes, rôle actuellement supprimé; et ce fut dans cette pièce de son père, donnée pour la première fois, ainsi que nous l'avons remarqué, le jeudi 30 janvier 1686, qu'il fit le premier essai de ses jeunes talents. Il joua, dans la Coquette, un rôle à peu près semblable, et dans le Régulus de Pradon en 1688, celui du jeune Attilius; mais il ne débuta en forme qu'après Pâques de l'année 1695. Il fut reçu pour les seconds rôles tragiques, et les premiers dans le haut comique dont il s'acquittait avec succès : le nom de son père n'était point un fardeau pour lui. Son unique défaut bien considérable dans un emploi comme le sien ( celui que les comédiens appèlent l'emploi des grands amoureux tragiques et comiques), était

d'être un peu froid à la scène. Cependant, une fois dans sa vie il mit la chaleur la plus passionnée dans son jeu ; ce fut à la reprise de Psyché en 1703. Il y jouait le rôle de l'Amour établi par son père ; et Me Desmares, qu'il aimait éperdûment, et qui ne le chérissait pas moins, remplissait celui de Psyché. Baron rendit son rôle avec tant de feu, qu'il donna de la jalousie au duc d'Orléans, depuis régent, qui avait jeté le mouchoir à cette actrice. Il fallut s'expliquer : Mlle Desmares avoua son amour pour Baron, et lui sacrifia le prince.

Baron méritait une telle preuve d'attachement. Comme son père, il était de la plus belle figure et parfaitement bien fait; mais, moins réservé que lui dans son goût pour le plaisir, il s'y livra tellement, qu'il dérangea sa santé, et mourut dans l'épuisement à la fleur de son âge, le mercredi 9 décembre 1711.

Il joua d'original les rôles de Damon dans le Flatteur de Rousseau, en 1696; du Chevalier dans le Distrait; d'Agélas dans Démocrite; de Dorante dans le Double Veuvage, en 1702; de Pamphile dans l'Andrienne, en 1703.

Étienne Baron avait epousé Catherine Vondrebeck, fille de la dame Maurice, directrice d'un spectacle de la foire. Il en eut un fils, François Baron; et deux filles, Jeanne Baron

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connue au théâtre sous le nom de Mile de la Traverse, et N..... Baron Desbrosses. Ces trois enfants d'Étienne Baron suivirent la carrière illusleur aïeul, mais ils n'y apportèrent que son nom. Ses talents s'arrêtèrent à sa première génération.

trée par

BARON.

(François)

Pendant près de cent années, le nom que portait cet acteur avait été célèbre au théâtre français; il en compromit la gloire, et prouva que les talents sont bien rarement héréditaires. Étienne, dont nous venons de parler, n'avait pas brillé du même éclat que son père; François descendit au dernier rang des derniers comédiens.

Il débuta, le samedi 8 juillet 1741, par le rôle d'Agamemnon d'Iphigénie en Aulide, et fut reçu au mois de novembre ou le 15 septembre suivant, sur un ordre de la cour, accordé sans doute plutôt à la mémoire de son aïeul qu'à son propre mérite. Il ne joua pas long-temps les rôles de l'emploi dans lequel il avait débuté, et se vit bientôt réduit aux utilités. Cependant il fut souffert jusqu'au 1er janvier 1755 qu'il reçut sa re

traite, et même, en faveur de son nom, il obtint une pension de 500 livres et l'emploi de caissier de la comédie qu'il géra pendant quelques années. Quoique fort inutile à sa société, il paraît qu'il jouissait d'une part entière ; à sa retraite, Me Guéant en obtint la moitié; l'autre fut mise en séquestre. Nous ignorons l'époque de sa mort.

BEAUBOURG.

(Pierre Trochon, sieur de)

La retraite de Baron, en 1691, jeta la comédie dans le plus grand embarras. Rien n'était plus facile que de donner ses rôles à un autre acteur; mais en trouver un qui le remplaçât récllement, et, sans le faire oublier, consolât le public de sa perte, c'est ce qui semblait impossible.

On prit le parti d'essayer plusieurs sujets fameux dans la province. Saint-Georges-Durocher parut le premier dans ce concours; il fut congédié, après avoir joué Andronic, Régulus et Cinna, chacun une seule fois.

Rosidor se présenta ensuite avec une extrême confiance. Ses débuts furent effectivement plus brillants que ceux de Durocher; mais comme il

n'en était pas moins fort éloigné d'avoir les talents de l'acteur inimitable qu'il s'agissait de remplacer, les comédiens n'hésitèrent pas à faire paraître Beaubourg, qui débuta le samedi 17 décembre 1691, par le rôle de Nicomède. Le public en fut assez satisfait ; cependant on voulut encore essayer Biet, qui joua Ladislas dans Venceslas, le samedi 1er mars 1692, et ne parut que cette seule fois. Convaincus alors qu'il ne fallait pas espérer un second Baron; que de tous ceux dont ils pouvaient essayer les dispositions, Beaubourg était le meilleur, ou du moins le plus passable, les comédiens demandèrent un ordre de réception pour lui, et l'obtinrent le vendredi 17 octobre 1692. On ne peut douter que le crédit de Mme Beauval, dont il avait épousé la fille, në lui ait été fort utile dans cette occasion; mais il est encore plus certain qu'il fut bien servi par la faiblesse de ses rivaux.

Beaubourg essuya d'abord de grands désagréments; cependant il vint à bout de les surmonter, et bientôt il accoutuma le public à son jeu, quelque différent qu'il fût de celui de Baron. Jamais acteur n'éprouva mieux que lui la vérité de l'observation suivante due à l'un de nos meilleurs critiques. « Le gros du public s'accoutume assez » facilement à trouver bon ce qu'on lui donne, » quand il ne peut pas avoir mieux, et il n'ou

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