Images de page
PDF
ePub

avec le duc d'Epernon et autres seigneurs mécontents comme elle de la cour. Louis XIII n'osant sévir contre sa mère, rejeta la faute sur d'Epernon, et supposa qu'il avait enlevé de force Marie de Médicis. De son côté, Marie de Médicis, pour ménager le Roi, attribuait aux conseillers du trône l'indigne traitement de sa personne et la mauvaise administration de l'Etat. Le Roi armait pour défendre cette administration, et la Reine pour s'en emparer. Elle entretenait des intelligences à l'intérieur et à l'étranger. Cependant, comme aucune hostilité n'avait rompu ouvertement la paix, une réconciliation était possible. Richelieu fut l'homme de cette réconciliation, qui fonda sa puissance future en le rendant nécessaire aux deux parties. Malgré cette première transaction, Marie de Médicis prouva bientôt qu'elle ne renonçait pas à ses projets ambitieux, et ne s'éloigna de son fils que pour soulever les provinces. La guerre éclata donc et finit par une attaque décisive des troupes royales, qui forcèrent Marie de Médicis dans la ville d'Angers, centre de ses opérations. La princesse alors capitula et obtint de Louis XIII une déclaration de son innocence et de celle des seigneurs qui l'avaient assistée. Ce nouveau rapprochement eut lieu, comme le premier, par la médiation de Richelieu, et Marie de Médicis revint à la cour partager avec de Luynes la faveur dont elle ne pouvait le déposséder.

EXTRAICT

DES

RAISONS ET PLAINTES

QUE

LA ROYNE MÈRE DU ROY

FAIT AU ROY SON FILS.

La Royne mère se plaint grandement de ce qu'estant née princesse d'une des plus illustres maisons de l'Europe, et après avoir eu l'honneur d'estre espouse d'un des grands Roys qui aye jamais régné en France, et mère du Roy régnant aujourd'huy, et après avoir conservé avec tant de périls et soins, durant la minorité du Roy son fils, ce royaume, pour récompense de tant de labeurs et affections maternelles, elle a esté chassée honteusement de la cour et de la présence du Roy son fils et de ses autres enfans, pour estre reléguée comme prisonnière dans Blois, avec toutes sortes d'indignitez, contre le respect deu à sa naissance et à tant de grands II SÉRIE, T II.

6

princes à qui elle a l'honneur d'appartenir, et contre l'honneur qui estoit deu à la mémoire du feu Roy et à la mémoire du Roy son fils, et le tout par les advis et conseils de Luynes, ses frères et adhérans, pour pouvoir plus facilement, durant le bas âge du Roy son fils, usurper l'authorité royale et le maniement de l'Estat.

Et si la Royne se plaint que les susnommés, abusans de la jeunesse et faveur du Roy, ont tellement continué leurs mauvais desseings que, non contens de la cruauté la plus barbare qui se pouvoit exercer contre la plus indigne et la plus abjecte personne du monde, ils auroient fait oster d'auprès d'elle ses meilleurs et plus fidèles serviteurs, fait prisonniers à son occasion plusieurs autres, sans raison ny justice, contre les pratiques ordinaires de ce royaume;

ny

Fait défendre à toutes sortes de personnes de la voir

la fréquenter, comme si elle eust esté criminelle de lèze-majesté; fait faire commandement de ne se promener plus d'une lieue loing de la ville de Blois;

Fait donner le sieur de Roissy pour espier et veiller sur ses actions, suborner les siens pour la trahir, envoyer nombre de messagers les uns après les autres, depuis vingt-deux mois en çà, avec mille faulses promesses de la faire revenir près Sa Majesté, pour l'affronter et accroistre le nombre de ses afflictions;

Marier sa fille à un prince estranger sans y avoir esté appelée, afin que sa honte soit manifeste à tous les Roys et princes de la chrestienté et de toute la France; et, pour comble de toutes leur meschanceté et tyrannie, fait résoudre le Roy de luy faire confiner ses jours dans le chasteau d'Amboise ou de Nantes, entre leurs mains.

De quoy ayant esté fidèlement avertie par l'un de

de

ceux à qui ils se confient de leurs plus particuliers secrets, elle auroit esté contraincte de sortir de nuict pour se retirer vers monsieur le duc d'Espernon, pour luy donner retraite seure dans la ville d'Angoulesme, pour là, estant en seureté de ses ennemis, pouvoir avec plus de liberté faire entendre à Sa Majesté les cruels et inhumains traictemens qu'elle a receus des dessus nommés, et luy donner advis des désordres que tels gens causent dans ce royaume et les moyens pour y apporter remède.

Et pour commencer leurs mauvais déportemens, sera considéré quels artifices, pratiques et ruses ils ont exercés pour violenter le parlement à donner sentence contre la mareschale d'Ancre, afin d'en avoir la despouille, de laquelle se voyans asseurés, auroient encore, pour se rendre absolus, conseillé le Roy de retenir monsieur le prince de Condé prisonnier, avec madame sa femme, à laquelle ses mauvais ennemis et sa captivité ont fait périr trois enfans. Duquel emprisonnement la Royne confesse véritablement et proteste devant Dieu n'avoir un plus grand regret au monde; que, par mauvais conseil et faulx donner-entendre, elle y ait esté induite, ayant recogneu depuis la vérité de son innocence, de laquelle elle peut assurer le Roy, et le supplier très humblement de le mettre en liberté, et pour le bien de ce royaume et de ce prince. Il est encore à noter les perfidies, trahisons, artifices et emprisonnemens de personnes innocentes, dont ils se sont servis pour arracher d'entre les mains de monsieur de Vitry et du sieur de Persan, son beau-frère, la personne dudit sieur prince, et l'avoir entre leurs mains, et quelle hardiesse ils ont eue encore de faire un régiment nouveau pour le faire plus seurement garder et avoir la force et la puissance des armes entre leurs mains. Auquel il faut

adjouster la présomption et audace qu'ils ont eue d'avoir voulu gesner et réduire la princesse d'Orange à telle extrémité que, pour que, pour libérer ledit sieur prince son frère, d'espouser Cadnet, afin que, par le moyen d'une telle obligation et alliance, ils peussent conserver soubs la protection d'icelle, au grand préjudice du Roy, leur puissance et authoritė.

Depuis avoir monstré leur pernicieux desseing tout évident; chacun voit comme ils ont chassé d'auprès Monsieur, frère du Roy, pour en pouvoir disposer à leur fantaisie, le sieur de Brèves, personnage choisi par le feu Roy pour ses mérites, et qui s'acquittoit dignement de ceste charge, pour le mettre entre les mains d'un de leurs confidens, dont ils ont esté autrefois très heureux d'estre domestiques.

Monsieur le comte de Soissons n'a pas esté exempt d'estre observé, et n'ont pas manqué de faire veiller son gouvernement par personnes qui le fréquentent et sur ses actions.

Quant aux autres princes, ducs, pairs et officiers de la couronne, et autres seigneurs de ce royaume, ils ont esté entièrement privés de la cognoissance et gouvernement des affaires, pour en donner l'entier maniement à Modène du Hagent, colonel d'Ornano, et Marsillac, personnages du tout indignes et incapables de leurs charges.

Le traictement que l'on fait à monsieur le duc d'Espernon, après de si longs et si fidèles services rendus à ceste couronne, en rend tesmoignage, leur insolence ayant esté jusque-là que de le vouloir faire prisonnier du Roy, et depuis l'ayant fait retenir à Metz soubs prétexte des affaires imaginaires de Boheme, afin de n'avoir aucun crédit à leur desseing, et pour faire les fonctions de sa

« PrécédentContinuer »