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s'avouer ni laisser voir aux autres qu'elle aime, parce qu'il n'est pas du bel esprit d'aimer, et qui en est punie par la jalousie, il oppose Chrysale, Henriette, créations admirables et sans modèle, même dans Molière.

son

"Le travers de Chrysale est d'avoir peur de sa femme, et de se persuader qu'il ne la craint pas. Il cède toujours, en croyant ne suivre que son penchant. Il obéit à haute voix, pour se persuader qu'il commande. Il n'y a rien de plus finement observé que ses colères contre sa fille Armande, ce bel esprit, sur le dos de laquelle il battrait volontiers sa femme, s'il n'était pas si bonhomme; sa résolution de résister à Philaminte, quand elle est loin; attitude décidée en la voyant paraître; sa première charge, pleine de vigueur; le secours qu'il tire d'abord de son bon sens, et cette révolte involontaire d'un esprit droit contre un esprit faux; puis, à mesure que Philaminte élève la voix, sa fermeté tombant, son caractère retirant peu à peu ce que son bon sens a avancé, et le mari cédant avec la persuasion qu'il ne fait que transiger.

"Henriette est une personne d'esprit qui s'est formée et fortifiée dans son naturel par les travers d'autrui. Elle a le ton de la femme du monde, avec une candeur qui témoigne qu'elle en a trouvé le secret dans un cœur honnête et dans un esprit droit. Tendre sans être romanesque, son bon sens a conduit son cœur ; fille respectueuse et attachée à ses parents, elle n'est pas dupe de leurs défauts; et quand il y va de son bonheur, elle sait le défendre d'une main douce mais ferme."

D. NISARD.

LES FEMMES SAVANTES.

COMÉDIE

DE

MOLIÈRE.

Représentée, pour la première fois, le 11 Mars 1672.

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La scène est à Paris, dans la maison de Chrysale.

1 The name Tricotin, as it was originally given in the first performances, was subsequently changed into Trissotin,-i.e. "trois fois sot" (sotin being an obsolete diminutive of sot).

ACTE I.

ARGUMENT.

IN the opening scene, Armande, having heard of her younger sister's intention to be married, takes occasion to air her Platonic notions of matrimony. Failing to dissuade her, she expresses a hope that, at all events, Henriette does not mean to marry Clitandre, to whose hand she herself asserts a prior claim-a pretension which Henriette confesses she is unable to reconcile with Armande's loud professions of absolute devotion to philosophy. Clitandre himself, happening to enter, and being appealed to by Henriette to declare his true feelings, unhesitatingly avows that, discouraged by the coldness with which the elder sister had received his addresses, he had set his heart on wooing and winning the younger. This leads to a lively scene, in which Armande's philosophy is not altogether proof against the keen shafts of Henriette's ready wit. Anticipating nothing but opposition from Armande in her present temper, Henriette entreats Clitandre to seek the good graces of her mother and aunt by humouring their learned hobbies, a course which he, in the face of their aggravating preference for pedantic Trissotin, is very reluctant to adopt. However, Bélise having just then entered, he avows his attachment, but before he has had time to say for whom, he is stopped short by the elderly spinster, who, turned crazy by reading the sentimental romances of her time (see Introduction), in spite of his more and more emphatic protestations to the contrary, persists in, and withdraws with, the belief that she alone is the object of his affections.

SCÈNE I.

ARMANDE, HENRIETTE.

ARMANDE.

Quoi! le beau nom de fille est un titre, ma sœur,
Dont vous voulez quitter la charmante douceur ?

E

B

Et de vous marier vous osez faire fête ?

Ce vulgaire dessein vous peut monter en tête?

Oui, ma sœur.

HENRIETTE.

ARMANDE.

Ah! ce oui se peut-il supporter? Et sans un mal de cœur saurait-on l'écouter?

HENRIETTE.

Qu'a donc le mariage en soi qui vous oblige,

Ma sœur? . . .

ARMANDE.

Ah! mon Dieu ! fi!

HENRIETTE.

Comment ?

5

ARMANDE.

Ah! fi! vous dis-je.

Ne concevez-vous point ce que, dès qu'on l'entend,
Un tel mot à l'esprit offre de dégoûtant?

De quelle étrange image on est par lui blessée ?
Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?

N'en frissonnez-vous point? et pouvez-vous, ma sœur,
Aux suites de ce mot résoudre votre cœur ?

ΙΟ

HENRIETTE.

Les suites de ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfans, un ménage :
Et je ne vois rien là, si j'en puis raisonner,
Qui blesse la pensée, et fasse frissonner.

15

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