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Et je vis, par les vers qu'à la tête il nous jette,
De quel air il fallait que fût fait le poète;

Et j'en avais si bien deviné tous les traits,

Que, rencontrant un homme un jour dans le Palais,
Je gageai que c'était Trissotin en personne,

Et je vis qu'en effet la gageure était bonne.

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Quel conte !

HENRIETTE.

CLITANDRE.

Non; je dis la chose comme elle est :
Mais je vois votre tante. Agréez, s'il vous plaît,
Que mon cœur lui déclare ici notre mystère,
Et gagne sa faveur auprès de votre mère.

SCÈNE IV.

BÉLISE, CLITANDRE.

CLITANDRE.

Souffrez, pour vous parler, madame, qu'un amant

Prenne l'occasion de cet heureux moment,

Et se découvre à vous de la sincère flamme.

BÉLISE.

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Ah! tout beau: gardez-vous de m'ouvrir trop votre âme.
Si je vous ai su mettre au rang de mes amans,
Contentez-vous des yeux pour vos seuls truchements,
Et ne m'expliquez point, par un autre langage,
Des désirs qui, chez moi, passent pour un outrage.
Aimez-moi, soupirez, brûlez pour mes appas ;
Mais qu'il me soit permis de ne le savoir pas.

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Je puis fermer les yeux sur vos flammes secrètes,
Tant que vous vous tiendrez aux muets interprètes ;
Mais, si la bouche vient à s'en vouloir mêler,
Pour jamais de ma vue il vous faut exiler.

CLITANDRE.

Des projets de mon cœur ne prenez point d'alarme ;
Henriette, madame, est l'objet qui me charme;
Et je viens ardemment conjurer vos bontés
De seconder l'amour que j'ai pour ses beautés.

BÉLISE.

Ah! certes, le détour est d'esprit, je l'avoue :
Ce subtil faux-fuyant mérite qu'on le loue ;
Et, dans tous les romans où j'ai jeté les yeux,,
Je n'ai rien rencontré de plus ingénieux.

CLITANDRE.

Ceci n'est point du tout un trait d'esprit, madame,
Et c'est un pur aveu de ce que j'ai dans l'âme.
Les cieux, par les liens d'une immuable ardeur,
Aux beautés d'Henriette ont attaché mon cœur ;
Henriette me tient sous son aimable empire,
Et l'hymen d'Henriette est le bien où j'aspire.
Vous y pouvez beaucoup; et tout ce que je veux,
C'est que vous y daignez favoriser mes vœux.

BÉLISE.

Je vois où doucement veut aller la demande,
Et je sais sous ce nom ce qu'il faut que j'entende.
La figure est adroite; et, pour, n'en point sortir,
Aux choses que mon cœur m'offre à vous repartir,
Je dirai qu'Henriette à l'hymen est rebelle,

Et que, sans rien prétendre, il faut brûler pour elle.

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300

305.

CLITANDRE.

Eh! madame, à quoi bon un pareil embarras ?
Et pourquoi voulez-vous penser ce qui n'est pas ?

BÉLISE.

Mon Dieu! point de façons. Cessez de vous défendre
De ce que vos regards m'ont souvent fait entendre.
Il suffit que l'on est contente du détour
Dont s'est adroitement avisé votre amour,
Et que, sous la figure où le respect l'engage,
On veut bien se résoudre à souffrir son hommage,
Pourvu que ses transports, par l'honneur éclairés,
N'offrent à mes autels que des vœux épurés.

Mais

CLITANDRE.

BÉLISE.

Adieu. Pour ce coup, ceci doit vous suffire, Et je vous ai plus dit que je ne voulais dire.

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Je veux être pendu, si je vous aime; et sage

BÉLISE.

Non, non, je ne veux rien entendre davantage.

SCÈNE V.

CLITANDRE, seul.

Diantre soit de la folle avec ses visions !
A-t-on rien vu d'égal à ses préventions ?

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Allons commettre un autre aux soins que l'on me donne, Et prenons le secours d'une sage personne.

ACTE II.

ARGUMENT.

ARISTE, the kind-hearted uncle and safe adviser who has espoused Clitandre's cause, is just broaching the subject to Chrysale, when Bélise, entering unobserved and hearing what the talk is about, enters her solemn protest against the proposed match, she herself being the true, though unavowed, ladylove, of Clitandre, aye, and of many other suitors too. Despairing, however, of convincing her incredulous brothers, she indignantly retires. Ariste obtains Chrysale's hearty consent to the match, but knowing, also, his infirmity of purpose, and having, therefore, suggested that the sooner Philaminte's consent is obtained, the better for all parties concerned, Chrysale vaingloriously undertakes "to make it all right." Hereupon enters Martine, his trusty maid-servant, who informs him that she has just been dismissed by his wife; Chrysale declares he will not consent to part with her, when in come Philaminte and Bélise, by whom he is apprised of the nature of Martine's crimenothing less than her ineradicable habit of transgressing the laws of grammar, an offence which, in the ensuing discussion, she has the hardihood to reiterate with aggravating perverseness. As was to be expected, the quarrel ends in Chrysale's ignominiously giving in and dismissing Martine, not, however, without giving vent to his indignation at the loss of their only faithful servant in a long tirade against learned ladies who are more at home in the moon than in the kitchen. Philaminte, who has been quietly listening to his outburst, directed ostensibly against Bélise, but really against herself, whom he has not nerve enough to address, now intimates to him her determination to give Henriette in marriage to Trissotin, and withdraws without asking for his opinion. Ariste, who had been pursuing his suit on behalf of Clitandre, now reappears, and, hearing how his brother "has made it all right," succeeds in rousing him at last to a sense of his duty as a husband and father.

C

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