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ACTE V.

ARGUMENT.

HENRIETTE appeals to Trissotin's chivalrous feelings, entreating him not to press his advantage-but all in vain! he calls heaven to witness the purity of his motives, and vows that nothing, nay, not even her undisguised dislike of him, can induce him to forego his claims upon her fair hand. Finding that neither entreaties nor even threats are of any avail, she hastens to implore her father to be true to himself-an exhortation altogether uncalled for, he indignantly declares, in the face of his well-known tenacity of purpose. Meanwhile the notary has arrived, and the affairs come to a crisis; the whole household is ranged around him in two hostile camps the blue-socked phalanx, headed by the unflinching Philaminte, face to face with the stout defenders of common sense, led, alas! by her hen-pecked husband. The notary, proceeding to take down the names of the betrothed, and having entered Henriette's, goes on to ask for the name of the intended husband. The almost simultaneous answer of Philaminte and Chrysale— Trissotin! Clitandrel-is the signal for the fight; Chrysale, though valiantly seconded by Martine, who, in the absence of Ariste, has to bear the brunt of the battle, is already about to accept an inglorious compromise, when in rushes Ariste with the sad tidings that Chrysale is a ruined man-his wife has, through her own fault, lost an important law-suit, and his banker has failed. At this juncture it occurs all of a sudden to Trissotin that it would not be wise for him to marry Henriette against her will; whilst Clitandre vows he is ready to share his modest fortune with his unfortunate friends. Henriette, however, declines to burden him with their adversity; but the contest of generosity which ensues is happily terminated by Ariste's confession that the intelligence was but a stratagem by which to unmask Trissotin's mercenary motives

SCÈNE I.

HENRIETTE, TRISSOTIN.

HENRIETTE.

C'est sur le mariage où ma mère s'apprête
Que j'ai voulu, monsieur, vous parler tête-à-tête;
Et j'ai cru, dans le trouble où je vois la maison,
Que je pourrais vous faire écouter la raison.
Je sais qu'avec mes vœux vous me jugez capable
De vous porter en dot un bien considérable:
Mais l'argent, dont on voit tant de gens
faire cas,
Pour un vrai philosophe a d'indignes appas;
Et le mépris du bien et des grandeurs frivoles
Ne doit point éclater dans vos seules paroles.

TRISSOTIN.

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Aussi n'est-ce point là ce qui me charme en vous ;
Et vos brillants attraits, vos yeux perçants et doux,
Votre grâce et votre air, sont les biens, les richesses, 1510
Qui vous ont attiré mes vœux et mes tendresses:
C'est de ces seuls trésors que je suis amoureux.

HENRIETTE.

Je suis fort redevable à vos feux généreux.
Cet obligeant amour a de quoi me confondre,
Et j'ai regret, monsieur, de n'y pouvoir répondre.
Je vous estime autant qu'on saurait estimer;
Mais je trouve un obstacle à vous pouvoir aimer.
Un cœur, vous le savez, à deux ne saurait être,
Et je sens que du mien Clitandre s'est fait maître.
Je sais qu'il a bien moins de mérite que vous,
Que j'ai de méchants yeux pour le choix d'un époux;
Que, par cent beaux talents, vous devriez me plaire
Je vois bien que j'ai tort, mais je n'y puis que faire ;
Et tout ce que sur moi peut le raisonnement,
C'est de me vouloir mal d'un tel aveuglement.

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TRISSOTIN.

Le don de votre main, où l'on me fait prétendre,
Me livrera ce cœur que possède Clitandre;
Et, par mille doux soins, j'ai lieu de présumer
Que je pourrai trouver l'art de me faire aimer.

HENRIETTE.

Non à ses premiers vœux mon âme est attachée,
Et ne peut de vos soins, monsieur, être touchée.
Avec vous librement j'ose ici m'expliquer,

Et mon aveu n'a rien qui vous doive choquer.

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Cette amoureuse ardeur, qui dans les cœurs s'excite,
N'est point, comme l'on sait, un effet du mérite :
Le caprice y prend part; et, quand quelqu'un nous plaît,
Souvent nous avons peine à dire pourquoi c'est.
Si l'on aimait, monsieur, par choix et par sagesse,
Vous auriez tout mon cœur et toute ma tendresse ;
Mais on voit que l'amour se gouverne autrement.
Laissez-moi, je vous prie, à mon aveuglement,
Et ne vous servez point de cette violence
Que, pour vous, on veut faire à mon obéissance.
Quand on est honnête homme, on ne veut rien devoir
A ce que des parents ont sur nous de pouvoir:
On répugne à se faire immoler ce qu'on aime,
Et l'on veut n'obtenir un cœur que de lui-même.
Ne poussez point ma mère à vouloir, par son choix,
Exercer sur mes vœux la rigueur de ses droits.
Ôtez-moi votre amour, et portez à quelque autre
Les hommages d'un cœur aussi cher que le vôtre.

TRISSOTIN.

Le moyen que ce cœur puisse vous contenter?
Imposez-lui des lois qu'il puisse exécuter.
De ne vous point aimer peut-il être capable,

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A moins que vous cessiez, madame, d'être aimable,
Et d'étaler aux yeux les célestes appas ? . . .

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HENRIETTE.

Eh! monsieur, laissons-là ce galimatias,

Vous avez tant d'Iris, de Philis, d'Amarantes,

Que partout dans vos vers vous peignez si charmantes, Et pour qui vous jurez tant d'amoureuse ardeur. . .

TRISSOTIN.

C'est mon esprit qui parle, et ce n'est pas mon cœur.
D'elles on ne me voit amoureux qu'en poète ;

Mais j'aime tout de bon l'adorable Henriette.

HENRIETTE.

Eh! de grâce, monsieur. . . .

TRISSOTIN.

Si c'est vous offenser,

Mon offense envers vous n'est pas prête à cesser.
Cette ardeur, jusqu'ici de vos yeux ignorée,
Vous consacre des vœux d'éternelle durée.
Rien n'en peut arrêter les aimables transports;

Et, bien que vos beautés condamnent mes efforts,
Je ne puis refuser le secours d'une mère
Qui prétend couronner une flamme si chère;
Et, pourvu que j'obtienne un bonheur si charmant,
Pourvu que je vous aie, il n'importe comment.

HENRIETTE.

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Mais savez-vous qu'on risque un peu plus qu'on ne pense,
A vouloir sur un cœur user de violence:

Qu'il ne fait pas bien sûr, à vous le trancher net,
D'épouser une fille en dépit qu'elle en ait ;
Et qu'elle peut aller, en se voyant contraindre,
A des ressentiments que le mari doit craindre ?

TRISSOTIN.

Un tel discours n'a rien dont je sois altéré.
A tous événements le sage est préparé.

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Guéri par la raison des faiblesses vulgaires,
Il se met au-dessus de ces sortes d'affaires,
Et n'a garde de prendre aucune ombre d'ennui
De tout ce qui n'est pas pour dépendre de lui.

HENRIETTE.

En vérité, monsieur, je suis de vous ravie;

Et je ne pensais pas que la philosophie

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Fût si belle qu'elle est, d'instruire ainsi les gens
A porter constamment de pareils accidents.
Cette fermeté d'âme, à vous si singulière,
Mérite qu'on lui donne une illustre matière,
Est digne de trouver qui prenne avec amour
Les soins continuels de la mettre en son jour;
Et, comme, à dire vrai, je n'oserais me croire
Bien propre à lui donner tout l'éclat de sa gloire,
Je le laisse à quelque autre, et vous jure, entre nous,
Que je renonce au bien de vous voir mon époux.

TRISSOTIN, en sortant.

Nous allons voir bientôt comment ira l'affaire e;
Et l'on a là-dedans fait venir le notaire.

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SCÈNE II.

CHRYSALE, CLITANDRE, HENRIETTE,
MARTINE.

CHRYSALE.

Ah! ma fille, je suis bien aise de vous voir ;
Allons, venez-vous-en faire votre devoir,

Et soumettre vos vœux aux volontés d'un père.
Je veux, je veux apprendre à vivre à votre mère;
Et pour la mieux braver, voilà, malgré ses dents,
Martine que j'amène et rétablis céans.

H

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