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Beni-ben-Iacoub. Elles occupent quelques crètes de montagnes; mais elles s'étendent principalement dans les gorges, à toutes les expositions qui leur présentent un abri contre la violence des vents.

Les gisements géologiques dont ces montagnes sont formées, se composent de schistes argileux (voisins de l'ardoise) et de calcaires gris compacts qui paraissent appartenir à l'ordre inférieur des terrains crétacés. La couche végétale varie comme dans tous les sols à pentes prononcées : elle est épaisse et substantielle sur les plateaux favorablement exposés, dans les pentes douces et dans les ligne es de fond, tandis que la roche est à découvert dans les grands escarpements et sur les sommités battues par les tempêtes.

Les cèdres qui forment le peuplement de ces forêts présentent deux variétés bien caractérisées.

La première variété semble se rapporter exactement à l'espèce acclimatée en France, depuis un siècle, sous le nom de cèdre du Liban.

Les faisceaux de feuilles sont d'un vert foncé; les folioles sont fines, acuminées, légèrement redressées vers leur extrémité; leur longueur moyenne est de 18 à 20 millimètres, et lorsqu'on les coupe perpendiculairement à leur ongueur, la section qui en résulte présente la forme d'un losange.

Le

rameau qui supporte le faisceau est long de 12 à 15 millimètres; il est aminci vers la partie qui adhère à la branche. Les folioles y sont implantées en verticilles dans de petites gaînes qui ressortent en saillies, et après la chute des folioles inférieures, ces saillies qui subsistent dessinent autour du rameau de petites couronnes espacées parallèlement entre elles de 2 à 3 milli

mètres.

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Les branches principales sont disposées en forme de palmes aplaties dans le seis horizontal; elles sont légèrement redressées à leur naissance du tronc, et un peu inclinées à leur extrémité. Les palmes situées à la partie inférieure du corps de l'arbre s'étendent en longueur et en largeur, tandis que les plus rapprochées de la cime deviennent subitement plus courtes à mesure que leur situation est de plus en plus élevée, ce qui donne à l'arbre l'aspect d'un cône très-ouvert à sa base.

L'écorce est plutôt fendillée que rugueuse; son épaisseur est généralement uniforme; et elle affecte une teinte d'un brun roussâtre.

Son bois a quelque ressemblance avec celui de l'épicéa quant à la contexture; mais le grain en est plus serré et semble plus lourd, et, en outre, sa nuance est un peu plus foncée, sans doute parce qu'il est plus imprégné de résine.

La seconde variété diffère sensiblement de la première : les folioles sont plus grosses, sans cependant être plus longues; elles se redressent en se contournant comme si elles tendaient à converger vers un sommet commun, ce qui donne aux petits faisceaux une forme arrondie.

Le caractère le plus tranché de cet arbre, c'est que le dessus des folioles est d'un blanc mat qui produit sur la nuance verte du feuillage un reflet ar

-genté. Les cônes eux-mêmes, avant leur entière maturité, laissent entrevoir à la partie extrême de leurs écailles cette teinte blanchâtre qui toutefois est -moins apparente que celle des folioles.

Le rameau qui supporte les faisceaux de feuilles présente également un rétrécissement assez prononcé à sa partie inférieure; mais il est plus gros que dans la première variété, et les petites couronnes qui subsistent en saillie après la chute des folioles sont plus prononcées.

Les branches s'étendent également en palmes horizontales; mais elles s'inclinent beaucoup plus vers le sol que celles des cèdres de la première variété. Cette particularité semble du reste devoir être attribuée à la différence de poids des folioles, qui, dans le cèdre argenté', sont plus grosses et plus fournies. Les palmes inférieures tallent beaucoup moins que celles du cèdre vert, et il y a moins de disproportion entre la longueur des branches à mesure qu'elles partent de points plus rapprochés de la cime.

Son écorce est d'un gris cendré; elle est épaisse, rugueuse, et forme ⚫ des écailles qui se détachent par parcelles lorsque le sujet a atteint un certain degré de vétusté.

· Le bois du cèdre argenté est d'un blanc nuancé de jaune ; sa contexture est assez serrée et présente de l'homogénéité; mais il est moins lourd que celui du cèdre vert.

Les différences qui existent dans le port, le degré d'élancement et la cou-· leur du feuillage de ces deux arbres, sont du reste assez apparentes pour permettre à un œil un peu exercé de les distinguer l'un de l'autre à de grandes distances.

Les deux cèdres dont les principaux caractères viennent d'être définis, composent le peuplement des masses boisées de la chaîne du Mouzaïa dans la proportion suivante :

Cèdres argentés, 7/10.

Cèdres verts, 3/10.

La zône boisée qu'ils forment s'étend sur une longueur moyenne de treize kilomètres et sur une largeur d'environ six kilomètres, et si, à l'aide de ces seules données, on veut se créer une idée approximative de sa contenance, il faut probablement faire entrer en compte les vides et clairières que l'on rencontre sur les sommités dépourvues d'abris et sur les pentes trop rapides pour permettre à la terre végétale d'y séjourner. Or, les clairières ont été estimées sur place au 1/3 de l'étendue totale; mais, en en déduisant même les 215, il resterait 4,680 hectares pour expression de l'évaluation de la superficie des masses boisées.

4. Pour distinguer le Cèdre de l'Atlas, désigné sous le nom de Cètre du Liban, nous avons cru devoir lui donner provisoirement la qualification de Cedre argenté (cedrus argentea). Les caractères botaniques de cet arbre n'ont été qu'imparfaitement décr is dans la présente notice, mais ils sont en ce moment l'objet d'une étude toute spéciale de la part d'un observateur judicieux, M. Durieu, botaniste, membre de la commission scientifique d'Algérie, qui fera connaître le résultat de ses recherches dans ses prochaines publications relatives à la mission qu'il vient de remplir.

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Dans les positions les plus favorablement situées, les cèdres forment des massifs compacts au milieu desquels surgissent des sujets d'une venue remarquable. Les cèdres argentés s'y développent surtout avec cette richesse de végétation particulière au climat de l'Algérie, et il n'est pas rare d'en rencontrer qui ont 5, 6 et 7 mètres de circonférence à un mètre du sol, et qui, loin de laisser apercevoir le moindre signe de caducité, semblent au contraire parcourir les phases de leur plus grand accroissement.

Les cèdres verts s'élancent beaucoup moins en étendant au loin leurs rameaux; ils sont le plus souvent dominés par les cèdres argentés, dont la croissance paraît plus rapide, et qui ont plus de tendance à gagner en élévation. On trouve néanmoins des emplacements sur lesquels les cèdres verts l'emportent par leur nombre sur ceux de la deuxième variété. Dans une semblable condition, les cèdres verts se développent plus régulièrement; leurs branches couvrent moins d'espace. Ils gagnent alors non-seulement en élévation, mais leur circonférence atteint 4 et 5 mètres à 1 mètre du sol.

Ces forêts présentent du reste tous les âges mélangés, depuis l'arbre séculaire jusqu'au jeune semis de l'année, et ce n'est que par exception que l'on rencontre des portions de massifs qui présentent de l'uniformité dans leur composition

Les deux cèdres de l'Atlas sont à floraison monoïque; toutefois on rencontre des cèdres argentés déjà avancés en âge qui ne portent que des cônes sans fleurs mâles, tandis que, sur un assez grand nombre de cèdres verts, on trouve la fleur niâle en grande abondance sans cônes ni traces de cônes'.

Les fleurs des deux sexes paraissent en septembre et en octobre; au mois de juin suivant les ovaires femelles présentent déjà l'aspect d'un cône verdâtre long de 45 millimètres, et d'un diamètre moyen de 30 millimètres. Ces jeunes cônes sont pour ainsi dire encore à l'état herbacé, et ils fléchissent sous la mindre pression. Au mois de juillet de l'année suivante, les cônes ont acquis une consistance ligneuse et renferment des graines à l'état parfait de maturité; mais ils ne commencent à se disséminer qu'à l'époque des pluies d'automne, et il en est même qui subsistent sans s'écailler jusqu'à la fin de l'hiver.

Ainsi, depuis la floraison jusqu'à l'époque de la maturité des cônes, il s'écoule vingt mois, et quatre mois après la dissémination commence. Il se passe donc deux ans entre la floraison et la chute des semences.

A la partie inférieure de la graine, il existe une petite vésicule qui con

1. Il suffit d'examiner attentivement un assez grand nombre de branches de cèdre pour se convaincre que les axes des côn⋅ s subsistent au moins deux ans après la chute des écailles. Au bout de ce temps, l'axe se décompose et tombe, mais le support de cet axe reste encore apparent sous forme d'un chicol, terminé à la pointe supérieure par une cavité. Bientôt après cette cavité se referme, il s'y forme une cicatrice, et le support affecte la forme d'un bourrelet qui finit par disparaître totalement, parce qu'il n'est pas susceptible de croitre, et qu'il est dépassé enveloppé par l'effet du grossissement de la branche a laquelle ii adhère. Or ce travail exige au moins six ans pour son entier achèvement, et lorsqu'eù examinant un cèdre on n'aperçoit ni axe, ni trace de bourrelet indiquant le reste d'un sup ort cicatrisé, on est assuré que l'arbre n'a pas porté de fruits depuis six ans. Teis étaient les cèdres qui ont eté observés, et sur lesquels on n'a trouvé ni cônes, ni traces de cônes.

tient un liquide visqueux parfaitement limpide, et qui exhale une forte odeur de térébenthine Chaque graine est entourée d'une pellicule semblable, par sa couleur et sa consistance, à celle qui enveloppe les graines d sapin argenté. En dessous de cette première enveloppe, on trouve une espèce de capsule cornée qui entoure et protége la partie supérieure du germe contenu dans la semence.

Lors de la germination, la graine sort de terre et contient la plumule entièrement renfermée; à mesure que les cotylédons acquièrent du développemert, leur partie inférieure se dégage progressivement de l'enveloppe ; enfin, ce n'est qu'au moment ou ces cotylédons ont atteint toute leur longueur, que la capsule tombe naturellement. Les plumules des jeunes semis ont généralement huit, neuf et dix folioles ou cotylédons, mais plus communément neuf, dont la longueur dépasse quelquefois 4 centimètres La plantule est d'un rose assez prononcé et le pivot s'enfonce profondément en terre.

Dans le principe, les essais de semis tentés en Algérie durent se borner à l'emploi de quelques graines. La difficulté d'entr'ouvrir les cônes pour en extraire la semence, était alors l'obstacle qui s'opposait à des essais plus étendus; néanmoins une remarque, faite par M. le garde général Royer à la résidence d'Alger, fit totalement disparaître cette difficulté. Cet agent avait été chargé de faire récolter une assez grande quantité de cônes de cèdre dans les forêts du Mouzaïa, et il lui avait été recommandé de choisir de préferencé ceux qui commençaient à s'entr'ouvrir. Il se rendit sur les lieux dans le mois de janvier, alors que dans ces régions élevées les arbres étaient surchargés de neige, et il y fit recueillir des cônes entr'ouverts, dont les écailles s'enlevaient facilement. De retour à Alger, il s'aperçut que ces cônes, qu'il avait fait renfermer dans des sacs, s'étaient refermés pendant le trajet. Il tenta de les exposer à la chaleur; mais il obtint un résultat contraire à celui qu'il attendait, car les cônes avaient acquis plus de dureté. Il eut alors l'idée de leur rendre le degré d'humidité qu'ils avaient au moment où il les avait fait cueillir, et ce moyen lui réussit complétement au bout de quelques heures, les cônes s'entr'ouvrirent de nouveau, et les écailles cédèrent au moindre effort.

Depuis lors, des essais furent entrepris sur une plus grande échelle et dans différentes conditions de végétation. Du reste, si l'on veut activer l'ouverture des cônes pour un essai en petit, il suffit d'enlever l'axe ligneux et de les laisser deux ou trois heures en contact avec l'humidité. Lorsqu'on perce les cônes pour enlever l'axe, il est préférable de commencer par la partie supérieure afin de mieux diriger l'instrument dont on se sert et d'empêcher sa déviation; mais cette opération serait trop minutieuse pour pouvoir être entreprise en grand, et d'ailleurs on peut facilement s'en abstenir en laissant les cônes séjourner dans l'eau pendant vingt-quatre ou trente-six heures, ce qui n'altère en rien la qualité des graines que l'on a, du reste, le soin d'exposer au soleil jusqu'à leur entière dessiccation.

Les cônes les plus forts ont 9 centimètres de longueur sur 6 de diamètre;

mais ce sont des dimensions qui s'écartent des proportions ordinaires, et on ne trouve généralement des cônes de cette grosseur que sur les cèdres de la première variété (cèdres verts). Les dimensions moyennes sont de 7 centimètres de longueur sur 5 de diamètre.

On trouve des cônes qui contiennent jusqu'à 145 graines; mais il en existe aussi qui n'en donnent que 60 à 65. Un comptage effectué sur les graines extraites de cent cônes pris au hasard, a donné au total 10,574, ce qui fait moyennement 105 graines par cône.

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Tout porte à croire que les cèdres de l'Atlas pourraient, sans le secours de moyens extraordinaires de culture, s'acclimater facilement dans les forêts de France, et surtout dans celles de nos départements méridionaux. En effet, il faut s'élever à 1,400 mètres au moins au-dessus du niveau de la mer pour trouver des cèdres dans les montagnes de l'Algérie; or il existe une relation à peu près constante dans l'observation des températures moyennes, suivant les, latitudes et les différentes régions dans lesquelles la végétation a lieu. Ainsi l'expérience prouve : 4° que, pour dix degrés de latitude de différence, la température moyenne varie de 7 degrés du thermomètre centigrade; 2o qu'à 180 mètres, d'élévation au-dessus du niveau de la mer correspond un abaissement d'un degré dans la température moyenne sous la même latitude. 1,400 mètres d'élévation doivent donc donner un abaissement de température moyenne de 7 degrés 7/10, correspondant à 10 degrés 1/2 de latitude; or, il n'existe pas une semblable différence entre la latitude d'Alger et celle des départements méridionaux de la France. D'ailleurs cette observation est encore confirmée par la comparaison de la température moyenne de Paris, par exemple, avec celle des montagnes situées en Algérie à 1,400 mètres d'élévation. En effet :

· La température moyenne de Paris est de . Celle d'Alger est de.

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Différence.

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10 degrés 6/10 centigrades.

17

8/10

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Mais, comme 1,400 mètres d'élevation produisent 7 degrés 7/10 centigrades d'abaissement, il en résulte que la température moyenne dans laquelle croissent les cèdres en Algérie, ne doit être que de 10 degrés 1/10, ce qui correspond à une température moyenne, inférieure même à celle de Paris. Au surplus, l'expérience en sera prochainement faite, car des graines de cèdre argenté et de cèdre vert ont été récemment apportées en France et réparties dans plusieurs départements Les résultats des essais tentés nous donneront la solution d'une question qui pourra plus tard offrir de l'intérêt, car les forêts de l'Algérie sont en état de fournir une assez grande quantité de graines pour pouvoir repeupler les montagnes de nos départements méridionaux.

Le cèdre existe dans les trois provinces de l'Algérie. Au sud de Sétif, dans le Djebel-Affgan, non loin de la tribu des Riga, on trouve des masses boisées

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