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Hyères, Bormes ou Cogolein. L'administration municipale de ces petites villes, en prenant possession des forêts communales, a commencé par en retirer la jouissance aux gens qui vivent au milieu de ces grands bois et s'y regardent comme chez eux. Le produit de ces bois est devenu un revenu de la petite ville, servant à entretenir son pavé, ses fontaines, ses promenades, son éclairage, toutes choses dont la population forestière ne prend point sa part. Telle est la cause principale des incendies qui dévastent ces forêts.

Quand le moment approche de mettre la hache dans une coupe à exploiter au profit de la ville voisine, on y met le feu. Les auteurs de ces incendies ne s'en cachent guère; tout le monde les connaît; mais malheur à celui qui s'aviserait de les désigner à l'autorité !

Les habitants des montagnes ont encore un autre motif pour faire fumer les bois, comme on dit dans le pays. Les plus gros arbres ne sont jamais entièrement consumés; les broussailles et le menu bois sont seuls réduits en cendre ou en charbon. Les arbres à demi consumés ne valant pas la peine d'être exploités, l'autorité municipale délivre à qui en demande des permissions pour ramasser ces débris et en débarrasser la forêt. Le bois en cet état a encore une valeur suffisante pour que les montagnards trouvent leur compte à le transporter à Toulon où le débit en est assuré. L'incendie est donc pour eux un moyen indirect de ravoir une faible portion de ce qui, dans leur opinion, leur appartient légitimement en totalité.

D'autres incendies ont pour cause des vengeances particulières; le crime d'incendie est si bien passé dans les mœurs d'une partie de la population, qu'elle ne s'en fait aucun scrupule. Il y a deux ans, un berger a incendié à deux reprises différentes les bois d'un propriétaire de l'arrondissement de Draguignan, le tout à cause d'une misérable somme de quarante francs qu'il prétendait lui être due, et que le propriétaire ne croyait pas lui devoir. Si ce propriétaire n'avait pas cédé aux réclamations du berger, et payé les quarante francs, tout le reste de son bois y aurait passé.

Ceux qui n'ont point habité le département du Var, ne peuvent se faire une idée de la nature de la végétation sauvage sur ces collines boisées. L'essence dominante est formée par le pin d'Alep, probablement apporté dans l'origine par les Arabes. Ce pin, d'une croissance rapide, a fini par tout envahir par plusieurs raisons peu connues qui recommandent cette essence comme plus propre que toute autre au reboisement des hauteurs dans nos départements méridionaux.

Le pin d'Alep vit pour ainsi dire sans terre; on le trouve sur la crête aride des collines granitiques; pourvu qu'il puisse insérer ses fortes racines dans les fentes des rochers, cela lui suffit, il brave dans cette position des sécheresses de cinq à sept mois. Ce pin porte graine de trèsbonne heure, et donne dès l'àge de quatre à cinq ans un très-grand nombre

de cônes; sa graine, par une particularité dont nous n'avons jamais pu nous rendre compte, résiste au feu. Après la première pluie qui succède à un violent incendie, on est tout étonné de voir le sol se couvrir de milliers de jeunes pins d'Alep, formant de place en place comme un épais gazon. Les gens du pays rient au nez de ceux qui leur parlent de semer des pins d'Alep. Ils sont convaincus que ce pin vient de lui-même partout où le sol peut en porter; là où il n'en vient pas, c'est que la terre est absolument impropre à en produire.

Le pin d'Alep prend de très-fortes dimensions avec l'âge; on en trouve d'énormes dans les bois incultes et impraticables qui s'étendent de l'est à l'ouest depuis Cogolein jusqu'à Pierrefeu. Parvenus à un certain âge, ils bravent l'incendie, à moins qu'il ne soit très-violent; leurs troncs se noircissent, leurs branches inférieures brûlent; mais leur énergie vitale est si grande, que la vie se conserve à la cime de l'arbre qui continue à grossir. Il y en a dans la partie de bois que nous venons d'indiquer qui ont survécu à un nombre incroyable d'incendies.

Le pin d'Alep qui domine aujourd'hui dans les forêts des Maures et de l'Estrelle où il s'est répandu de proche en proche, y a succédé au chêne blanc dont on retrouve partout les souches, et çà et là quelques individus séculaires.

Mais cet arbre dont le bois rendu à Toulon vaut de 7 à 8 francs le stère, prix peu élevé en raison de la difficulté des transports, ne constitue pas la principale valeur des forêts dont au premier coup d'œil il semble former la masse à lui tout seul. L'arbre vraiment précieux de ces forêts, c'est le chêne-liége. Partout où l'on n'a pas pris à tâche de le détruire, sa longévité et la vigueur de son tempérament lui ont permis de lutter contre l'envahissement du pin d'Alep. Si l'on voulait sérieusement favoriser sa multiplication, il ne faudrait pas plus de 25 à 30 ans pour le substituer partout aux pins, et créer pour la génération à venir un revenu certain et très-important.

Malheureusement, personne ne songe en France, pas plus dans le Var que partout ailleurs, à la génération future; et ce n'est pas seulement de nos jours qu'on agit avec cette funeste imprévoyance : en nous promenant avec M. N.....n, intendant de M. le comte D. de Beauregard, dans les bois situés sur la branche des Maures qui domine le cours du Gapeau, il nous montrait les souches des milliers de chênes-liéges séculaires abattus et vendus comme bois de chauffage, par le père du comte actuel.

Après les pins et les liéges, il n'y a plus que des arbustes et des broussailles, sauf quelques chênes blancs et quelques sorbiers et cormiers en très-petit nombre.

Dans la partie calcaire des forêts du Var, les chênes verts sont trèsabondants. M. Henri Laure, l'un des agronomes les plus distingués du midi de la France, a prouvé, par des expériences nombreuses, que le

JUILLET 1844.

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chêne-liége pouvait être avec succès greffé sur le chêne vert, opération qui donnerait avec le temps une très-grande valeur à ces forêts.

N'oublions pas une particularité très-digne d'attention. Toutes les forêts du Var, voisines du littoral de la Méditerranée, comprenant les vallées du Gapeau, du Pansart, de la Maravenne, de la Bataille et d'une dizaine d'autres torrents, ont été, à une époque dont personne ne se souvient, couverts de plantations d'oliviers. Leurs souches indestructibles s'y trouvent encore; les paysans vont recueillir leurs rejetons inépuisables et les vendent, soit aux pépiniéristes, soit aux propriétaires, qui les plantent et les greffent en place. C'est seulement depuis quelques années qu'on commence à semer des amandes d'olives séparées de leur enveloppe ligneuse, procédé qui permet d'obtenir assez promptement du plant d'olivier préférable aux sauvageons des vieilles souches disséminées dans les forêts.

Le reste de la végétation des forêts du Var se compose d'arbousiers, de lentisques et de bruyères. Les arbousiers, sur le bord des torrents et dans les vallées où la terre végétale est assez profonde, arrivent aux dimensions d'un petit arbre de 3 à 4 mètres; ce bois et celui des souches, souvent énormes, d'où sortent les tiges, a une assez grande valeur.

Les lentisques arrivent, sur les pentes les plus abruptes et les plus arides, à la taille des arbousiers. Plus il fait sec et chaud, mieux ils semblent végéter. Si l'on voulait greffer sur ces précieux arbustes le pistachier, qui reprend très-bien sur le lentisque, les pentes méridionales des Maures et de l'Estrelle donneraient en peu d'années de grandes quantités de pistaches, produit toujours recherché et rare dans le commerce.

Les bruyères sont, dans le Var, des arbustes dont les tiges ligneuses ont souvent plus de deux mètres d'élévation. Les forêts vierges du nouveau monde ne sont pas plus impénétrables que celles du Var quelques années après un incendie. Rien ne peut donner une idée de la vigueur de végétation de tous ces arbustes, rattachés les uns aux autres par des clématites, des smilax épineux et des guirlandes de chèvrefeuille. Les myrtes, gros comme le bras, et les lauriers-roses de même grosseur, décorent ces massifs de leur admirable floraison. Les lauriers-roses sont un rempart opposé par la nature aux ravages des torrents dont ils tapissent les rives. Les racines de ces arbustes plongent à plus d'un mètré de profondeur, et il n'y a pas de coup d'eau qui puisse les déraciner.

En résumé, ces forêts méritent toute l'attention de ceux qui s'intéressent à la conservation de cette partie essentielle de la richesse publique, elles n'attendent que quelques soins de la part de l'administration forestière pour devenir la source d'un revenu très-considérable; elles sont faciles à préserver des incendies au moyen d'une bonne police rurale et forestière. Mais pour ce dernier point, il faudrait que l'autorité supérieure intervînt pour soustraire les populations rurales à la rapacité inintelligente des administrations municipales des petites villes.

A. YSABEAU.

D'UNE

NOUVELLE MÉTHODE POUR TRANSPLANTER

DES PLANTS UN PEU FORTS.

M. Sinzel a démontré, dans un article inséré dans le Journal des Forets et des Chasses (Forst et Jagdzeitung, Août 1841), les inconvénients, de la manière usitée pour transplanter les jeunes arbres, notamment en alignement sur les bords des chemins; cette méthode consiste à creuser des fossés (poquets) où l'on place les racines des arbres, après quoi on les remplit de terre de bonne qualité, no 1. M. Sinzel conseille de poser les arbres sur le sol, sans trou, et de couvrir les racines de bonne terre en formant une petite émi→ nence, no 2.

Il est reconnu que de jeunes arbres, plantés dans des poquets à côtés verticaux, ne croissent bien qu'autant que leurs racines trouvent place dans ces trous, mais qu'ils languissent ou périssent quand il faut que leurs racines percent les côtés des poquets.

Dans l'impossibilité de s'ouvrir de force un passage dans les murs de leur prison, les racines rampent le long de ces côtés et se relèvent en cherchant une terre meuble. La trop grande abondance d'humidité qui s'amasse dans les poquets nuit également assez souvent aux arbres.

La méthode proposée par M. Sinzel remédie réellement à ces inconvénients, puisque les racines n'ont plus de murs à percer, et trouvent, quand elles commencent à occuper plus d'étendue que l'éminence, une abondance d'aliments dans la couche supérieure riche en humus; mais ce mode de transplantation est suivi d'autres inconvénients non moins graves qui n'en permettent l'application que très-rarement. Dans les poquets, les arbres ont à souffrir d'un excès d'humidité; ici, c'est le défaut d'humidité qui fait périr les jeunes plants; en outre, l'eau qui découle des éminences entraîne souvent la terre dont elles sont formées, et met les racines à nu.

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Pour éviter les désavantages des deux procédés contraires, je propose de combiner ce qu'ils ont l'un et l'autre d'a

STAT vantageux. Il faudrait donc, dans ce but, creuser des fossés d'une plus grande circonférence, non point à côtés verticaux, mais inclinés plus ou moins fortement vers le milieu. Les trous seraient comblés avec une bonne terre, de manière à former audessus de leur orifice une petite élévation; c'est dans le sol ainsi préparé qu'on planterait le jeune arbre.

Plus le sol est humide, moins le trou doit être profond; et, au contraire, plus le sol est sec, plus on augmente la profondeur du trou.

Les racines des arbres plantés par le procédé que je propose, ne trouveront, en s'étendant au-delà des trous comblés, aucune résistance dans la couche de terre végétale, de sorte qu'une belle croissance leur est assurée.

Si l'on voulait prendre un peu plus de peine, on pourrait couvrir les petites élévations d'une nouvelle couche de bonne terre à la hauteur de deux pouces, et la recharger jusqu'à quatre à cinq pieds autour de l'arbre. Par ce moyen, on pourrait assurer la plus belle croissance des plants, même dans le plus mauvais terrain.

(Communications forestières du Dr Groinner. Livr. IX, 1843.)

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EFFECTUÉS PAR M. MARRIER DE BOISDHYVER ET LE PRINCE DE WAGRAM.

Concours de 1844. Prix de Sylviculture.

Rapport présenté au Comice agricole de Melun, au nom de la Commission de sylviculture et d'arboriculture, composé de MM. le comte Clary, président; Utérard, Garreau, Louvet, et Boutard, rapporteur.

La Commission a compris le mandat que vous avez bien voulu lui conférer, et, désirant justifier la confiance dont vous l'avez honorée, a procédé avec le plus grand dévouement à la visite des travaux de reboisement et de plantations d'arbres soumis à son examen.

Trois concurrents, ou pour mieux dire quatre, se sont placés en ligne

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