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en est résulté l'isolement des habitations, qui s'oppose à ce commerce d'échange de tous les jours qui aurait tant ajouté à la civilisation des nègres; isolement qui ne permet pas ces communications journalières si nécessaires au bien-être physique et moral du colon et au progrès de l'industrie; isolement qui, en l'obligeant à se suffire à lui-même dans. tous ses travaux de maçonnerie, de forge, de charpente, de menuiserie et de mécanique, comme à tous les besoins de la vie domestique, augmente ses frais généraux et, dès lors, le prix de revient de ses produits.

» Les terres en culture ainsi disséminées ne sauraient, comme en Europe, emprunter de valeur à leur voisinage des centres de population et de ressources; elles ne valent exactement que ce que leur défrichement a coûté de main-d'œuvre, car des situations identiques s'offrent, de toutes parts, au premier venu qui veut entreprendre de pareils travaux; or, il résulte de diverses estimations qu'une surface de 20 hectares demande : 1° Pour les travaux de desséchement, endiguement, canaux. 2,600 journées. 2° Pour désouchement et défrichement . .

2,400

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» Ainsi l'hectare de terre basse, prêt à être planté revient à 425 francs; mais lorsque l'entourage est plus grand, les frais d'endiguement diminuent par rapport aux surfaces, puisque ces dernières augmentent comme le carré des côtés. On peut donc évaluer généralement à 400 fr. la valeur du travail qui donne la propriété d'un hectare de terre entourée et desséchée.

>> En terre haute de montagne ou de plaine, on cultive avec plus ou moins de succès le giroflier, le rocouyer, le caféier, le cannellier, le cacaoyer et le cotonnier. Quant au muscadier, au poivrier, et à l'arbre des quatre épices, ils sont en trop petit nombre pour prendre rang parmi les récoltes de rapport. Nous en parlerons, néanmoins, ainsi que de la canne à sucre qu'on cultive encore en terre haute, et du riz. »

C'est à regret que nous sommes obligés par la spécialité de notre recueil de nous abstenir de reproduire les documents pleins d'intérêt que donne M. Itier sur ces différentes cultures; mais comme ils appartiennent plutôt à l'agriculture proprement dite qu'à la sylviculture, nous les passons sous silence afin d'arriver plus vite à la partie du mémoire qui concerne les forêts.

« La Guyane est une des contrées de la terre les plus riches en bois de toute espèce et de la meilleure qualité pour la construction et l'ébénisterie.

L'exportation en est d'autant plus facile que le pays est sillonné de cours d'eau qui se prêtent, on ne peut mieux, aux chargements des bois à bord des navires. Il y a, toutefois, une difficulté, et elle est à considérer; c'est que les espèces, loin d'être réunies par essences, comme dans nos forêts d'Europe, sont au contraire disséminées parmi une foule d'autres végétaux, de telle sorte que, pour se procurer un certain nombre de pieds d'une espèce déterminée, il faut étendre au loin ses recherches et ses travaux dans la forêt. A ce premier inconvénient il s'en joint un autre bien plus grand, lorsqu'il s'agit de l'extraction de la pièce de bois; il faut faire presque autant de traces qu'on a de pièces de bois à sortir. Quoi qu'il en soit, ce ne sont pas là des obstacles devant lesquels puisse reculer le travail de l'homme, si des débouchés avantageux étaient offerts aux bois de la Guyane.

» En 1825, un chantier, pour l'exploitation des bois destinés à la marine militaire, a été établi sur les bords de l'Acarouari, l'un des affluents de la Mana; il a été abandonné au bout de quelques années, faute de demandes de la part de nos arsenaux.

> Depuis, Mme Javouhey, supérieure des dames de Saint-Joseph de Cluny, avait établi à Mana des ateliers de scierie où se fabriquaient des poutrelles et des planches qu'on expédiait aux Antilles; cette exploitation a également cessé. Aujourd'hui plusieurs colons ont obtenu des concessions dans diverses parties de la Guyane, et exploitent des bois d'ébénisterie et de construction qui se vendent à Cayenne.

>> Il existe, en ce moment, neuf chantiers, savoir un dans le haut de la rivière d'Approuague, deux dans le quartier de Kourou, cinq dans celui de Roura, sur les rivières de l'Oyac et de l'Orapu, un enfin dans le quartier de Tonne-Grande. Deux cents nègres, environ, sont employés à ces exploitations; quelques Indiens y travaillent aussi à la journée: ce genre de travail ne leur est pas antipathique; cependant, on ne peut pas compter sur une coopération assidue de leur part, et ils disparaissent quelquefois pendant plusieurs jours, sans prévenir le maître du chantier, à qui ils sont utiles, surtout en raison de la connaissance qu'ils possèdent des endroits de la forêt où sont les arbres dont on recherche l'essence.

>> Dans les quartiers de l'Approuague et de Roura, le prix du mètre cube de bois de bonne qualité s'établit ainsi :

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Fourniture des outils et bénéfices de l'exploitation.

Prix de vente à Guisanbourg ou au Dégras des cannes. .

» Le frêt de Cayenne en France du tonneau de sucre étant de 60 francs, j'estime que le frêt du mètre cube de bois ne dépasserait pas 45 francs, en raison de la facilité de l'arrimage; ainsi, rendu dans les ports de France, il reviendrait tout au plus à 125 francs. Le chêne de construction se vend de 135 à 160 francs le mètre cube; il y aurait donc avantage à importer des bois de la Guyane, en en supposant la qualité égale à celle du chêne; or, il est permis de penser que plusieurs essences de la Guyane lui seraient préférables dans certaines parties de la coque des navires, et dans la bâtisse, pour les poutres, parquets, boiseries et grande menuiserie. L'ébénisterie y trouverait aussi un assortiment varié.

» Le change de l'argent, qui est de 10 p. %, couvrirait la commission et autres menus frais.

>> Le wapa et le wacapou peuvent fournir des échalas incorruptibles; une expérience de quinze ans l'a constaté dans les vignes de M. Bagotte, situées dans le Médoc. Un ouvrier peut faire, dans sa journée de la valeur de 5 francs, 200 échalas de 0, 05 d'équarrissage; ce qui ferait revenir le 100 d'échalas à 2 fr. 50 cent. Les gournables ou chevilles de navire faites en balata, en wacapou ou en bois rouge, seraient bien préférables au chêne qu'on emploie à cet usage, et qui se pourrit ordinairement avant la membrure des navires. Le fret de ces marchandises ne reviendrait pas à plus de 30 à 35 francs le tonneau, en raison de la facilité de l'arrimage.

>> Les ouvriers européens pourraient parfaitement convenir à l'exploitation des bois; j'ai eu occasion d'en causer avec plusieurs qui, depuis nombre d'années, se livrent à toutes les parties les plus pénibles de ce travail.

» Il est évident que du jour où les travailleurs blancs afflueraient et introduiraient les méthodes perfectionnées d'exploitation qu'on possède en Europe, le prix du mètre cube de bois baisserait de 50 p. % à la Guyane. » Voici la liste à peu près complète des bois durs dont l'exploitation offre de l'intérêt à la Guyane ; je les rangerai d'après leur degré de valeur.

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1. QUALITÉ.

Arbres de forte dimension, à peu près incorruptibles à l'air et dans l'eau; leur pesanteur spécifique varie entre 1,05 et 1,22. Le wacapou a à peu près la dureté du chêne; les autres sont plus durs, ce qui rend leur travail plus difficile et la main-d'œuvre plus chère, mai l'oeuvre bien meilleure.

2. QUALITÉ.

(Pesanteur spécifique moyenne 0,72.)

6° Angélique. . Convient pour bordages et quilles des navires, et aux 7° Parcourry. . pièces des œuvres vives.

8° Wapa, pour la bâtisse.

9° Sawary, pour la marine et le charronnage. 10° Grignon, pour mâture.

11o Bagace, pour idem, construction des navires.

12° Bois ronge, idem.

13° Bois violet, pour grosse menuiserie et ébénisterie.

14o Couratary, idem, constructions de la marine. 15° Saint-Martin, idem.

16° Coeur-de-dehors, idem.

17° Acajou-cèdre, pour menuiserie.

186 Carapa, idem, ébénisterie et mâture.

19° Conaye, idem, la marine et måture.

20° Cèdre jaune. idem, le sciage et la grosse menuiserie. 21° Cèdre gris.

22° Gaïac, pour constructions civiles et ébénisterie.

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» Parmi les arbres qui croissent à l'état sauvage, et dont les fruits peuvent être d'une grande utilité, je citerai l'arouara, espèce de palmiste, qui ne vient guère que dans les terres avoisinant la mer; son fruit fournit avec une extrême abondance une huile bonne à brûler, et même à manger, quand elle est fraîche. Elle pourrait être l'objet d'un grand commerce la graine sert aussi à engraisser les bestiaux.

>>> Les fruits ou graines de patavoux, de caumoun, de sésame et de montcaya sont aussi très-oléagineuses; l'huile en est bonne à manger.

»

>> L'arbre many donne une résine qui remplace le brai dans l'usage qu'on en fait pour les canots.

>>> Le mahot, que j'ai trouvé en abondance dans les bois qui couvrent les rives du Carouabo, entre Kourou et Sinnamary, possède une écorce avec laquelle on fait d'excellentes cordes.

» J'ai recueilli, dans les bois qui avoisinent Kourou, une gomme résine blanche qui répand, en brûlant, une odeur aromatique, et qui se rapproche, par ses qualités, de la gomme élémi. Son abondance pourrait la rendre l'objet d'une exploitation. Il en est de même du caoutchouc, qui existe en abondance dans le haut de l'Oyapock et aux alentours du lac Mapa. »

J. ITIER,
Inspecteur des Douanes.

SUR L'AJOURNEMENT DE LA REORGANISATION

DES ADMINISTRATIONS CENTRALES.

La session touche sa fin; mais les grandes mesures dont s'est si vivement préoccupée l'attention publique, pour lesquelles le gouvernement a ordonné tant d'études, a nommé tant de commissions d'enquête, les projets de loi sur les irrigations, sur le reboisement, sur les défrichements, sur la réorganisation des gardes champêtres et de la police rurale, sur la réforme des administrations centrales, toutes ces mesures si souvent promises, si impatiemment attendues, resteront encore cette année ensevelies dans les cartons ministériels.

L'unique satisfaction accordée aux besoins agricoles, à l'intérêt rural, se bornera, quant à présent, à la loi sur la chasse. Quelque regrettable que soit cet ajournement, quelque considérables que soient les intérêts qu'il tient en souffrance, peut-être faut-il encore s'en applaudir, en considérant ce qu'auraient été des lois conçues et discutées sous l'empire des préoccupations et de l'impatience qui paraissent dominer la majorité de la chambre sur la fin de la session. Il faut que le mal soit poussé bien loin, puisque le Journal des Débats, malgré son optimisme ministériel, ne peut s'empêcher de s'en émouvoir et de s'en plaindre.

On se rappelle que le dernier budget voté par les Chambres a imposé aux ministres l'obligation de régler l'organisation de l'administration par voie d'ordonnance royale insérée au Bulletin des Lois. Le but avoué de la Chambre par cette injonction, était d'apporter un terme et un remède aux vices de l'organisation administrative actuelle, et de mettre le gouvernement en demeure de présenter une loi qui reconstituât cette organisation sur des principes uniformes et plus en harmonie avec l'esprit de nos institutions. Or, voici ce qui arrive. « On s'en est occupé, dit le Journal des Débats, par-devant la commission du budget qui devait fournir les voies et moyens de l'organisation définitive, et à laquelle chacun des ministres a présenté son programme. Malheureusement le système qui a été adopté n'est pas, à beaucoup près, parfaitement conforme à l'esprit d'unité qui caractérisait jusqu'à ce jour l'administration française, ni aux règles d'une bonne gestion des affaires et aux droits sacrés des serviteurs de l'Etat. » C'est-à-dire qu'au lieu d'un système administratif conçu avec unité et ensemble, on en est revenu à présenter autant de constitutions administratives qu'il y a d'administrations différentes, de telle sorte que chaque ministère ait comme aujourd'hui ses règles et ses usages particuliers, et qu'on a demandé la réforme des abus et des désordres précisément à cette bureaucratie, sous laquelle ces abus et ces désordres sont nés et se perpétuent, et aux yeux de laquelle sans doute la science de l'économie politique et administrative doit se borner aux traditions de la routine et à l'érudition de l'Almanach Royal.

Le Journal des Débats a donc grandement raison de conclure que le parti qu'on a pris mène à l'absurde, tout en nous laissant dans le chaos administratif dont il retrace ainsi une des faces:

« Rien de moins égal que les traitements des employés. Sur les neuf départements ministériels, il n'y en a pas deux qui se ressemblent. Vous avez des directeurs à 20.000 fr., à la guerre et aux finances; ailleurs c'est 12,000 ou 15,000 fr. Ici, on est directeur-général; là, on est simple

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