Images de page
PDF
ePub

port et le colportage du gibier à quelque titre que ce soit, on a rendu facile et sans danger la constatation et la répression des délits ; et si les divers agents et fonctionnaires chargés de l'application de la loi, persévèrent partout à montrer la même vigilance et la même sévérité, on ne tardera pas à arriver au point, non plus seulement de réprimer, mais de prévenir tous les délits dont il sera devenu impossible aux délinquants de tirer profit.

Les mesures prises par les autorités départementales pour l'exécution de cette loi, donnent lieu de signaler jusqu'à quel point l'incurie de certains administrateurs peut encore fausser l'esprit d'unité et de régularité qui devrait être l'un des bienfaits de la centralisation. Pendant que dans certains départements la loi est en pleine exécution, et que les préfets ont adressé aux diverses autorités sous leurs ordres, des instructions et des circulaires pour provoquer et éclairer leur intervention, il en est d'autres où le texte de la loi n'a pas même encore été publié, et où les délits se commettent en quelque sorte impunément. Le Journal des Chasseurs cite entre autres exemples les départements de Seine-et-Oise, de l'Hérault, de la Moselle et celui de Seine-et-Marne, dont le préfet n'avait pas encore transmis le 25 juin aux sous-préfets, maires et officiers de gendarmerie de son département, les instructions émanées à ce sujet du ministre de l'intérieur plus d'un mois auparavant. Une pareille négligence est vraiment incroyable. S'il manque dans notre Code administratif une disposition qui assure l'uniforme exécution de la loi dans toute l'étendue du territoire, et sous la responsabilité formelle des officiers ministériels que cela concerne, c'est à l'autorité supérieure à l'y introduire, et elle est déjà coupable de cette lacune. Si cette disposition au contraire existe, elle est plus coupable encore de la laisser enfreindre si ouvertement. Ce sont là des faits qui donnent une triste opinion des vices de notre système administratif, et qui prouvent l'urgence d'y introduire les réformes dont la proposition de M. d'Haussonville a fait comprendre le besoin.

Pendant que quelques magistrats se montrent à ce sujet trop insouciants, il en est d'autres, au contraire, que leur zèle emporte au-delà des limites de la légalité elle-même. Ainsi M. le procureur du roi de Toulon, dans une circulaire adressée aux officiers ministériels sous ses ordres, pousse si loin l'ardeur de la répression, qu'il tombe lui-même en infraction contre la loi, précisément par excès de zèle contre les délinquants. Nos lecteurs ne le croiraient pas si nous n'en mettions la preuve sous leurs yeux. Voici ce qu'on lit en effet dans la circulaire : « Tout gibier exposé en vente, vendu, colporté ou transporté, devra être immédiatement saisi et vendu au bénéfice de l'établissement de bienfaisance le plus voisin. » Si les ordres de M. le procureur du roi ont été exécutés, il en résulte que ceux qui ont acheté le gibier et ceux qui l'ont vendu se sont mis en contravention à la loi, et qu'il y a eu lieu de les poursuivre et de les condamner, et avec eux M. le procureur du roi qui a ordonné la vente.

-La première application de la nouvelle loi sur la chasse a été faite à Rouen, le 21 mai, par le tribunal de police correctionnelle. Il y a quelques jours, un marchand de volailles des environs de Bacqueville arrive à Rouen, et, à la barrière du Mont-Riboudet, il déclare qu'il a dans ses paniers soixante-dix pigeons, mais il se tait sur dix-sept cailles mêlées aux pigeons. Les employés de l'octroi déclarent un bon procès-verbal au

brave homme, et envoient les cailles, qui étaient vivantes, au bureau de l'hospice, où probablement elles n'auront pas été mises en liberté. De plus, le marchand a été traduit devant la police correctionnelle. Vainement allègue-t-il qu'il a acheté le gibier frauduleux au marché de Bacqueville; vainement invoque-t-il son ignorance de la loi et sa bonne foi, il est condamné à 50 fr, d'amende.

Ce matin, dit le National du 16, une masse considerable de gibier de toute sorte a été saisie aux barrières. L'intérieur de Paris et les communes rurales sont soumis en ce moment à de scrupuleuses visites; des brigades d'agents de police, divisées par quartier et arrondissement, sont chargées de visiter inopinément, chaque jour, les traiteurs, les marchands de comestibles et tous les autres établissements qui faisaient commerce de gibier, pour s'assurer de l'exécution de la nouvelle loi et donner des procès-verbaux contre ceux qui seraient trouvés en contravention.

Hier et aujourd'hui il a été saisi, tant à Paris que dans les communes rurales, plus de cinq cents kilog. de gibier. Le produit de ces saisies a été remis aux bureaux de bienfaisance.

Furet, conducteur de la voiture publique de Morfilier, était cité devant le tribunal correctionnel, prévenu du transport de gibier, délit prévu par l'article 4 de la loi sur la police de la chasse.

« Je ne suis pas plus coupable, a dit le conducteur, que le lièvre et les deux lapereaux que j'ai transportés sans le savoir. On m'a remis à Morfilier un panier rempli de fruits et de légumes; à la visite des commis, on a trouvé au fond un lièvre et deux lapereaux ; je ne puis déballer toutes mes marchandises pour vérifier la contrebande.

[ocr errors]

Pendant cette déclaration du conducteur, une personne se tient près de lui et demande à parler..

[ocr errors]

M. LE PRÉSIDENT : Qui êtes-vous, monsieur? R. Je suis de la maison de M. le comte de Choiseul, et je suis venu pour dire au tribunal que le conducteur n'est vraiment pas coupable. Il n'a pas colporté; le gibier vient de la terre de M. le comte de Choiseul, et était destiné pour lui; il ne devait pas être vendu.

M. LE PRÉSIDENT: La loi ne distingue pas; elle interdit, en temps prohibé, le transport et le colportage du gibier. Il n'est pas plus permis de faire venir du gibier de ses terres que de le vendre.- R. Je ne voulais prouver qu'une chose, c'est que le conducteur n'est pour rien dans cette affaire. C'est le jardinier du château qui a fait le panier, panier de fruits et de légumes; au fond il a placé un lièvre et deux lapereaux : il était impossible au conducteur de se douter qu'il était en contravention.

M. L'AVOCAT DU ROI : Le soin de placer le gibier au fond du panier, et de le recouvrir de fruits et de légumes, prouve jusqu'à l'évidence, de la part de l'expéditeur, l'intention du délit. Le parquet s'occupe en ce moment de la question de savoir si, dans des cas indentiques, il ne conviendra pas de poursuivre l'expéditeur en même temps que le porteur du gibier. En cet état, nous croyons devoir demander une remise à quinzaine pour faire bonne justice.

La remise a été prononcée par le tribunal.

Dans la même audience, le sieur Boileau, conducteur des voitures dites

Jumelles, a eu à répondre à un délit semblable; il a transporté dans sa voiture un chevreuil mort.

« J'ai été d'autant plus étonné de la saisie de la bête, a dit le conducteur, que deux jours auparavant j'avais transporté deux chevreuils vivants sans qu'on me dise rien. Du reste, je suis en règle autant qu'on puisse l'être. Le chevreuil mort est porté sur ma feuille; ce n'était pas moi qui le transportais; c'était mon administration, et, de plus, je ne savais pas que la loi le défendît. »

M. LE PRÉSIDENT: La loi est promulguée et personne ne peut en pretexter cause d'ignorance, les conducteurs moins que tout autre. Un conducteur a la police de sa voiture; il doit veiller à ce qu'il ne s'y commette nidésordres ni infraction aux lois, même quand son administration les tolèrerait et en profiterait.

Le conducteur Boileau a été condamné à 50 fr. d'amende, et le directeur de l'administration, solidairement avec lui, aux frais de la poursuite. (Gazette des Tribunaux.)

- On nous écrit de Salins (Jura) que pendant un violent orage qui a éclaté, le 19 juin dernier, sur la forêt du grand et du petit Jura, la foudre est tombée sur la maison forestière du brigadier Cognard et y a mis le feu. Heureusement messieurs les agents forestiers qui se trouvaient en opérations dans la forêt, prévenus de cet accident, se hâtèrent d'accourir, et secondés par les habitants du voisinage travaillèrent à éteindre l'incendie. Grâce à ces secours habilement dirigés par M. le conservateur, la maison a été préservée, à l'exception des greniers et de la toiture où le feu avait élcaté.

Le Moniteur Algérien du 20 juir est tout rempli de détails sur les plantations faites en Algérie par l'administration civile; le service des plantations de cette nature dans la province d'Alger, s'étend en ce moment à plus de 16,000 pieds d'arbres; dans les autres provinces, il y en a 7,515, appartenant au même service; il y faut ajouter 20,000 pieds d'arbres plantés par les particuliers et les trapistes, non compris les plantations faites dans les localité soumises à l'autorités militaire.

-Un homme honorable, qui a acquis par une longue expérience dans la culture et dans l'exploitation des forêts, des connaissances pratiques sur toutes les branches de l'économie forestière, offre ses services aux propriétaires de bois pour les diverses opérations où ils ont besoin de recourir à l'intervention d'un agent spécial, telles que gestion de forêts, estimations, expertises et travaux d'art. On peut s'adresser au Bureau des Annales pour obtenir des renseignements plus détaillés et être mis en relation avec la personne dont il est question.

ERRATA.

Page 416, ligne 24, une hausse dans les bois blancs; lisez baisse.
Page 418, au lieu de mélèse, ligne 13, lisez : melès (bois).

Id.

ligne 14, charpentes à 5 fr. 50 c. le décastére; lisez le décistère. Id. ligne 14, Sapin dans Paris 5 fr., hors barrière 6 fr. ; lisez : dans Paris 6 fr.,

hors barrière 5 fr.

DU DÉFRICHEMENT ET DU REBOISEMENT.

AUX CONSEILS GÉNÉRAUX.

Les représentations des conseils généraux sur l'urgence des mesures à prendre à l'occasion des défrichements et du reboisement, avaient été tellement unanimes l'an dernier, que le Gouvernement avait dû en tenir compte. Aussi, sur les pressantes interpellations qui lui furent adressées à ce sujet dans les deux chambres, n'hésita-t-il pas à s'engager à présenter un projet de loi dans la session prochaine. Cette session vient d'être close, et, non-seulement le ministre n'a pas tenu sa promesse; mais à la manière vague et embarrassée dont M. Lacave-Laplagne a répondu aux interpellations que ce retard a provoquées dernièrement dans la chambre des députés, à l'insistance qu'il a mise à relever, à exagérer, peut-être, les difficultés de ces mesures, on peut présumer qu'il ne songe point encore à s'en occuper sérieusement, du moins dans leur ensemble.

Que s'est-il donc passé depuis le moment où il en reconnaissait l'urgence et s'engageait à donner satisfaction aux vœux que l'opinion publique exprimait de tous côtés? Les causes qui motivent les dispositions législatives attendues n'existeraient-elles plus, ou se seraient-elles affaiblies? Il n'en est rien non-seulement ces causes subsistent toujours, mais le temps n'a fait qu'en manifester de plus en plus toute la gravité. Les défrichements continuent, et les désastres auxquels donne lieu le déboisement des montagnes et des pentes se renouvellent à chaque saison, et portent la dévastation et la ruine dans nos vallées les plus fertiles'. De toutes les parties de la France, de la Bretagne, de l'Auvergne, des Vosges, des Alpes et des Pyrénées, on réclame unanimement des mesures qui arrêtent le mal d'abord et qui tendent ensuite à le réparer. Les sociétés d'agriculture, les comices, les administrateurs exposent à ce sujet leurs doléances et leurs vœux, proposent des moyens et prennent même des mesures dans le cercle restreint de leurs attributions 2.

D'autre part l'importation des bois étrangers continue à augmenter

• Voyez Annales forestières, tome II, pag. 669.

Les Annales consacreront, quand le moment sera venu, un article spécial à l'analyse détaillée de nombreux mémoires et écrits auxquels cette importante question a donné lieu, et feront ressortir les vues utiles et les conseils pratiques qui peuvent s'y trouver. Elles publient dès aujourd'hui l'instruction adressée par le préfet de l'Ariége aux sous-préfets et aux maires à l'occasion des défrichements et reboisements. Voyez page 501.

AOUT 1844.

T. III. - 26

dans une proportion rapide. Celle de la houille, favorisée par l'absence des charges qui pèsent sur la propriété forestière, suit la même progression. En présence de cette double concurrence, la production indigène du bois, grevée par des impôts exagérés', par des droits d'octroi exorbitants, par des frais de transport que l'insuffisance des voies de communication et l'élévation des droits de navigation sur les canaux et les rivières3, ont portés à un taux excessif, voit restreindre et diminuer chaque jour ses débouchés, et entre dans une crise dont les symptômes frappent tous les regards attentifs 4. Déjà les hauts fourneaux qui s'alimentent au bois commencent à s'éteindre 5, la consommation des bois de charpente et de chauffage diminue notablement ; et sous l'empire de ces circonstances, il est constaté que le sol cultivé en bois, rend un revenu moindre de moitié de celui que donne, dans les mêmes conditions, un sol voisin cultivé en céréales. N'est-ce pas là une cause incessante, irrésistible de défrichement? Peut-on donc s'étonner que les défrichements se multiplient malgré la barrière que leur oppose le Code forestier? Or, cette barrière déjà impuissante tombera en 1847, par l'abrogation des dispositions temporaires actuellement en vigueur. On le voit, le temps presse d'examiner si les dispositions doivent être prorogées, ou si elles sont susceptibles de modifications.

Après les considérations que nous venons d'indiquer rapidement, il est difficile de ne pas reconnaître que sur plusieurs points et notamment en plaine, le sacrifice que l'on impose aux propriétaires de bois, n'est pas en rapport avec l'intérêt qui le commande. Les rigueurs du régime actuel peuvent donc être modifiées à leur égard. C'était au reste le but de la proposition Annisson-Duperron, proposition renouvelée plusieurs fois et toujours accueillie avec un intérêt marqué par la chambre. Mais si la loi nouvelle peut se relâcher de ses exigences pour les pays de plaine, en devra-t-il être de même pour les pays de montagnes ? Ici, il faut bien le reconnaître, le déboisement lors même qu'il servirait l'intérêt particulier, ce qui est contestable, le déboisement deviendrait une calamité publique. Nous ne voulons pas revenir aujourd'hui sur une question déjà si souvent traitée dans les Annales?. S'il est maintenant une vérité démontrée, c'est qu'au boisement de nos montagnes est attaché l'équilibre météorologique de notre climat, la fécondité de notre sol, l'existence de notre industrie métallurgique, le maintien de notre marine, et enfin la

Un magistrat de la Cour d'Amiens, dans un travail dont nous reproduirons les considérations les plus importantes dans notre livraison prochaine, M. Duval, vient d'exposer tous les inconvénients qui pèsent sur l'administration de la propriété forestière, et l'exagération des charges dont elle a été grevée dans l'opération du Cadastre. 2 Voyez Annales forestières, tome II, page 492. — 3 Idem, tome III, page 206 et suivantes. 4 Idem, tome III, page 423. 5 Idem, tome III, page 59.6 Voyez plus bas, page 534. Voyez Annales forestières.

7

« PrécédentContinuer »