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Et Valere, après tout, qui cause votre crainte,
Semble n'être à présent souffert que par contrainte.
É RASTE.

Souvent d'un faux espoir un amant est nourri ;
Le mieux reçu toujours n'est pas le plus chéri;
Et tout ce que d'ardeur font paroître les femmes
Par fois n'est qu'un beau voile à couvrir d'autres
flammes.

Valere enfin, pour être un amant rebuté,
Montre depuis un temps trop de tranquillité ;
Et ce qu'à ces faveurs dont tu crois l'apparence
Il témoigne de joie ou bien d'indifférence
M'empoisonne à tous coups leurs plus charmants ap

pas,

Me donne ce chagrin que tu ne comprends pas,
Tient mon bonheur en doute, et me rend difficile
Une entiere croyance aux propos de Lucile.

Je voudrois, pour trouver un tel destin bien doux,
Y voir entrer un peu de son transport jaloux ;
Et, sur ses déplaisirs et son impatience,

T

on ame prendroit lors une pleine assurance. Toi-même penses-tu qu'on puisse, comme il fait, Voir chérir un rival d'un esprit satisfait? Et si tu n'en crois rien, dis-moi, je t'en conjure, Si j'ai lieu de rêver dessus cette aventure.

GROS RENÉ.

Peut-être que son cœur a changé de desirs,
Connoissant qu'il poussoit d'inutiles soupirs.
É RASTE.

Lorsque par les rebuts une ame est détachée,
Elle veut fuir l'objet dont elle fut touchée,
Et ne rompt point sa chaîne avec si peu d'éclat
Qu'elle puisse rester en un paisible état :
De ce qu'on a chéri la fatale présence
Ne nous laisse jamais dedans l'indifférence;
Et, si de cette vue on n'accroît son dédain,

Notre amour est bien près de nous rentrer an sein.
Enfin, crois-moi, si bien qu'on éteigne une flamme,
Un peu de jalousie occupe encore une ame;
Et l'on ne sauroit voir, sans en être piqué,
Possédé par un autre un cœur qu'on a manqué.
GROS-REN É.

Pour moi, je ne sais point tant de philosophie;
Ce que voyent mes yeux, franchement je m'y fie,
Et ne suis point de moi si mortel ennemi,
Que je m'aille affliger sans sujet ni demi.
Pourquoi subtiliser, et faire le capable
A chercher des raisons pour être misérable?
Sur des soupçons en l'air je m'irois alarmer!
Laissons venir la fête avant que la chommer.
Le chagrin me paroît une incommode chose :
Je n'en prends point, pour moi, sans bonne et juste

cause;

Et mêmes à mes yeux cent sujets d'en avoir

S'offrent le plus souvent, que je ne veux pas voir.
Avec vous en amour je cours même fortune;
Celle que vous aurez me doit être commune :
La maîtresse ne peut abuser votre foi,

A moins que la suivante en fasse autant pour moi;
Mais j'en fuis la pensée avec un soin extrême.
Je veux croire les gens, quand on me dit, je t'aime ;
Et ne vais point chercher, pour m'estimer heureux,
Si Mascarille ou non s'arrache les cheveux.
Que tantòt Marinette endure qu'à son aise
Jodelet par plaisir la caresse et la baise,
Et que ce beau rival en rie ainsi qu'un fou;
A son exemple aussi j'en rirai tout mon soûl,
Et l'on verra qui rit avec meilleure grace.

Voilà de tes discours.

ÉRASTE.

GROS-RENÉ.

Mais je la vois qui passe.

SCENE II.

ÉRASTE, MARINETTE, GROS-RENÉ.

GROS-RENÉ.

S't, Marinette!

MARINETTE.

Ho, ho! que fais-tu là ?

GROS RENÉ.

Ma foi,

Demande; nous étions tout-à-l'heure sur toi.

MARINETTE.

Vous êtes aussi là, monsieur! Depuis une heure Vous m'avez fait trotter comme un Basque, ou je

meure.

É RASTE.

Comment ?

MARINETTE.

Pour vous chercher j'ai fait dix mille pas,

Et vous promets, ma foi...

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Au temple, au cours, chez vous, ni dans la grande

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É RASTE.

Ah! chere Marinette,

Ton discours de son cœur est-il bien l'interprete?
Ne me déguise point un mystere fatal;

Je ne t'en voudrai pas pour cela plus de mal :
Au nom des dieux, dis-moi si ta belle maîtresse
N'abuse point mes vœux d'une fausse tendresse.

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Hé, hé! d'où vous vient donc ce plaisant mouvement? Elle ne fait pas voir assez son sentiment!

Quel garant est-ce encor que votre amour demande? Que lui faut il?

GROS-RENÉ.

A moins que Valere se pende,

Bagatelle; son cœur ne s'assurera point.

Comment?

MARINETTE.

GROS-RENÉ.

Il est jaloux jusques en un tel point.

MARINETTE.

De Valere? Ah! vraiment la pensée est bien belle !
Elle peut seulement naître en votre cervelle.
Je vous croyois du sens, et jusqu'à ce moment
J'avois de votre esprit quelque bon sentiment;
Mais, à ce que je vois, je m'étois fort trompée.
Ta tête de ce mal est-elle aussi frappée ?

GROS-RENÉ.

Moi, jaloux! Dieu m'en garde, et d'être assez badin
Pour m'aller amaigrir avec un tel chagrin!
Outre que de ton cœur ta foi me cautionne,
L'opinion que j'ai de moi-même est trop bonne
Pour croire auprès de moi que quelque autre te plût.
Où diantre pourrois-tu trouver qui me valût?

MARINETTE.

En effet, tu dis bien; voilà comme il faut être. Jamais de ces soupçons qu'un jaloux fait paroître :.

Tout le fruit qu'on en cueille est de se mettre mal,
Et d'avancer par-là les desseins d'un rival.

An mérite souvent de qui l'éclat vous blesse
Vos chagrins font ouvrir les yeux d'une maîtresse ;
Et j'en sais tel qui doit son destin le plus doux
Aux soins trop inquiets de son rival jaloux.
Enfin, quoi qu'il en soit, témoigner de l'ombrage,
C'est jouer en amour un mauvais personnage,
Et se rendre, après tout, misérable à crédit.
Cela, seigneur Eraste, en passant vous soit dit.
ÉRASTE.

Hé bien, n'en parlons plus. Que venois-tu m'apprendre?

MARINETTE.

Vous mériteriez bien que l'on vous fit attendre,
Qu'afin de vous punir je vous tinsse caché
Le grand secret pourquoi je vous ai tant cherché.
Tenez, voyez ce mot, et sortez hors de doute.
Lisez-le donc tout haut, personne ici n'écoute.
ERASTE lit.

« Vous m'avez dit que votre amour
<< Etoit capable de tout faire ;

<< Il se couronnera lui-même dans ce jour,

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S'il peut avoir l'aveu d'un pere.

« Faites parler les droits qu'on a dessus mon cœur, << Je vous en donne la licence;

Et, si c'est en votre faveur,

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« Je vous réponds de mon obéissance. Ah quel bonheur ! O toi, qui me l'as apporté, Je te dois regarder comme une déité!

GROS-RENÉ.

Je vous le disois bien : contre votre croyance,
Je ne me trompe guere aux choses que je pense.
ÉRASTE relit.

<< Faites parler les droits qu'on a dessus mon cœur, Je vous en donne la licence;

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