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Et paya pour un autre avec beaucoup d'usure.
Enfin, ma chere, enfin, l'amour que j'eus pour lui
Se voulut expliquer, mais sous le nom d'autrui.
Dans ma bouche, une nuit, cet amant trop aimable
Crut rencontrer Lucile à ses vœux favorable;
Et je sus ménager si bien cet entretien,
Que du déguisement il ne reconnut rien.
Sous ce voile trompeur, qui flattoit sa pensée,
Je lui dis que pour lui mon ame étoit blessée,
Mais que, voyant mon pere en d'autres sentiments,
Je devois une feinte à ses commandements;
Qu'ainsi de notre amour nous ferions un mystere,
Dont la nuit seulement seroit dépositaire;
Et qu'entre nous, de jour, de peur de rien gåter,
Tout entretien secret se devoit éviter;

Qu'il me verroit alors la même indifférence
Qu'avant que nous eussions aucune intelligence;
Et
que
de son côté, de même que du mien,
Geste, parole, écrit, ne m'en dît jamais rien.
Enfin, sans m'arrêter sur toute l'industrie
Dont j'ai conduit le fil de cette tromperie,
J'ai poussé jusqu'au bout un projet si hardi,
Et me suis assuré l'époux que je vous di.

FROSINE.

Ho, ho! les grands talents que votre esprit possede!
Diroit-on qu'elle y touche avec sa mine froide ?"
Cependant vous avez été bien vîte ici;

Car, je veux que la chose ait d'abord réussi,
Ne jugez-vous pas bien, à regarder l'issue,
Qu'elle ne peut long-temps éviter d'être sue?

ASCAGNE.

Quand l'amour est bien fort, rien ne peut l'arrêter:
Ses projets seulement vont à se contenter;
Et, pourvu qu'il arrive au but qu'il se propose,
Il croit que tout le reste après est peu de chose.

Mais enfin aujourd'hui je me découvre à vous,
Afin que vos conseils.... Mais voici cet époux.

SCENE II.

VALERE, ASCAGNE, FROSINE.

VALERE.

Si vous êtes tous deux en quelque conférence
Où je vous fasse tort de mêler ma présence,
Je me retirerai.

ASCAGNE.

Non, non; vous pouvez bien, Puisque vous le faisiez, rompre notre entretien.

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Auroit, si j'étois fille, un peu trop su me plaire;
Et que, si je faisois tous les vœux de son cœur,
Je ne tarderois guere à faire son bonheur.

VALERE.

Ces protestations ne coûtent pas grand'chose,
Alors qu'à leur effet un pareil si s'oppose:
Mais vous seriez bien pris si quelque évènement
Alloit mettre à l'épreuve un si doux compliment.

ASCAGNE.

Point du tout: je vous dis que, régnant dans votre ame, Je voudrois de bon cœur couronner votre flamme.

VALERE.

Et si c'étoit quelqu'une où par votre secours

Vous pussiez être utile au bonheur de mes jours?

ASCAGNE.

Je pourrois assez mal répondre à votre attente.

VALERE.

Cette confession n'est pas fort obligeante.

ASCAGNE.

Hé quoi! vous voudriez, Valere, injustement Qu'étant fille, et mon cœur vous aimant tendrement, Je m'allasse engager avec une promesse

De servir vos ardeurs pour quelque autre maîtresse? Un si pénible effort pour moi m'est interdit.

Mais cela n'étant pas ?

VALERE.

ASCAGNE.

Ce que je vous ai dit,
Je l'ai dit comme fille, et vous le devez prendre
Tout de même.

VALERE.

Ainsi donc il ne faut rien prétendre, Ascagne, à des bontés que vous auriez pour nous, A moins que le ciel fasse un grand miracle en vous; Bref, si vous n'êtes fille, adieu votre tendresse, Il ne vous reste rien qui pour nous s'intéresse.

ASCAGNE.

J'ai l'esprit délicat plus qu'on ne peut penser,
Et le moindre scrupule a de quoi m'offenser
Quand il s'agit d'aimer. Enfin je suis sincere,
Je ne m'engage point à vous servir, Valere,
Si vous ne m'assurez, au moins, absolument
Que vous avez pour moi le même sentiment;
Que pareille chaleur d'amitié vous transporte;
Et que, si j'étois fille, une flamme plus forte
N'outrageroit point celle où je vivrois pour vous.

VALERE.

Je n'avois jamais vu ce scrupule jaloux;
Mais, tout nouveau qu'il est, ce mouvement m'oblige,

Et je vous fais ici tout l'aveu qu'il exige.

ASCAGNE.

Mais sans fard?

VALERE.

Oui, sans fard.

ASCAGNE.

S'il est vrai, désormais

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Vos intérêts seront les miens, je vous promets.

VALERE.

J'ai bientôt à vous dire un important mystere,
Où l'effet de ces mots me sera nécessaire.

ASCAGNE.

Et j'ai quelque secret de même à vous ouvrir,
Où votre cœur pour moi se pourra découvrir.

VALERE.

Hé! de quelle façon cela pourroit-il être ?

ASCAGNE.

C'est que j'ai de l'amour qui n'oseroit paroître,
Et vous pourriez avoir sur l'objet de mes vœux
Un empire à pouvoir rendre mon sort heureux.

VALERE.

Expliquez-vous, Ascagne, et croyez par avance
Que votre heur est certain, s'il est en ma puissance.

ASCAGNE.

Vous promettez ici plus que vous ne croyez.

VALERE.

Non, non: dites l'objet pour qui vous m'employez.

ASCAGNE.

Il n'est pas encor temps; mais c'est une personne
Qui vous touche de près.

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VALERE.

Et pourquoi?

ASCAGNE.

Pour raison:

Vous saurez mon secret quand je saurai le vôtre.

VALERE.

J'ai besoin pour cela de l'aveu de quelque autre.

ASCAGNE.

Ayez-le donc; et lors, nous expliquant nos vœux, Nous verrons qui tiendra mieux parole des deux.

VALERE.

Adieu, j'en suis content.

ASCAGNE.

Et moi content, Valere.

(Valere sort. )

FROSINE.

Il croit trouver en vous l'assistance d'un frere.

SCENE III.

LUCILE, ASCAGNE, FROSINE, MARINETTE.

LUCILE, à Marinette les trois premiers vers.
C'en est fait; c'est ainsi que je puis me venger;
Et si cette action a de quoi l'affliger,

C'est toute la douceur que mon cœur s'y propose.
Mon frere, vous voyez une métamorphose:
Je veux chérir Valere après tant de fierté,
Et mes vœux maintenant tournent de son côté.

ASCAGNE.

Que dites-vous, ma sœur? Comment! courir au

change!

Cette inégalité me semble trop étrange.

LUCILE.

La vôtre me surprend avec plus de sujet.
De vos soins autrefois Valere étoit l'objet ;

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