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MASCARILLE.

Ne trouvez-vous pas la pensée bien exprimée dans le chant? Au voleur! au voleur! au voleur! Et puis comme si l'on crioit bien fort, au, au, au, au, au voleur! Et tout d'un coup, comme une personne essoufflée, au voleur!

MADELON.

C'est là savoir le fin des choses, le grand fin, le fin du fin. Tout est merveilleux, je vous assure; je suis enthousiasmée de l'air et des paroles.

CATHOS.

Je n'ai encore rien vu de cette force-là.

MASCARILLE.

Tout ce que je fais me vient naturellement; c'est sans étude.

MADELON.

La nature vous a traité en vraie mere passionnée, et vous en êtes l'enfant gâté.

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Nous avons été jusqu'ici dans un jeûne effroyable de divertissements.

MASCARILLE.

Je m'offre à vous mener l'un de ces jours à la comédie, si vous voulez; aussi-bien on en doit jouer une nouvelle que je serai bien aise que nous voyions ensemble.

MADELON.

Cela n'est pas de refus.

MASCARILLE.

Mais je vous demande d'applaudir comme il faut quand nous serons là; car je me suis engagé de faire valoir la piece, et l'auteur m'en est venu prier encore

ce matin. C'est la coutume ici qu'à nous autres gens de condition les auteurs viennent lire leurs pieces nouvelles pour nous engager à les trouver belles et leur donner de la réputation ; et je vous laisse à penser si, quand nous disons quelque chose, le parterre ose nous contredire. Pour moi j'y suis fort exact; et quand j'ai promis à quelque poëte, je crie toujours, Voilà qui est beau! devant que les chandelles soient allumées.

MADELON.

Ne m'en parlez point, c'est un admirable lieu que Paris; il s'y passe cent choses tous les jours qu'on ignore dans les provinces, quelque spirituelle qu'on puisse être.

CATHOS.

C'est assez; puisque nous sommes instruites, nous ferons notre devoir de nous écrier comme il faut sur tout ce qu'on dira.

MASCARILLE.

Je ne sais si je me trompe; mais vous avez toute la mine d'avoir fait quelque comédie.

MADELON.

Hé! il pourroit être quelque chose de ce que vous dites.

MASCARILLE.

Ah! ma foi, il faudra que nous la voyions. Entre nous, j'en ai composé une que je veux faire repré

senter.

CATHOS.

Hé! à quels comédiens la donnerez-vous ?

MASCARILLE.

Belle demande! Aux comédiens de l'hôtel de Bourgogne; il n'y a qu'eux qui soient capables de faire valoir les choses: les autres sont des ignorants qui récitent comme l'on parle; ils ne savent pas faire ronfler les vers et s'arrêter au bel endroit. Et le moyen de connoître où est le beau vers, si le comédien ne s'y arrête, et ne vous avertit par-là qu'il faut faire le brouhaha?

CATHOS.

En effet, il y a maniere de faire sentir aux auditeurs les beautés d'un ouvrage; et les choses ne valent que ce qu'on les fait valoir.

MASCARILLE.

Que vous semble de ma petite oie? La trouvez-vous congruente à l'habit?

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Je puis me vanter au moins qu'ils ont un grand quartier plus que tous ceux qu'on fait.

MADELON.

Il faut avouer que je n'ai jamais vu porter si haut l'élégance de l'ajustement.

MASCARILLE.

Attachez un peu sur ces gants la réflexion de votre odorat.

MADELON.

Ils sentent terriblement bon.

CATHOS.

Je n'ai jamais respiré une odeur mieux conditionnée.

MASCARILLE.

Et celle-là? (Il donne à sentir les cheveux poudrés de sa perruque.)

MADELON.

Elle est tout-à-fait de qualité; le sublime en est

touché délicieusement.

MASCARILLE.

Vous ne me dites rien de mes plumes! Comment les trouvez-vous?

CATHOS.

Effroyablement belles.

MASCARILLE.

Savez-vous que le brin me coûte un louis d'or? Pour moi j'ai cette manie de vouloir donner généralement sur tout ce qu'il y a de plus beau.

MADELON.

Je vous assure que nous sympathisons vous et moi. J'ai une délicatesse furieuse pour tout ce que je porte; et, jusqu'à mes chaussettes, je ne puis rien souffrir qui ne soit de la bonne faiseuse.

MASCARILLE, S'écriant brusquement.

Ahi! ahi! ahi! doucement. Dieu me damne, mèsdames! c'est fort mal en user; j'ai à me plaindre de votre procédé: cela n'est pas honnête.

CATHOS.

Qu'est-ce donc ? qu'avez-vous?

MASCARILLE.

Quoi! toutes deux contre mon cœur en même temps? M'attaquer à droite et à gauche? Ah! c'est contre le droit des gens ; la partie n'est pas égale, et je m'en vais crier au meurtre.

CATHOS.

Il faut avouer qu'il dit les choses d'une maniere particuliere.

MADELON.

Il a un tour admirable dans l'esprit.

CATHOS.

Vous avez plus de peur que de mal, et votre cœur crie avant qu'on l'écorche.

MASCARILLE.

Comment diable! il est écorché depuis la tête jus

qu'aux pieds.

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Il y a quelque temps que nous ne nous sommes vus, et je suis ravi de cette aventure.

Le voici.

CATHOS.

SCENE XII.

CATHOS, MADELON, MASCARILLE, JODELET, MAROTTE, ALMANZOR.

Ah! vicomte!

MASCARILLE.

JODELET. (Ils s'embrassent l'un l'autre.) Ah! marquis!

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