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Et que peut-être encor je n'en ferai que rire ?

Gage qu'il se dédit.

LÉANDRE.

Et moi, gage que non.
LÉLIE.

Parbleu! je le ferois mourir sous le bâton,
S'il m'avoit soutenu des faussetés pareilles.
LÉANDRE.

Moi, je lui couperois sur-le-champ les oreilles,
S'il n'étoit pas garant de tout ce qu'il m'a dit.

SCENE IV.

LÉLIE, LEANDRE, MASCARILLE.

LÉLIE.

Ah! bon, bon, le voilà! Venez çà, chien maudit.

MASCARILLE..

Quoi ?

LELIE...

Langue de serpent fertile en impostures,
Vous osez sur Célie attacher vos morsures,
Et lui calomnier la plus rare vertu

Qui puisse faire éclat sous un sort abattu?
MASCARILLE, bas à Lélie.

Doucement; ce discours est de mon industrie.
LÉLIE.

Non, non, point de clin d'oeil et point de raillerie:
Je suis aveugle à tout, sourd à quoi que ce soit;
Fût-ce mon propre frere, il me la payeroit;
Et sur ce que j'adore oser porter le blâme,
C'est me faire une plaie au pius tendre de l'ame.
Tous ces signes sont vains. Quels discours as-tu faits?

MASCARILLE.

Mon dieu! ne cherchons point querelle, ou je m'en

vais.

LÉLIE.

Tu n'échapperas pas.

MASCARILLE.

Aie!

LÉLIE.

Parle donc, confesse.

MASCARILLE, bas à Lélie.

Laissez-moi; je vous dis que c'est un tour d'adresse.

LÉLIE.

Dépêche, qu'as-tu dit? vide entre nous ce point.
MASCARILLE, bas à Lélie.

J'ai dit ce que j'ai dit: ne vous emportez point.
LÉLIE, mettant l'épée à la main.

Ah! je vous ferai bien parler d'une autre sorte.
LÉANDRE, l'arrétant.

Alte un peu; retenez l'ardeur qui vous emporte.
MASCARILLE, à part.

Fut-il jamais au monde un esprit moins sensé ?

LÉLIE.

Laissez-moi contenter mon courage offensé.
LÉANDRE.

C'est trop que de vouloir le battre en ma présence.
LÉLIE.

Quoi! châtier mes gens n'est pas en ma puissance?

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MASCARILLE, à part.

Encore! Il va tout découvrir.

LÉLIE.

Quand j'aurois volonté de le battre à mourir,

Hé bien! c'est mon valet.

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Le trait est admirable! Et comment donc le vôtre?

Sans doute.

LÉANDRE..

MASCARILLE, bas à Lélie.
Doucement.

LÉLIE.

Hem, que veux-tu conter?

MASCARILLE, à part.

Ah! le double bourreau, qui me va tout gâter,
Et qui ne comprend rien, quelque signe qu'on donne!
LÉLIE.

Vous rêvez bien, Léandre, et me la baillez bonne.
Il n'est pas mon valet?

LÉANDRE.

Pour quelque mal commis,

Hors de votre service il n'a pas été mis?

Je ne sais ce que c'est.

LÉ LIE.

LÉANDRE.

Et, plein de violence,

Vous n'avez pas chargé son dos avec outrance?

LÉLIE.

Point du tout. Moi, l'avoir chassé, roué de coups? Vous vous moquez de moi, Léandre, ou lui de vous. MASCARILLE, à part.

Pousse, pousse, bourreau; tu fais bien tes affaires. LÉANDRE, à Mascarille.

Donc les coups de bâton ne sont qu'imaginaires!

MASCARILLE.

Il ne sait ce qu'il dit; sa mémoire..

LEANDRE.

Non, non,

Tous ces signes pour toi ne disent rien de bon.
Oui, d'un tour délicat mon esprit te soupçonne;
Mais pour l'invention, va, je te le pardonne.
C'est bien assez pour moi qu'il m'ait désabusé,
De voir par quels motifs tu m'avois imposé,

Et que,

m'étant commis à ton zele hypocrite,

A si bon compte encor je m'en sois trouvé quitte.
Ceci doit s'appeler un avis au lecteur.
Adieu, Lélie, adieu; très humble serviteur.

SCENE V.

LÉLIE, MASCARILLE.

MASCARILLE.

Courage, mon garçon ! tout heur nous accompagne; Mettons flamberge au vent, et bravoure en campagne; Faisons l'Olibrius, l'occiseur d'innocents.

LÉLIE.

Il t'avoit accusé de discours médisants

Contre.....

MASCARILLE.

Et vous ne pouviez souffrir mon artifice, Lui laisser son erreur qui vous rendoit service, Et par qui son amour s'en étoit presque allé? Non, il a l'esprit franc et point dissimulé. Enfin chez son rival je m'ancre avec adresse, Cette fourbe en mes mains va mettre sa maîtresse : Il me la fait manquer. Avec de faux rapports Je veux de son rival ralentir les transports: Mon brave incontinent vient, qui le désabuse. J'ai beau lui faire signe, et montrer que c'est ruse: Point d'affaire; il poursuit sa pointe jusqu'au bout, Et n'est point satisfait qu'il n'ait découvert tout. Grand et sublime effort d'une imaginative Qui ne le cede point à personne qui vive! C'est une rare piece, et digne, sur ma foi, Qu'on en fasse présent au cabinet d'un roi.

LÉLIE.

Je ne m'étonne pas si je romps tes attentes;
A moins d'être informé des choses que tu tentes,
J'en ferois encor cent de la sorte.

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Au moins, pour t'emporter à de justes dépits,
Fais-moi dans tes desseins entrer de quelque chose.
Mais que de leurs ressorts la porte me soit close,
C'est ce qui fait toujours que je suis pris sans verd.

MASCARILLE.

Ah! voilà tout le mal. C'est cela qui nous perd.
Ma foi, mon cher patron, je vous le dis encore,
Vous ne serez jamais qu'une pauvre pécore.

LÉLIE.

Puisque la chose est faite, il n'y faut plus penser.
Mon rival, en tout cas, ne peut me traverser;
Et pourvu que tes soins, en qui je me repose....

MASCARILLE.

Laissons là ce discours, et parlons d'autre chose.
Je ne m'appaise pas, non, si facilement ;
Je suis trop en colere. Il faut premièrement
Me rendre un bon office; et nous verrons ensuite
Si je dois de vos feux reprendre la conduite.
LÉLIE.

S'il ne tient qu'à cela, je n'y résiste pas.

As-tu besoin, dis-moi, de mon sang, de mon bras?

MASCARILLE.

De quelle vision sa cervelle est frappée.
Vous êtes de l'humeur de ces amis d'épée
Que l'on trouve toujours plus prompts à dégaîner
Qu'à tirer un teston, s'il falloit le donner.

LÉLIE.

Que puis-je donc pour toi ?

MASCARILLE.

C'est que de votre pere

Il faut absolument appaiser la colere.

LÉLIE.

Nous avons fait la paix.

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