Images de page
PDF
ePub

1 LÉLIE.

Las! si de ton secours ta colere me prive,
A quel saint me vouerai-je ?

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Ah! si ton cœur pour moi n'est de bronze ou de fer, Qu'encore un coup du moins mon imprudence aitgrace!

S'il faut, pour l'obtenir, que tes genoux j'embrasse, Vois-moi....~*

MASCARILLE.

Tarare! Allons, camarades, allons; J'entends venir des gens qui sont sur nos talons.

[merged small][ocr errors]

LÉANDRE et sa suite, masqués;
TRUFALDIN, à sa fenêtre.

1

LÉANDRE.

Sans bruit; ne faisons rien que de la bonne sorte.

TRUFALDIN.

Quoi! masques toute nuit assiégeront ma porte!
Messieurs, ne gagnez point de rhumés à plaisir
Tout cerveau qui le fait est, certes, de loisir.
Il est un peu trop tard pour enlever Célie;
Dispensez-l'en ce soir, elle vous en supplie:
La belle est dans le lit, et ne peut vous parler.
J'en suis fâché pour vous: mais, pour vous régaler
Du souci qui pour elle ici vous inquiete,"
Elle vous fait présent de cette cassolette:

LÉANDRE.

Fi! cela sent mauvais, et je suis tout gâté.
Nous sommes découverts; tirons de ce côté.

FIN DU TROISIEME ACTE.

[blocks in formation]

Tu ranimes par-là mon espérance morte.
MASCARILLE.

Toujours de ma colere on me voit revenir;
J'ai beau jurer, pester, je ne m'en puis tenir.
SCLÉLIE.

Aussi crois, si jamais je suis dans la puissance,
Que tu seras content de ma reconnoissance,
Et que, quand je n'aurois qu'un seul morceau de pain...

MASCARILLE.

Baste; songez à vous dans ce nouveau dessein.
Au moins, si l'on vous voit commettre une sottise,'
Vous n'imputerez plus l'erreur à la surprise;
Votre rôle en ce jeu par cœur doit être su. ***

[ocr errors]

LÉLIE.

Mais comment Trufaldin chez lui t'a-t-il reçu ?

* A MASCARILLE.

D'un zele simulé j'ai bridé le bon sire;
Avec empressement je suis venu lui dire,
S'il ne songeoit à lui, que l'on le surprendroit;
Que l'on couchoit en joue, et de plus d'un endroit,
Celle dont il a vu qu'une lettre en avance

Avoit si faussement divulgué la naissance;
Qu'on avoit bien voulu m'y mêler quelque peu,
Mais que j'avois tiré mon épingle du jeu ;'

Et

que, touché d'ardeur pour ce qui le regarde,

Je venois l'avertir de se donner de garde.
De là, moralisant, j'ai fait de grands discours
Sur les fourbes qu'on voit ici bas tous les jours;
Que pour moi, las du monde et de sa vie infâme,
Je voulois travailler au salut de mon ame,
A m'éloigner du trouble, et pouvoir longuement
Près de quelque honnête homme être paisiblement;
Que, s'il le trouvoit bon, je n'aurois d'autre envie
Que de passer chez lui le reste de ma vie ;
Et que même à tel point il m'avoit su ravir,
Que, sans lui demander gages pour le servir,
Je mettrois en ses mains, que je tenois certaines,
Quelque bien de mon pere, et le fruit de mes peines,
Dont, avenant que Dieu de ce monde m'ôtât,
J'entendois tout de bon que lui seul héritât.
C'étoit le vrai moyen d'acquérir sa tendresse.
Et comme, pour résoudre avec votre maîtresse
Des biais qu'on doit prendre à terminer vos vœux,
Je voulois en secret vous aboucher tous deux,
Lui-même a su m'ouvrir une voie assez belle
De pouvoir hautement vous loger avec elle,
Venant m'entretenir d'un fils privé du jour,
Dont cette nuit en songe il a vu le retour :
A ce propos, voici l'histoire qu'il m'a dite,
Et sur quoi j'ai tantôt notre fourbe construite.
LÉLIE.

C'est assez, je sais tout; tu me l'as dit deux fois.

MASCARILLE.

Oui, oui; mais quand j'aurois passé jusques à trois,
Peut-être encor qu'avec toute sa suffisance
Votre esprit manquera dans quelque circonstance.
LÉLIE.

Mais à tant différer je me fais de l'effort.

MASCARILLE.

Ah! de peur de tomber, ne courons pas si fort:
Voyez-vous? vous avez la caboche un peu dure.

[ocr errors]

Rendez-vous affermi dessus cette aventure.
Autrefois Trufaldin de Naples est sorti,
Et s'appeloit alors Zanobio Ruberti.

Un parti qui causa quelque émeute civile,
Dont il fut seulement soupçonné dans sa ville
(De fait, il n'est pas homme à troubler un état),
L'obligea d'en sortir une nuit sans éclat.
Une fille fort jeune et sa femme laissées
A quelque temps de là se trouvant trépassées,
Il en eut la nouvelle; et, dans ce grand ennui,
Voulant dans quelque ville emmener avec lui,
Outre ses biens, l'espoir qui restoit de sa race,
Un sien fils écolier, qui se nommoit Horace,
Il écrit à Bologne, où, pour mieux être instruit,
Un certain maître Albert jeune l'avoit conduit.
Mais pour se joindre tous le rendez-vous qu'il donne
Durant deux ans entiers ne lui fit voir personne :
Si bien que, les jugeant morts après ce temps-là,
Il vint en cette ville, et prit le nom qu'il a,
Sans que de cet Albert ni de ce fils Horace
Douze ans aient découvert jamais la moindre trace.
Voilà l'histoire en gros, redité seulement
Afin de vous servir ici de fondement.

Maintenant vous serez un marchand d'Arménie,
Qui les aurez vus sains l'un et l'autre en Turquie.
Si j'ai plutôt qu'aucun un tel moyen trouvé
Pour les ressusciter sur ce qu'il a rêvé,

C'est qu'en fait d'aventure il est très ordinaire

De voir gens pris sur mer par quelque Turc corsaire,
Puis être à leur famille à point nommé rendus
Après quinze ou vingt ans qu'on les a crus perdus.
Pour moi, j'ai vu déja cent contes de la sorte.
Sans nous alambiquer, servons-nous-en; qu'importe?
Vous leur aurez oui leur disgrace conter,

Et leur aurez fourni de quoi se racheter;
Mais que, parti plutôt pour chose nécessaire,

Horace vous chargea de voir ici son pere,
Dont il a su le sort, et chez qui vous devez
Attendre quelques jours qu'ils y soient arrivés.
Je vous ai fait tantôt des leçons étendues.
LÉLIE.

Ces répétitions ne sont que superflues;
Dès l'abord mon esprit a compris tout le fait.

MASCARILLE.

Je m'en vais là-dedans donner le premier trait.
LÉLIE.

Ecoute, Mascarille; un seul point me chagrine.
S'il alloit de son fils me demander la mine?

MASCARILLE.

Belle difficulté ! Devez-vous pas savoir

Qu'il étoit fort petit alors qu'il l'a pu
voir?
Et puis, outre cela, le temps et l'esclavage
Pourroient-ils pas avoir changé tout son visage?

LÉLIE.

Il est vrai. Mais, dis-moi, s'il connoit qu'il m'a vu, Que faire ?

MASCARILLE.

De mémoire êtes-vous dépourvu?

Nous avons dit tantôt qu'outre que votre image
N'avoit dans son esprit pu faire qu'un passage,
Pour ne vous avoir vu que durant un moment,
Et le poil et l'habit déguisent grandement.

LÉLIE.

Fort bien. Mais, à propos, cet endroit de Turquie?

MASCARILLE.

Tout, vous dis-je, est égal, Turquie ou Barbarie. LÉLIE.

Mais le nom de la ville où j'aurai pu les voir?

MASCARILLE.

Tunis. Il me tiendra, je crois, jusques au soir.
La répétition, dit-il, est inutile,

Et j'ai déja nommé douze fois cette ville.

« PrécédentContinuer »