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mais ce point n'est pas assez prouvé (1). Comme il paraît cependant avoir préché, on ne peut guère douter qu'il n'ait été diacre.

Il n'y avait pas encore long-temps qu'il était chrétien , lorsqu'il écrivit son Oraison ou discours aux Grecs (2). Il se proposa dans cet ouvrage de convaincre les païens de la légitimité des raisons qui lui avaient fait embrasser le christianisme. Après avoir développé l'impiété et l'extravagance des idolâtres , qui attribuaient à leurs divinités les crimes les plus honteux, il se montre pénétré d'admiration et de respect pour la sainteté de la doctrine chrétienne , ainsi que pour l’auguste majesté de nos Écritures, qui mettent un frein aux passions , et qui fixent les inquiétudes de l'esprit humain , en l'établissant dans une tranquillité inaltérable.

Le second ouvrage que publia saint Justin , et qui fut écrit à Rome, porte le titre de Parenèse ou d'Exhortation aux Grecs. L'auteur y répand les fleurs de l'éloquence, ce qu'il n'a pas fait même dans ses apologies. On y trouve la réfutation des erreurs de l'idolâtrie , avec les preuves de la vanité des philosophes païens. L'auteur reproche à Platon d'avoir essayé d'établir le polythéisme , dans une harangue qu'il prononça en présence des Athéniens , de peur qu'on ne lui ôtât la vie comme à Socrate : ce qui montrait de sa part une grande faiblesse, et sur-tout beaucoup de mauvaise foi , puisqu'il est prouvé par ses écrits qu'il n'admettait qu'un Dieu. Il cite divers passages d'anciens auteurs, qui tous ne connaissaient qu'une seule Di

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(1) Ceillier a inféré du silence des anciens sur cet article, que le Saint avait toujours été laïque.

(2) Op. p. 1.

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vinité (1). En composant son livre de la Monarchie (2), il se proposa d'établir l'unité de Dieu par des autorités et des raisons tirées des philosophes païens.

On ne peut douter que saint Justin ne soit aussi l'auteur de l'Épitre à Diognete (3). Ce Diognete, homme de grande considération , était fort versé dans la philosophie. Il avait été le précepteur de Marc-Aurèle , qui eut toujours pour lui autant d'estime que de confiance (4). Frappé de la conduite des chrétiens, il désirait connaître ce qui les portait à mépriser le monde et la mort avec toutes ses

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ni par

(1) Ces passages sont d'Orphée, d'Homère, de Sophocle, de Pythagore , de Platon, de Mercure, d'Acmon, ou plutôt Ammon.

(2) P. 36, edit. Ben.

(3) Cette épître est attribuée à saint Justin dans tous les anciens manuscrits, et l'on ne peut la lui contester, selon Cave , Ceillier , Maran, etc. Le style en est plus fleuri et plus élégant que celui des autres ouvrages du saint docteur; mais on aurait tort d’en inférer qu'il n'en est point l'auteur, comme l'ont montré les critiques que nous venons de citer. A la vérité, cette épître n'est citée ni par Eusébe, saint Jérôme. Ils ne citent point non plus les ouvrages d'Athénagore : en conclura-t-on pour cela qu'ils sont supposés ? L'art de l'imprimerie n'ayant été inventé que fort tard, est-il étonnant qu'il leur soit échappé quelques écrits ? Tillemont prétend que l'auteur de l'épître dont il s'agit est plus ancien que saint Justin, parce qu'il se qualifie disciple des apótres : mais cette raison ne prouve absolument rien. Saint Justin pouvait prendre le même titre, lui qui était contemporain de saint Polycarpe et d'autres saints personnages qui avaient vu quelques-uns des apôtres.

Stolberg aussi paraît être de l'opinion de Tillemont, et veut même le placer avant l'année 70, parce qu'il parle du culte des juifs, comme d'un culte encore existant. Mais une phrase qui n'est peut-être qu'une tournure oratoire ne prouve pas grande chose quand il y a de l'autre côté des argumens plus concluans.

Note augm. d'après l'allem. (4) D. Le Nourry, Appar. in Bibl. Patr. t. I, p. 445, dit que

Diognète était juif; mais il est visible qu'il se trompe, puisque Diognète est appelé adoráteur des dieux , dans la lettre qui lui est adressée par saint Justin.

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ceur,

horreurs ; et d'où leur venait cette charité mutuelle, inconnue aux autres hommes, charité si puissante, qu'elle paraissait les rendre insensibles aux plus cruels traitemens? Saint Justin se chargea de lui donner les éclaircissemens qu'il demandait. Après avoir démontré la folie du paganisme et l'imperfection de la loi judaïque, il peint les vertus pratiquées par les chrétiens, et sur-tout leur humilité, leur dou

leur amour pour ceux qui les haïssaient injustement, etc. Il ajoute que les tortures ne servaient qu'à augmenter le nombre , et à perfectionner la sainteté des fidèles ; vient ensuite une explication claire et précise de la divinité de Jésus-Christ (1), fils de Dieu, et créateur de toutes choses. Le saint docteur prouve l'insuffisance de la raison, en montrant qu'elle ne peut toute seule nous conduire à la connaissance d'un Dieu qui a envoyé son fils pour nous enseigner ses adorables volontés , et pour payer le prix de notre rédemption , dans le temps que nous ne méritions que des supplices. Il développe ce mystère en faisant voir que le Saint a souffert pour les pécheurs, et la personne offensée, pour ceux dont elle avait reçu des outrages. Etant, dit-il, dans l'impossibilité d'expier nos crimes par nos propres forces, nous nous trouvons à couvert sous les ailes de la justice elle-même, et nous sommes affranchis de l'esclavage du péché. Il relève la bonté infinie de Dieu pour l'homme , laquelle éclate en ce que non content de nous avoir donné l'être , il a créé le monde pour notre usage, nous a soumis toutes choses, et nous a donné son fils unique, avec la promesse de nous faire régner avec lui si nous l'aimons. « Présentement » que vous le connaissez , dit-il à Diognète, de quelle

joie ne devez-vous pas être comblé ? Quels transports » d'amour ne devez-vous pas éprouver pour celui qui vous

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(1) N. 7, p. 237.

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» a aimé le premier ? et quand vous l'aimerez, vous sei rez l'imitateur de sa bonté. On est véritablement l'imi» tateur de Dieu , lorsqu'on supporte les fardeaux des au-» tres, qu'on assiste le prochain, qu'on se place par humilité » au-dessous de ses inférieurs, qu'on partage avec les » pauvres les biens qu'on a reçus du ciel. Vous comprenv drez alors que Dieu gouverne cet univers; vous connaî» trez, ses mystères; vous aimerez et admirerez ceux qui » souffrent pour lui ; vous condamnerez l'imposture du » monde ; vous mépriserez la mort du corps, et ne craindrez que

la mort éternelle de l'ame , avec ce feu qui » ne s'étiendra jamais. Quand vous saurez ce que c'est » que ce feu, vous envierez le bonheur de ceux qui souf» frent les flammes pour la justice. Je ne parle point des » choses par rapport auxquelles je sois étranger; ayant » été disciple des apôtres, je suis établi pour enseigner » les nations, etc. »

Saint Justin demeura long-temps à Rome auprès des bains de Timothée sur le Mont-Viminal. Il s'appliquait à instruire ceux qui venaient à sa maison pour le consulter ou pour vaquer aux exercices du christianisme. Evelpiste , qui souffrit depuis avec lui , avoua dans son interrogatoire qu'il avait écouté avec plaisir les discours de Justin. Le juge connut avec quel zèle le Saint instruisait , lorsqu'il demanda en quel lieu il assemblait ses disciples.

Justin ne se contenta pas de travailler à la conversion des juifs et des gentils , il prenait encore la plume pour défendre la foi contre les attaques de l'hérésie. Il combattit Marcion par des écrits que saint Jérôme appelle excellens , mais que nous n'avons plus ; ils sont perdus, ainsi que plusieurs autres ouvrages auxquels les anciens donnent de grands éloges.

Le Saint quitta Rome , après avoir composé sa première apologie. On croit qu'il exerça plusieurs années les fonctions d'évangéliste dans différentes contrées.

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Étant à Ephèse, sous le règne d'Antonin-le-Pieux, le hasard lui fit rencontrer Tryphon dans les galeries de Xyste où il se promenait. Ce Tryphon, habile philosophé, est appelé par Eusébe le plus fameux juif de son temps ; Justin eut avec lui une dispute réglée qui dura deux jours entiers. Les conférences se tinrent en présence de plusieurs personnes. Le Saint les mit depuis par écrit , et les publia sous le titre de Dialogue avec Tryphon. En voici l'analyse.

Tryphon , voyant Justin en habit de philosophe , l'entretint sur l'excellence de la philosophie. Le Saint lui marqua son étonnement de ce qu'il ne s'attachait pas plutôt à étudier Moïse et les prophètes , en comparaison desquels les écrits des philosophes ne contenaient qu'un vain jargon, et n'étaient qu'un tissu de rêveries. Dans la première partie de son dialogue, il montre, d'après les prophètes , que la loi ancienne n'était que pour un temps, et qu'elle devait être abolie par la nouvelle. Il fait voir dans la seconde que Jésus-Christ est Dieu avant tous les siècles , quoique distingué du Père quant à la personne ; que c'est lui qui apparut à Abraham, à Moïse , etc., qui a créé l'homme, qui s'est incarné, et qui est mort sur la croix. Il insiste beaucoup sur ce passage : Voilà qu'une Vierge concevra , etc. (1). Tryphon était convenu dès le commencement de la conversation, qu'il était clair, par les prophètes , que le Messie devait être venu ; mais il s'opiniâtrait à dire qu'il ne s'était point encore manifesté au monde. L'accomplissement des prophéties touchant la venue du Messie paraissait alors si visible , qu'aucun juif n'osait la contester (2). Justin prenant mal le sens de quelques paroles d'Isaïe et de l’Apocalypse, en inférait qu'avant le

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(1) Is. VIII.
(2) Voyez Fleury, Hist. ecclés. t. I, p. 463.

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