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troubles et d'anarchie, qui fournit le prétexte à l'occupation permanente des Autrichiens, suscite des complications diplomatiques et trouble l'équilibre européen?

Nous croyons qu'on le peut, mais à condition de séparer de Rome, au moins administrativement, cette partie de l'État. On formerait ainsi des Légations une principauté apostolique sous la haute domination du Pape, mais régie par ses propres lois, ayant ses tribunaux, ses finances et son armée. Nous croyons qu'en rattachant cette nouvelle organisation autant que possible aux traditions du règne napoléonien, on serait sûr d'obtenir tout de suite un effet moral très-considérable, et on aurait fait un grand pas pour ramener le calme parmi ces populations.

Sans nous flatter qu'une combinaison de ce genre puisse durer éternellement, nous sommes d'avis néanmoins qu'elle pourrait suffire pour longtemps au but qu'on se propose : pacifier ces provinces et donner une satisfaction légitime aux besoins des peuples; par cela même assurer le gouvernement temporel du saint-siége sans la nécessité d'une occupation étrangère permanente. Elle aurait en outre l'avantage de rendre une grande et bienfaisante influence aux puissances alliées dans le cœur de l'Italie.

Nous allons indiquer sommairement les points substantiels du projet, ainsi que le moyen de le réaliser.

1o Les provinces de l'État romain situées entre le Pô, l'Adriatique et les Apennins (depuis la province d'Ancône jusqu'à celle de Ferrare), tout en restant soumises à la haute domination du saint-siége, seraient complétement sécularisées et organisées sous le rapport administratif, judiciaire, militaire et financier, d'une manière tout à fait séparée et indépendante du reste de l'État. Cependant les relations diplomatiques et religieuses resteraient exclusivement du domaine de la cour de Rome.

20 L'organisation territoriale et administrative de cette principauté apostolique serait établie conformément à ce qui existait sous le règne de Napoléon Ier jusqu'à l'an 1814. Le code Napoléon y serait promulgué, sauf les modifications nécessaires dans les titres qui regardent les relations entre l'Eglise et l'État.

3° Un vicaire pontifical laïque gouvernerait ces provinces avec des ministres et un conseil d'État. La position du vicaire, nommé

par le Pape, serait garantie par la durée de ses fonctions, qui devrait être au moins de dix ans. Les ministres, les conseillers d'État et tous les employés indistinctement seraient nommés par le vicaire pontifical. Leur pouvoir législatif et exécutif ne pourrait jamais s'étendre aux matières religieuses, ni aux matières mixtes qui seraient préalablement déterminées, ni enfin à rien de ce qui touche aux relations politiques internationales.

4o Ces provinces devraient concourir dans une juste proportion au maintien de la cour de Rome et au service de la dette publique actuellement existante.

5° Une troupe indigène serait immédiatement organisée au moyen de la conscription militaire.

6° Outre les conseils communaux et provinciaux, il y aurait un conseil général pour l'examen et le rôle du budget.

Maintenant, si on veut considérer les moyens d'exécution, on verra qu'ils ne présentent pas autant de difficultés qu'on serait tenté de le supposer au premier coup d'œil. D'abord cette idée d'une séparation administrative des Légations n'est pas nouvelle à Rome. Elle a été plusieurs fois mise en avant par la diplomatie, et même prônée par quelques membres du sacré collége, quoique dans des limites beaucoup plus restreintes que celles qui sont nécessaires pour en faire une œuvre sérieuse et durable.

La volonté irrévocable des Puissances et leur délibération de faire cesser sans délai l'occupation étrangère, seraient les deux motifs qui détermineraient la cour de Rome à accepter ce plan, qui, au fond, respecte son pouvoir temporel et laisse intacte. l'organisation actuelle au centre et dans la plus grande partie de ses États. Mais une fois le principe admis, il faut que l'exécution du projet soit confiée à un haut commissaire nommé par les Puissances. Il est de toute clarté que si cette tâche était abandonnée au gouvernement pontifical, il trouverait dans son système traditionnel les moyens de n'en venir jamais à bout et de fausser entièrement l'esprit de la nouvelle institution.

Or, on ne peut se dissimuler que, si l'occupation étrangère devait cesser sans que ces réformes fussent franchement exécutées et sans qu'une force publique fût établie, il y aurait tout lieu de craindre le renouvellement prochain de troubles et d'agitations

politiques, suivi bientôt du retour des armées autrichiennes. Un tel événement serait d'autant plus regrettable que les effets sembleraient condamner d'avance tout essai d'amélioration.

Ce n'est donc qu'aux conditions ci-dessus énoncées que nous concevons la cessation de l'occupation étrangère, qui pourra s'opérer ainsi.

Le gouvernement pontifical a maintenant deux régiments suisses et deux régiments indigènes, en somme huit mille hommes environ. Cette troupe est suffisante pour le maintien de l'ordre dans Rome et dans les provinces qui ne sont pas comprises dans la séparation administrative dont on vient de parler. La nouvelle troupe indigène, qu'on organiserait au moyen de la conscription dans les provinces sécularisées, en assurerait la tranquillité. Les Français pourraient quitter Rome, les Autrichiens les Légations. Cependant les troupes françaises, en rentrant chez elles par la voie de terre, devraient dans leur passage demeurer d'une manière temporaire dans les provinces détachées. Elles y resteraient pour un temps fixé d'avance et strictement nécessaire à la formation de la nouvelle troupe indigène, qui s'organiserait avec leur con

cours.

ANNEXE F.

Note adressée au comte Walewski et à lord Clarendon,
le 16 avril 1856.

Les soussignés plénipotentiaires de Sa Majesté le Roi de Sardaigne, pleins de confiance dans les sentiments de justice des gouvernements de France et d'Angleterre, et dans l'amitié qu'ils professent pour le Piémont, n'ont cessé d'espérer, depuis l'ouverture des conférences, que le congrès de Paris ne se séparerait pas sans avoir pris en sérieuse considération l'état de l'Italie, et avisé aux moyens d'y porter remède en rétablissant l'équilibre politique, troublé par l'occupation d'une grande partie des provinces de la Péninsule par des troupes étrangères.

Sûrs du concours de leurs alliés, ils répugnaient à croire qu'aucune des autres Puissances, après avoir témoigné un intérêt si vif et si généreux pour le sort des chrétiens d'Orient appartenant aux races slave et grecque, refuserait de s'occuper des peuples de race latine, encore plus malheureux parce que, à raison du degré de civilisation avancée qu'ils ont atteint, ils sentent plus vivement les conséquences d'un mauvais gouvernement.

Cet espoir a été déçu. Malgré le bon vouloir de l'Angleterre et de la France, malgré leurs efforts bienveillants, la persistance de l'Autriche à exiger que les discussions du congrès demeurassent strictement circonscrites dans la sphère de questions qui avait été tracée avant sa réunion, est cause que cette assemblée, sur laquelle les yeux de toute l'Europe sont tournés, va se dissoudre, nonseulement sans qu'il ait été apporté le moindre adoucissement aux maux de l'Italie, mais sans avoir fait briller au delà des Alpes un éclair d'espérance dans l'avenir, propre à calmer les esprits, et à leur faire supporter avec résignation le présent.

La position spéciale occupée par l'Autriche dans le sein du congrès, rendait peut-être inévitable ce résultat déplorable. Les plénipotentiaires sardes sont forcés de le reconnaître. Aussi, sans adresser le moindre reproche à leurs alliés, ils croient de leur devoir d'appeler leur sérieuse attention sur la conséquence fâcheuse qu'il peut avoir pour l'Europe, pour l'Italie et spécialement pour la Sardaigne.

Il serait superflu de tracer ici un tableau exact de l'Italie. Ce qui se passe dans ces contrées depuis bien des années est trop notoire. Le système de compression et de réaction violente inauguré en 1848 et 1849, que justifiaient peut-être à son origine les troubles révolutionnaires qui venaient d'être comprimés, dure sans le moindre adoucissement; on peut même dire que, sauf quelques exceptions, il est pratiqué avec un redoublement de rigueur. Jamais les prisons et les bagnes n'ont été plus remplis de condamnés pour cause politique; jamais le nombre des proscrits n'a été plus considérable; jamais la police n'a été plus tracassière, ni l'état de siége plus durement appliqué. Ce qui se passe à Parme ne le prouve que trop.

De tels moyens de gouvernement doivent nécessairement maintenir les populations dans un état d'irritation constante et de fermentation révolutionnaire.

Tel est l'état de l'Italie depuis sept ans.

Toutefois dans ces derniers temps l'agitation populaire paraissait s'être calmée. Les Italiens, voyant un des princes nationaux coalisé avec les grandes Puissances occidentales pour faire triompher les principes du droit et de la justice et améliorer le sort de leurs coreligionnaires en Orient, concurent l'espoir que la paix ne se ferait pas sans qu'un soulagement fût apporté à leurs maux. Cet espoir les rendit calmes et résignés. Mais lorsqu'ils connaîtront le résultat négatif du congrès de Paris; lorsqu'ils sauront que l'Autriche, malgré les bons offices et l'intervention bienveillante de la France et de l'Angleterre, s'est refusée à toute discussion; qu'elle n'a pas même voulu se prêter à l'examen des moyens propres à porter remède à un si triste état de choses, il n'est pas douteux que l'irritation assoupie se réveillera parmi eux plus violente que jamais. Convaincus de n'avoir plus rien à attendre de

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