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IV.

NEUTRALISATION DE LA MER NOIRE. LIBELLÉ DU 30 MARS 1855,

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MEMORANDUM DU 14 NOVEMBRE 1855,

Le memento communiqué par les plénipotentiaires d'Autriche, de France et de la Grande-Bretagne au prince Gortschakoff, le 28 décembre 1854, tout en déclarant que la révision du traité du 13 juillet 1854 avait pour objet de mettre fin à la prépondérance de la Russie dans la mer Noire, ne précisait point les arrangements à prendre à cet égard. Il se bornait à déterminer le principe, et laissait dépendre l'étendue de ces arrangements du développement de la lutte engagée en Crimée.

La veille de son départ pour Vienne, où il allait remplir les fonctions de premier plénipotentiaire de la Grande-Bretagne aux conférences qui s'ouvrirent le 15 mars 1855, lord John Russell avait reçu de lord

Clarendon des instructions écrites, prévoyant, pour la solution de la troisième garantie, une double alternative.

« Cet objet, disaient les instructions, pourrait être réalisé de deux manières en réduisant la force maritime de la Russie dans la mer Noire à une proportion raisonnable, ou en ouvrant cette mer, avec l'agrément de la Turquie, aux forces maritimes des autres

nations. "

Lorsque, dans la séance des conférences de Vienne tenue le 26 mars dernier, fut abordée pour la première fois la question de la troisième garantie, le baron de Bourqueney se hâta de mander par dépêche télégraphique à son gouvernement, que, d'après l'impression qu'il emportait de cette conférence, il doutait beaucoup que les plénipotentiaires de la Russie adhérassent à l'interprétation donnée par les puissances occiden. tales au troisième point de garantie.

C'est alors que M. Drouyn de Lhuys partit pour Londres, afin de préciser, de concert avec le cabinet britannique, les arrangements que devait comprendre, suivant les puissances occidentales, la réalisation de la troisième garantie. Le résultat de cette mission de M. Drouyn de Lhuys se trouve consigné dans une dépêche de lord Clarendon, datée du 3 avril 1855, et qui mérite d'être textuellement citée, parce qu'elle met hors de doute que l'idée de neutraliser la mer Noire appartient à l'initiative exclusive du cabinet français, bien que le gouvernement britannique s'y soit associé

avec empressement dès que M. Drouyn de Lhuys en eut fait la proposition:

« Le baron de Bourqueney, dit cette dépêche, ayant exprimé à son gouvernement des doutes sur l'intention sincère de la Russie d'accepter la troisième base dans le sens dans lequel la France et l'Angleterre l'ont toujours entendue, M. Drouyn de Lhuys a pensé que le but serait plus facilement atteint et la dignité de la Russie mieux sauvegardée, en excluant tous les bâtiments de guerre de la mer Noire.

» Partant, M. Drouyn de Lhuys a élaboré un memorandum, afin de donner suite à la neutralisation de la

mer Noire; il a proposé que, d'accord avec le gouvernement de Sa Majesté Britannique, ce projet fût soumis à la conférence de Vienne, comme une preuve du désir de la France et de l'Angleterre d'écarter toute objection raisonnable de la Russie, ainsi que de la sincérité de leurs efforts pour amener les négociations à une conclusion pacifique.

» Je vous ai mandé, mylord, par le télégraphe, que le gouvernement de Sa Majesté a adhéré au projet du gouvernement français.

» Le baron de Bourqueney ayant informé son gouvernement que ce projet n'avait pas été favorablement accueilli à Vienne, M. Drouyn de Lhuys, après avoir reçu les ordres de son empereur, résolut de se rendre en personne à Vienne, pour y expliquer et soutenir ses vues. Mais auparavant il vint à Londres, afin d'établir l'accord complet entre les deux gouvernements sur la

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ligne de conduite à suivre ultérieurement. En conséquence, M. Drouyn de Lhuys ayant quitté Paris le 29 mars, il y eut le lendemain une entrevue ici, à laquelle assistaient l'ambassadeur de France, M. Drouyn de Lhuys, lord Palmerston, lord Lansdowne et moi-même.

» Les questions touchant la neutralisation de la mer Noire et la limitation des forces navales de la Russie dans cette mer y furent discutées à fond.

» Quant à la première (la neutralisation), il fut convenu de proposer :

» 1° Que la Russie et la Turquie n'auraient de bâtiments de guerre ni dans la mer Noire ni dans celle d'Azow, à l'exception d'un nombre restreint de bâtiments destinés à la police de mer, pour prévenir la piraterie. Que quant à la mer de Marmara et au Bosphore, on chercherait à se mettre d'accord avec la Porte, à l'effet de voir si la Porte était disposée à comprendre ces parages dans les mêmes arrangements, dans le cas où il faudrait le faire, afin d'obtenir le consentement de la Russie à l'application du principe de neutralité à la mer Noire et à la mer d'Azow;

» 2° Que les ports des deux puissances riveraines dans la mer Noire et la mer d'Azow ne seraient plus que des ports de commerce;

» 3° Que les puissances étrangères seraient autorisées à entretenir des consuls dans lesdits ports;

» 4° Qu'il n'y aurait de la part d'aucune des deux puissances de concentrations menaçantes de troupes sur les bords de la mer Noire;

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