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» 5° Que les puissances alliées, l'Angleterre, la France et l'Autriche, auraient le droit d'envoyer leurs forces navales dans la mer Noire si les stipulations du traité venaient à être violées;

» 6° Que les deux puissances riveraines (la Russie et la Turquie) auraient le droit d'entretenir un nombre limité de bâtiments légers de guerre pour la police de la mer Noire, ainsi que des navires non armés destinés et arrangés exclusivement pour le transport des troupes. »">

Après avoir indiqué ensuite les points concernant l'alternative de la limitation des forces navales de la Russie, que tout le monde connaît, la dépêche de lord Clarendon ajoute :

« Il a été de plus décidé :

» 1° Que les deux systèmes, et nommément celui de la neutralisation de la mer Noire, ainsi que celui de la limitation des forces navales de la Russie et de la Turquie dans la mer Noire, seront exposés à l'Autriche; que celle-ci sera invitée à se prononcer sur l'adoption de l'un ou de l'autre, dans ce sens qu'en s'associant à la France et à l'Angleterre pour le proposer à la Russie, elle s'engagerait en même temps à coopérer à la guerre avec la France et l'Angleterre, si l'arrangement proposé était rejeté par la Russie.

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Qu'il était entendu que la France et l'Angleterre préféreraient le système de la neutralisation, si l'Autriche leur en abandonnait le choix.

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gement de coopérer à la guerre avec la France et l'Angleterre, dans l'éventualité où la Russie rejetterait l'un ou l'autre projet présenté par l'Autriche, conjointement avec la France et l'Angleterre, la France et l'Angleterre auraient à reproduire le système de neutralisation, et que si celui-ci était rejeté à son tour par la Russie, les négociations seraient immédiatement rompues. »

Conformément à l'accord consigné dans la dépêche qui vient d'être citée, M. Drouyn de Lhuys, dès sa première entrevue particulière (9 avril) avec le comte Buol, à laquelle assistaient également le baron de Bourqueney, lord John Russell, lord Westmoreland et le baron de Prokesch, se mit en devoir de développer les deux systèmes de solution de la troisième garantie, et recommanda, ainsi que cela avait été convenu à Londres, l'adoption du système de la neutralisation. Dans une dépêche datée du 10 avril, dans laquelle lord John Russell rend compte à lord Clarendon de la réponse du comte Buol, il est dit :

« Le comte Buol, nous déclarant qu'il allait expliquer à fond la politique du gouvernement autrichien touchant le troisième point, admit que le plan de neutralisation développé par M. Drouyn de Lhuys lui paraissait, par rapport au troisième point de garantie, atteindre parfaitement son but; que partant il n'hésitait pas à avouer que l'Autriche serait bien aise de le voir accepté. Mais, ajouta le comte Buol, je n'ai aucun espoir que la Russie le veuille accepter, attendu qu'elle

resterait désarmée dans la mer Noire, pendant que la Turquie serait armée dans le Bosphore, ou pour le moins dans la Méditerranée, »

C'est par suite de l'hésitation de l'Autriche à appuyer le système de neutralisation, qui, dans le programme concerté entre l'Angleterre et la France, figurait au premier chef, que, durant les conférences de Vienne, les délibérations roulèrent presque entièrement sur la deuxième alternative, concernant la limitation des forces navales de la Russie dans la mer Noire. L'insuccès de ces délibérations, cela n'est que trop connu, est dû uniquement au refus péremptoire des plénipotentiaires russes d'accepter le principe de limitation posé par les puissances occidentales comme base de réalisation de la troisième garantie.

Une dépêche circulaire du comte de Nesselrode, en date du 28 avril 1855, destinée à rendre compte des motifs qui avaient fait échouer les négociations, ayant de la manière la plus formelle approuvé la conduite et le langage tenus par le prince Gortschakoff et le baron de Brunnow aux conférences de Vienne, il paraît plus que naturel qu'on se demande aujourd'hui, comment la cour de Pétersbourg ait, à quelques mois de distance, pu consentir à la suppression complète de sa marine dans l'Euxin, elle qui avait engagé son honneur à ne pas même admettre la simple limitation du nombre de ses vaisseaux dans ces parages.

La chute de Sébastopol explique tout.

La veille de la bataille d'Inkermann le comman

dant en chef de l'armée russe en Crimée, le prince Menschikoff, envoya à l'empereur Nicolas une dépêche. annonçant que les troupes anglo-françaises étaient tellement enveloppées par d'épaisses colonnes moscovites, que pas un seul des ennemis qui avaient osé fouler le sol de la sainte Russie ne pourrait échapper pour aller porter en France ou en Angleterre la nouvelle de l'extermination entière de ses frères d'armes. L'irrésistible élan que les bataillons français, con

duits par le général Bosquet, déployèrent dans la mémorable journée d'Inkermann, en volant au secours des Anglais submergés, pour ainsi dire, au milieu des masses énormes que les officiers russes ramenaient sans cesse à la charge, contribua, il est vrai, à altacher la victoire au drapeau des alliés, mais il n'est pas moins vrai qu'il y eut un moment où lord Raglan, s'adressant au général Canrobert, avait jugé la bataille perdue, et s'apprêtait à mourir en brave, déclarant qu'il se ferait tailler en pièces plutôt que de mettre bas les armes 6,000 Anglais avaient à lutter contre 60,000 Russes.

Le souvenir de la bataille d'Inkermann, dans laquelle le prince Menschik off avait cru tenir en main la victoire, a pesé beaucoup plus qu'on ne le pense sur les conseils d'Alexandre II, attendu que, durant les conférences de Vienne, les partisans de la guerre ne cessèrent de soutenir qu'il y avait tout à gagner à continuer les hostilités. Le prince Gortschakoff fit en effet observer à la conférence de Vienne que la Russie n'était pas assez

vaincue, pour souscrire aux conditions des puissances occidentales.

Le parti de la résistance caressait le rêve d'une éclatante revanche; il se flattait que la bataille de la Tschernaïa vengerait la défaite d'Inkermann et forcerait les troupes alliées à évacuer la presqu'ile tauride,

Mais quand il vit flotter le drapeau français sur les remparts de Sébastopol, au pied desquels la flotte russe gisait anéantie dans les profondeurs de la mer, il comprit combien la chute de cette place, effaçant les dernières traces du prestige que la prépondérance russe avait exercé jusqu'ici en Allemagne, réveillerait et accroîtrait les sympathies des peuples civilisés, venant se grouper autour des puissances occidentales, pour former une coalition compacte contre le colosse du Nord. Dans son isolement, la Russie ne pouvait sérieusement plus braver l'Europe entière.

L'épée glorieuse du général Pélissier trancha le noeud gordien de la troisième garantie, replaça la question sur un terrain où l'entente des alliés du 2 décembre ne pouvait plus être un seul instant dou

teuse.

La divergence d'opinions qui, lors des conférences de Vienne, existait entre l'Autriche et les puissances occidentales par rapport à l'exécution de la troisième garantie, tenait surtout à ce fait, que le cabinet de Vienne ne considérait la solution des complications orientales comme véritablement possible qu'autant que les alliés du 2 décembre l'envisageraient du point cul

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