་་ de faire, se mit à crier en lycaonien: Des dieux devenus « semblables aux hommes sont descendus vers nous (1). » Le même apôtre ressuscite un mort à Troade : « Le premier jour de la se« maine, les disciples étant assemblés pour rompre le pain, Paul, qui devait partir le lendemain, leur fit un discours qu'il prolongea « jusqu'au milieu de la nuit... Comme Paul parla longtemps, un « jeune homme appelé Eutique, qui s'était assis sur une fenêtre, « étant accablé de sommeil, s'endormit profondément; il tomba du troisième étage, et on l'emporta mort. Mais Paul descendit aussitôt, se jeta sur le cadavre, et l'ayant embrassé, lui rendit la vie (2). » " 767. Nous ne finirions pas, si nous voulions rapporter tous les prodiges opérés par les apòtres. Ces miracles, dont on ne doit juger que sur le récit authentique des auteurs sacrés, réclament néessairement l'intervention immédiate du Tout-Puissant ; et puisqu'ils ont été faits au nom de Jésus-Christ, ils prouvent évidemment la divinité de sa mission, et de la doctrine qu'il nous a laissée dans son Évangile. Qu'on ne dise pas que les miracles dont il s'agit ne nous sont bien connus que par les apôtres. Nous l'avons vu dans le Traité de l'Écriture sainte (3), les apôtres n'ont pu se tromper sur les faits surnaturels qu'on leur attribue; ils n'ont pas voulu tromper le genre humain; ils n'auraient pu le tromper, quand même ils l'auraient voulu. On ne peut donc faire aucune difficulté sérieuse contre les miracles dont nous avons l'histoire dans les Actes des apôtres. En lisant ce livre, on remarque que la prédication des disciples de Jésus-Christ était confirmée par des miracles, Domino sermonem confirmante signis (4), et que les miracles étaient suivis de conversions: ce qui explique la prompte propagation de l'Évangile, et l'établissement du christianisme dans l'univers, en moins de trois siècles. (1) Quidam vir Lystris infirmus pedibus sedebat, claudus ex utero matris suæ, qui nunquam ambulaverat. Hic audivit Paulum loquentem : qui, intuitus eum, et videns quia fidem haberet ut salvus fieret, dixit magna voce: Surge super pedes tuos rectus. Et exilivit, et ambulabat. Ibidem, c. xiv, v. 7, etc. (2) Et sublatus est mortuus. Ad quem cum descendisset Paulus, incubuit super eum; et complexus dixit: Nolite turbari, anima enim ipsius in ipso est. Ibid., c. xx, v. 7, etc. (3) Voyez, ci-dessus, le ch. v du Traité de l'Écriture sainte. -- (4) Saint Marc, ch. xvi, v. 20. CHAPITRE VI. Preuves de la divinité de la mission de Jésus-Christ par l'établissement du christianisme. 768. La propagation aussi prompte que générale de l'Évangile, la conversion du monde au christianisme, supposent nécessairement la vérité des miracles de Jésus-Christ et de ses apôtres. Sans ces miracles, ou sans une intervention immédiate, extraordinaire et surnaturelle de la part de Dieu, plus étonnante encore que les plus grands miracles, jamais ni Jésus de Nazareth, ni ses disciples, hommes sans lettres, sans science, sans fortune, sans considération, sans puissance aucune, n'eussent conçu le projet de renverser le culte des Juifs et des gentils; et eussent-ils formé ce projet, le plus insensé, humainement parlant, qui pût se présenter à l'esprit d'un homme, jamais ils n'auraient pu l'exécuter. C'est le raisonnement de saint Augustin. « Voici, dit-il, trois choses incroya«bles, qui néanmoins sont arrivées. Il est incroyable que Jésus<< Christ soit ressuscité en sa chair, et qu'avec cette même chair il « soit monté au ciel. Il est incroyable que le monde ait cru une chose «< si incroyable. Il est incroyable qu'un petit nombre d'hommes vils, inconnus, ignorants, aient pu persuader une chose si incroyable au monde et aux savants du monde. De ces trois choses « incroyables, nos adversaires ne veulent pas croire la première ; <«< ils sont contraints de voir la seconde, et ils ne la sauraient com« prendre sans croire la troisième. La résurrection de Jésus-Christ « est publiée et crue dans tout l'univers. Si elle n'est pas croyable, « pourquoi le monde entier la croit-il? Si un grand nombre de savants et de personnes éclairées ont dit qu'ils ont vu et publié «< cette merveille, il n'est pas étrange que le monde l'ait crue, et il « faut être bien opiniâtre pour ne pas la croire. Mais si, comme il « est vrai, le monde a cru un petit nombre d'hommes inconnus et « ignorants sur ce qu'ils ont rapporté, pourquoi une poignée d'opiniâtres et d'entètés ne croiront-ils pas ce que tout le monde « croit? Le monde a cru ces témoins méprisables, parce que la ma« jesté de Dieu a paru en eux avec bien plus d'éclat. L'éloquence << dont ils se sont servis pour persuader les hommes ne consistait «< pas en paroles, mais en miracles; de sorte que ceux qui n'avaient α " « pas vu Jésus-Christ ressusciter et monter au ciel avec son corps, « n'ont pas eu de peine à le croire lorsque ceux qui leur disaient « l'avoir vu confirmaient leur témoignage par une infinité de prodiges.... Si nos adversaires ne croient pas que les apôtres « aient fait ces miracles pour établir la foi de la résurrection avec « l'ascension de Jésus-Christ, ce sera pour nous un grand miracle « que l'univers l'ait crue sans miracle: Si ista miracula facta esse « non credunt, hoc nobis unum grande miraculum sufficit, quod « eam terrarum orbis sine ullis miraculis credidit (1). >> Nous pourrions absolument nous en tenir là; cependant nous ajouterons quelques développements tant sur le fait de la propagation de l'Évangile, que sur l'impossibilité d'expliquer ses progrès autrement que par l'intervention du Tout-Puissant. ARTICLE I. Pendant les trois premiers siècles la prédication de l'Evangile a eu des succès étonnants. 769. Jésus, étant sur la terre, avait plus de cinq cents Juifs qui suivaient sa doctrine, sans y comprendre ceux que la crainte avait empêchés de se déclarer publiquement pour lui; et dès le premier jour où les apôtres ouvrent leur prédication à Jérusalem, trois mille Israélites se convertissent et reçoivent le baptême (2). Peu de temps après, un second discours de saint Pierre fait cinq mille nouveaux prosélytes (3). Chaque jour, dit saint Luc, le Seigneur augmentait le nombre de ceux qui entraient dans l'Église. La parole de Dieu se répandant de plus en plus, le nombre des disciples se multipliait considérablement à Jérusalem; il y eut même une grande foule de prêtres qui obéissaient à la foi, magna etiam turba sacerdotum obediebat fidei (4). A la prédication de saint Philippe, les habitants de Samarie confessent Jésus-Christ, et les apòtres Pierre et Jean leur confèrent le Saint-Esprit par l'imposition des mains (5). Le pharisien Saul, qui persécutait l'Église, qui entrait dans les maisons pour en arracher de force les hommes et les femmes, et les faire mettre en prison (6), au moment même où il ne respirait que carnage contre les disciples du Seigneur, se convertit à Jésus-Christ et devint un vase d'élection, l'apôtre des gentils (1). 770. Bientôt l'Orient et l'Occident, l'Asie, l'Égypte, la Grèce, l'Italie, reçoivent l'Évangile; de toutes parts on voit se former des églises. Environ dix ans après la mort de son maître, saint Pierre adresse sa première Epitre aux fidèles dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l'Asie et la Bithynie. Nous avons des Lettres de saint Paul aux fidèles de Rome, de Corinthe, de Galatie, d'Éphèse, de Colosses, de Philippes, de Thessalonique. Saint Luc, dans le livre des Actes, fait mention d'Antioche, d'Athènes, de Damas, de Césarée, de Milet, et de plusieurs autres villes où il y avait des chrétiens. Avant la fin du premier siècle, l'Apocalypse de saint Jean nous montre des églises gouvernées par des évêques dans les villes d'Ephèse, de Smyrne, de Pergame, de Thyatire, de Sardes, de Philadelphie et de Laodicée. La voix des apolres a retenti par toute la terre, et leurs paroles sont parvenues jusqu'aux extrémités du monde, disait saint Paul aux Romains (2). Le même apôtre leur écrivait que leur foi était annoncée dans tout l'univers, in universo mundo (3), et qu'il avait rempli lui-même du nom de Jésus et de la connaissance de l'Évangile tous les pays qui sont depuis Jérusalem jusqu'à l'Illyrie : savoir, la Syrie, la Phénicie, l'Arabie, la Cilicie, la Pamphilie, la Pisidie, la Lycaonie, la Galatie, le Pont, la Cappadoce, la Paphlagonie, la Phrygie, la Troade, l'Asie, la Carie, la Lycie, l'Ionie, les îles de Chypre, de Crète, et d'autres moins grandes, la Thrace, la Macédoine, la Thessalie, l'Attique et l'Achaïe. Aussi, le pape saint Clément, qui occupait le siége de Rome très-peu d'années après saint Pierre, atteste que, de son temps, le nombre des chrétiens surpassait déjà celui des Juifs (4). 771. Saint Justin, auteur du second siècle, avance, comme un fait généralement connu, «qu'il n'y a aucune sorte d'hommes, Grecs " ou barbares, et de quelques noms qu'ils soient appelés, soit qu'ils habitent sur des chariots, soit qu'ils n'aient pas de maisons, soit qu'ils vivent sous des tentes, parmi lesquels il ne soit offert des prières et des actions de grâce à Dieu le Père, au nom de JésusChrist crucifié (5). » Dans le même siècle, saint Irénée, évêque de Lyon, prouve que la foi catholique est la même dans tout l'univers, et nomme les églises des Gaules, de la Germanie, de l'Espa (1) Ibidem, c. ix, v. 15. — (2) Epitre aux Romains, c. x, v. 18. — (3) lbidem, c. 1, V. 8. — (4) Lettre п, no 11. — (5) Dialogue avec Triphon, ch. cxvII. - " gne, de l'Orient, de l'Égypte et de l'Afrique (1). Suivant Clément d'Alexandrie, qui florissait sur la fin du second et au commencement du troisième siècle, << les philosophes grees ne sont accrédités « que chez leurs compatriotes; encore même n'ont-ils pas été goûtés de tous. Platon s'est fait disciple de Socrate, Zénocrate de Platon, Théophraste d'Aristote, Cléante de Zénon. Ces philosophes n'ont « persuadé que quelques uns de leurs sectateurs; mais la parole « de notre maître n'est pas restée dans l'enceinte de la Judée, comme la philosophie dans les limites de la Grèce; elle s'est répandue dans toute la terre parmi les barbares comme parmi les Grecs; elle a porté la persuasion chez les nations, dans les bourgs, dans les villes entières; elle a amené à la vérité un grand nombre de ceux qui l'ont entendue, et même plusieurs philosophes (2). » « 772. Écoutez ce que dit Tertullien parlant aux magistrats romains: « Tous ceux qui nous haïssaient autrefois, faute de savoir " ce que nous étions, cessent de nous haïr dès qu'ils le savent. • Bientôt ils deviennent chrétiens, et vous conviendrez que c'est « avec connaissance de cause. Ils commencent à détester ce qu'ils « étaient, et à professer ce qu'ils détestaient. Leur nombre est très-grand; aussi se plaint-on amèrement que la ville est assiégée; « que les campagnes, les îles, les châteaux sont remplis de chrétiens; que tout âge, tout sexe, tout rang, toute condition, courent en foule s'enrôler parmi eux (3). Les Maures, les Marcomans, « les Parthes même, quelque nation que ce soit, renfermée après tout dans ses limites, est-elle plus nombreuse qu'une nation qui n'en a d'autres que l'univers? Nous ne sommes que d'hier, « et nous remplissons tout, vos villes, vos iles, vos châteaux, vos bourgades, vos conseils, vos camps, vos tribus, vos décuries, le palais, le sénat, la place publique; nous ne vous laissons que « vos temples. Ne serions-nous pas bien propres à la guerre, mème à forces inégales, nous qui nous laissons égorger si volontiers, si ce n'était une de nos maximes qu'il vaut mieux se << laisser tuer que de tuer les autres? Sans même prendre les armes, • sans nous révolter, nous pourrions vous combattre, simplement en nous séparant de vous; car si, étant une multitude si nom- : breuse, nous allions nous retirer dans quelque contrée éloignée, la perte d'un si grand nombre de citoyens de tout état confon a " (1) Contre les hérésies, liv. 1, ch. x, no 2. (2) Stromates, liv. vi, c. 18. (3) Apologétique, ch. 1. |