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l'erreur, il ne s'ensuit pas, sous quelque point de vue qu'on envisage la chose, que l'Église universelle puisse s'écarter de la vraie foi. Nos frères séparés sont forcés d'en convenir; autrement ils ne pourraient pas même croire que l'Eglise de Jésus-Christ subsiste encore sur la terre. A part ce qui regarde saint Pierre, qui a reçu des promesses particulières, la promesse que Jésus-Christ a faite à ses apôtres assemblés, d'être avec eux tous les jours jusqu'à la consommation des siècles, ne s'adresse qu'au collège des apôtres et au corps des évêques leurs successeurs, et non à chaque évêque en particulier. Il peut donc arriver qu'un ou plusieurs évêques se séparent du corps épiscopal, sans que le corps épiscopal se sépare de son chef, sans que le pape et le plus grand nombre des évêques réunis au saint-siége se séparent de Jésus-Christ. Non, le Sauveur du monde l'a dit, et il ne mentira point: Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre l'Église : Et portæ inferi non prævalebunt adversus eam.

CHAPITRE II.

En qui réside l'infaillibilité de l'Église.

1006. L'infaillibilité de l'Église réside principalement dans le corps enseignant, qui se compose du pape et des évêques en communion avec le saint-siége, ou : le pape et les évêques sont juges de la foi, à l'exclusion des prêtres, des clercs inférieurs et des laïques.

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ARTICLE Ier.

Le pape et les évêques seuls sont juges de la foi.

1007. C'est à Pierre et à ses successeurs que Jésus-Christ a dit : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église; et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle; et je te don«nerai les clefs du royaume des cieux (1). Pais mes agneaux, pais « mes brebis (2); confirme tes frères dans la foi (3). » C'est aux apôtres, et à ceux qui devaient leur succéder, que Notre-Seigneur

(1) Saint Matthieu, c. xvi, v. 28 et 29. — (2) Saint Jean, c. xxi, v. 16, etc. (3) Saint Luc, c. xxII, v. 32.

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s'adressait, lorsqu'il leur dit : « Je vous envoie comme mon Père « m'a envoyé (1); toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au «< nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, leur apprenant à « observer toutes les choses que je vous ai ordonnées. Et voilà que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles (2). » Ces promesses, il est vrai, sont pour toute l'Église : Jésus-Christ a promis d'être avec les apôtres, pour le profit et le salut de tous les fidèles. Mais elles ne s'adressent directement qu'aux apôtres; la prérogative qui en est l'objet n'est que pour les apôtres et leurs successeurs, c'est-à-dire les évêques, que l'EspritSaint a établis pour gouverner l'Église de Dieu (3), et nous empêcher de flotter à tout vent de doctrine (4). Telle est d'ailleurs la croyance de tous les temps: saint Clément de Rome, saint Ignace d'Antioche, saint Irénée, Tertullien, Clément d'Alexandrie, Origène, saint Cyprien, Eusèbe de Césarée, Lucifer de Cagliari, saint Basile, saint Optat, saint Épiphane, saint Ambroise, saint Augustin, le pape saint Célestin, saint Cyrille d'Alexandrie, sans parler des auteurs moins anciens, entendent les promesses de Jésus-Christ comme nous les entendons nous-mêmes, appliquant au pape celles qui regardent saint Pierre, et aux évêques celles qui regardent les apôtres, ne les appliquant jamais aux simples prêtres. Aussi l'histoire nous montre-t-elle, dans les premiers siècles comme dans les siècles suivants, les évêques de chaque Église à la tête des prêtres, des diacres et des simples fidèles, veillant à la conservation de la foi, et condamnant toutes les erreurs, sans recourir au suffrage de ceux qui ne sont revêtus que du caractère sacerdotal. Jamais les docteurs de l'Église n'ont opposé à l'hérésie d'autre tribunal que celui de l'épiscopat. Les pères du concile œcuménique d'Ephèse fondent l'autorité de leur assemblée sur celle des évêques; le concile de Chalcédoine, qui est le quatrième concile général, exclut de ses délibérations ceux qui n'étaient que simples prêtres; et le septième concile général donne pour preuve de l'illegitimité du concile des iconoclastes, qu'il a été réprouvé par le corps épiscopal. Il faut donc reconnaître, comme un dogme catholique, que non-seulement le pape et les évêques sont juges infaillibles des controverses en matière de religion, ce que l'on ne peut nier sans

(1) Saint Jean, c. xx, v. 21. — (2) Saint Matthieu, c. xxvm, v. 18, etc. (3) Actes des apôtres, c. xx, v. 28. (4) Epit. aux Ephésiens, c. IV, v. 11, 12, etc.

être hérétique, mais qu'ils sont seuls juges de la foi. « Le saintsiége principalement, dit Bossuet, et le corps de l'épiscopat uni à

« son chef, c'est où il faut chercher le dépôt de la doctrine ecclésiastique, confié aux évêques par les apôtres (1). »

1008. Mais il est à observer que, pour être infaillibles, il n'est pas nécessaire que le pape et tous les évêques soient unanimes, absolument parlant: de l'aveu de tous, le jugement du pape est irréformable lorsqu'il est reçu, expressément ou tacitement, par le plus grand nombre des évêques. Nous l'avons dit, si on excepte saint Pierre, qui a reçu, avec les clefs du royaume des cieux, le plein pouvoir de gouverner l'Église universelle, Jésus-Christ n'a promis son assistance qu'à l'enseignement du corps des évêques, et non de chaque évêque en particulier. Il peut donc arriver, comme en effet il est arrivé très-souvent, que l'erreur trouve des partisans parmi les évêques, même après avoir été condamnée par un concile général. La défection d'un certain nombre de pasteurs ne peut pas plus nuire à la prérogative de l'infaillibilité de l'Église qu'à sa catholicité. Ainsi, dire que le pape et les évêques sont infaillibles dans leurs jugements, c'est comme si nous disions que la plus grande partie du corps enseignant, unie à son chef, jouit du privilége de l'infaillibilité. L'unanimité morale parmi les évêques, ou le plus grand nombre d'entre eux quand la pluralité est sensible et notoire, suffit, avec le souverain pontife, pour représenter l'Église universelle. C'est ainsi que l'entendent les Athanase (2), les Basile (3), les Augustin (4), les Vincent de Lérins (5), les Pères du concile d'Éphèse (6), qui opposent l'enseignement général aux réclamations des hérétiques, qui avaient pour eux des évèques. C'est ainsi qu'on l'a toujours entendu dans l'Église; de tout temps on a regardé comme infaillible le corps enseignant, c'est-à-dire le pape et les évêques, sans jamais exiger parmi ceuxci l'unanimité absolue.

ARTICLE II.

es simples prêtres, même ceux qui ont charge d'âmes, ne sont point juges de

la foi.

1009. Cette proposition est une conséquence de la proposition

(1) Sermon sur l'unité de l'Église.

(2) Lettre à l'empereur Jovinien. 3) Lettre CCIV. (4) Livre I, contre Cresconius, c. 3. (5) Commonitorium, – (6) Lettré à l'empereur Théodose le jeune.

11.

précédente. Les prêtres ont été associés au ministère apostolique; ils peuvent, en vertu d'un pouvoir émané du pape ou de l'évêque, concourir à l'instruction des peuples, expliquer la doctrine chrétienne, conformément à l'enseignement des évêques; mais ils n'enseignent pas; ils peuvent être admis à partager la sollicitude pastorale, mais ils ne sont pas pasteurs ; ce n'est qu'improprement qu'on leur donne quelquefois ce titre. De temps en temps on les voit, en certain nombre, dans les conciles ou autres assemblées ecclésiastiques; mais ils n'y assistent que comme représentants ou conseillers des évêques; ils ne délibèrent pas; ils n'ont, généralement, qu'une voix consultative. Si, comme l'histoire nous en offre plusieurs exemples, ils ont souscrit aux actes de certains conciles avec la formule réservée aux évêques, Ego definiens subscripsi, c'est un honneur, un privilége qu'ils devaient au pape ou aux évêques, et non une prérogative inhérente au caractère sacerdotal. Aussi le pape Pie VI, par la bulle Auctorem fidei, de l'an 1794, a-t-il condamné solennellement comme fausse, téméraire, subversive de l'ordre hiérarchique, contraire aux définitions dogmatiques, et comme étant au moins erronée, la proposition de quelques jansénistes, qui prétendaient que les curés et autres prêtres réunis en synode sont, avec l'évêque, juges de la foi, et que ce titre leur convient en vertu de l'ordination, jure proprio et per ordinationem accepto.

1010. Si le droit de juger sur la doctrine ne convient point aux prêtres, il convient encore moins aux diacres, aux clercs inférieurs, aux laïques. Il n'appartient point non plus aux puissances de la terre; elles ne sont établies que pour les choses d'ici-bas. Ce n'est point à César, comme nous le verrons un peu plus bas; ce n'est point à Néron, à Dioclétien, à Julien l'Apostat; ce n'est point à Henri VIII, roi d'Angleterre, ni à l'autocrate des Russies, que Jésus-Christ a confié le royaume de Dieu, le gouvernement de son Église. Ce ne sont ni les parlements, ni les assemblées nationales, ni les corps législatifs, dans l'ordre politique, qui ont été chargés d'enseigner l'Évangile aux peuples, d'administrer les sacrements, de régler le culte divin, de prescrire ou de défendre les prières pour les morts. Bien certainement, quand les apôtres continuaient à prêcher Jésus-Christ malgré la défense du sanhédrin, ils ne reconnaissaient point l'autorité de ce conseil, ni la compétence de tout autre conseil d'État en matière de religion.

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CHAPITRE III.

De l'infaillibilité de l'Église en concile.

1011. On entend par concile une assemblée d'évêques réunis pour traiter de ce qui a rapport à la religion : on ne met point au nombre des conciles les synodes diocésains, où l'évêque réunit une partie de son clergé : Concilium episcoporum est, non clericorum. On distingue deux sortes de conciles : les conciles généraux et les conciles particuliers. On appelle concile général ou œcuménique, celui qui représente l'Eglise universelle; ce qui a lieu lorsque, sur la convocation du pape, un certain nombre d'évêques, plus ou moins considérable, des différentes parties du monde chrétien, forme un concile. Le concile particulier est celui qui ne se compose que des évêques d'une ou de plusieurs provinces ecclésiastiques dans le premier cas, on l'appelle concile provincial; dans le second, il conserve sa dénomination de concile particulier. Plusieurs auteurs donnent le nom de national au concile où se trouvent réunis les évêques d'une nation; mais cette dénomination est impropre; on peut bien l'appliquer à une assemblée du clergé convoquée par le roi, pour traiter des affaires de l'État plutôt que de l'Église; mais elle ne convient point à un concile proprement dit; une nation, comme nation, ne forme point une circonscription ecclésiastique.

Nous parlerons ici de l'institution, de l'utilité, de la tenue et de l'autorité des conciles.

ARTICLE I.

De l'institution des conciles.

1012. L'Église peut, en vertu d'un droit qui lui est propre, et inhérent à sa constitution, tenir des conciles généraux ou particuliers toutes les fois que le pape ou les évêques le jugent utile à la religion, soit pour terminer les controverses concernant la foi ou les mœurs, soit pour travailler plus efficacement à l'extirpation des abus qui tendent à se répandre dans le clergé ou parmi les

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