ture, et à prononcer, toutes les fois que l'occasion s'en présente, si on doit accorder ou refuser les prières et les cérémonies ecclésiastiques. Ni les décrets de l'empire, ni les décisions du conseil d'État, ni les instructions ou circulaires du ministre des cultes aux évêques, ne peuvent déroger aux lois de l'Église. Le gouvernement ne peut même tolérer les prétentions impies d'un maire ou d'un préfet qui aurait recours à la force pour faire entrer un cadavre dans nos temples; il doit respecter la maison de Dieu, respecter le droit qu'ont les évêques de faire observer les saints canons. D'ailleurs, quoi de plus étrange que de vouloir nous forcer à faire pour un mort des prières qu'il regardait comme une superstition lorsqu'il était en vie, ou dont il s'est rendu indigne, soit en mourant d'une mort scandaleuse, soit en terminant ses jours par le crime? Mais un prêtre ne peut-il pas abuser de son ministère? Sans doute, il peut en abuser; mais à qui appartient-il d'en connaître, sinon à l'évêque? Qui peut mieux juger s'il y a violation d'une loi canonique, que celui qui est l'interprète-né des saints canons? 1097. En parlant des prières qui se font pour les morts, nous avons l'occasion de dire un mot de celles qui se font, à la demande des gouvernements, pour les princes ou pour nos concitoyens qui meurent sur le champ de bataille en défendant la patrie. L'Église n'a jamais refusé et ne refusera jamais les prières qu'on lui demandera pour ceux qui sont morts dans sa communion; mais il en est de ces prières comme de celles qui se font en action de grâces, à l'occasion de quelque grand événement heureux pour le pays : elles se demandent aux évêques, et ne se commandent pas. Les gouvernements n'ont pas droit de prescrire des prières, puisqu'ils n'ont pas celui de rien prescrire en matière de religion, si ce n'est pour faire observer les lois de l'Église; encore est-ce plutôt un devoir qu'un droit devoir, toutefois, qui ne peut être que relatif au temps, aux lieux, et à l'esprit des peuples. 1098. Nous ajouterons que lorsqu'il s'agit d'un service religieux pour un ou plusieurs défunts, le gouvernement et les magistrats qui le demandent doivent avoir soin d'éviter tout ce qui serait contraire au langage de l'Église. Ainsi, par exemple, il n'est point exact de dire, comme le font certains préfets dans les instructions qu'ils donnent aux maires, qu'il y aura un service religieux en l'honneur ou en mémoire de tel ou tel. Dans l'Église, on offre le sacrifice de la messe pour le repos de l'âme d'un défunt; mais on ne l'offre en honneur ou en mémoire que de celui que l'Église a mís au nombre des saints. Ainsi, nous refusons les services religieux qu'on nous demande, lorsque, au lieu de les annoncer pour le repos de l'âme de tel ou tel, ou simplement pour tel ou tel, on les annonce en mémoire ou en l'honneur de tel ou tel. ARTICLE III. Des assemblées religieuses. 1099. Les assemblées religieuses sont également de la compétence de la puissance spirituelle. En effet, ces assemblées se rapportent évidemment à une fin spirituelle, soit qu'elles se forment indifféremment de tous les fidèles, comme pour la célébration des saints mystères et pour les prières publiques, soit qu'elles ne se forment que de l'évêque et d'une partie de son clergé pour la tenue des synodes diocésains, soit qu'elles ne se composent que d'évêques pour prononcer sur le dogme, régler la discipline, ou juger les causes ecclésiastiques. En envoyant ses apôtres prêcher l'Évangile à toute créature, JésusChrist leur a donné en même temps tous les pouvoirs nécessaires pour remplir cette mission; il leur a donc donné le pouvoir d'assembler les fidèles pour les instruire, et pour rendre à Dieu le culte qui lui est dû; il leur a donné le pouvoir de s'assembler eux-mêmes pour conférer sur les intérêts de la religion, en les assurant qu'il serait alors au milieu d'eux. En effet, pour ce qui regarde les assemblées des fidèles, l'Écriture nous apprend qu'après l'Ascension de Jésus-Christ, ses disciples se réunirent dans le Cénacle pour prier, et qu'ils persévéraient ensemble dans la prière lorsque l'Esprit-Saint descendit sur eux. Dès le temps des apôtres, comme nous le voyons dans les Épîtres de saint Paul et dans l'Apocalypse de saint Jean, les chrétiens s'assemblaient pour la célébration des saints mystères; et ces assemblées ont continué, même dans les temps de persécution. Quant aux réunions des apôtres et des évêques, elles ont également eu lieu, même dans la primitive Église. Ce sont les apôtres qui ont tenu le premier concile à Jérusalem pour décider la question des observances légales; et ils l'ont tenu sans avoir demandé l'autorisation du gouvernement romain, sans avoir égard à la défense du sanhédrin, qui s'opposait à la prédication de l'Évangile. Et les évêques ont fait depuis ce qu'avaient fait les apôtres. « Les persécutions, dit Fleury, n'ont pas empêché les fidèles de s'assembler, lire les saintes Écritures, recevoir les instructions de leurs pasteurs et les sacrements; ni les pasteurs " " « de communiquer entre eux, même par lettres, pour les besoins de l'Église (1). " ARTICLE IV. De la nomination et de l'institution des ministres de la religion. 1100. La nomination et l'institution des ministres de la religion n'appartient et ne peut appartenir en propre qu'à l'Église. «< Comme « dans le gouvernement temporel, dit Fleury, le premier acte de « juridiction est l'institution des magistrats, des juges et des mi«<nistres de la justice; ainsi l'ordination des évêques et des clercs « est le premier acte et le plus important du gouvernement de l'Église. » La manière de pourvoir aux évêchés, aux cures et autres offices ecclésiastiques, a pu varier et a effectivement varié dans l'Église; mais ce qui n'a jamais varié et ne variera jamais, parce qu'il est dans l'institution divine, c'est le droit de l'Église de régler la forme de la nomination de ses ministres, et de déterminer le mode de l'institution canonique. Il en est de ce point de discipline comme de tous les autres : l'Église peut les changer quand elle le juge à propos; mais ils ne peuvent être changés que par elle, parce que, à elle seule, appartient le droit de se gouverner et de nommer ses ministres. « Vous êtes un peuple, dit Bossuet, un État, une société; mais Jésus-Christ, qui est votre roi, ne tient rien de vous, « et son autorité vient de plus haut. Vous n'avez naturellement pas plus le droit de lui donner des ministres que de l'établir lui« même votre prince. Ainsi, ses ministres, qui sont vos pasteurs, << viennent de plus haut comme lui-même, et il faut qu'ils viennent « par un ordre qu'il ait établi. Le royaume de Jésus-Christ n'est pas de ce monde, et la comparaison que vous pouvez faire entre «< ce royaume et ceux de ce monde est caduque. En un mot, la na«<ture ne vous donné rien qui ait rapport avec Jésus-Christ et son royaume ; et vous n'avez aucun droit que ceux que vous trouve«rez dans les coutumes immémoriales de votre société. Or, ces « coutumes immémoriales, à commencer par les temps apostoliques, sont que les pasteurs déja établis établissent les au« tres (3). » ་ « 1101. En effet, ce n'est point au peuple, ni aux magistrats, ni (1) vne discours sur l'histoire ecclésiastique. · Liv. xv, n° 120. (3) Histoire des variations, aux princes séculiers, mais aux apôtres, aux apôtres seuls et à leurs successeurs, que Jésus-Christ a confié le gouvernement de son Église, avec le pouvoir essentiel à tout gouvernement de choisir ses ministres, chargés de dispenser les choses saintes. C'est JésusChrist lui-même qui a choisi ses douze apôtres et les soixante-douze disciples qu'il a associés au ministère apostolique. Ce sont les apòtres qui ont remplacé Judas par saint Matthias, et qui ont institué les diacres. Nous lisons aussi, dans les livres saints, que Tite a reçu de saint Paul l'ordre d'établir des prêtres, c'est-à-dire des évêques, dans les villes de l'ile de Crète (1). Et, peu de temps après, saint Clément, successeur de saint Pierre sur le siége de Rome, écrivait aux Corinthiens que les apôtres avaient institué des évêques et des diacres dans les Églises qu'ils avaient fondées, en chargeant ces évêques de faire choix d'autres sujets pour succéder à leur ministère (2). On ne voit nulle part, dans les temps primitifs, l'intervention de la puissance temporelle, ni pour l'élection, ni pour l'institution canonique des ministres de l'Église. Aussi le concile de Trente a-t-il défini expressément, comme dogme catholique, que ceux qui ne sont appelés et institués que par la puissance séculière pour exercer quelque ministère dans l'Église, ne sont point ministres de l'Église, mais des voleurs et des larrons qui ne sont point entrés par la porte (3). Qu'il soit anathème, ajoute le même concile, celui qui dira que ceux qui ne sont ni ordonnés suivant les règles, ni envoyés par la puissance ecclésiastique, conformément aux lois canoniques, sont des ministres légitimes de la parole divine et des sacrements (4)! C'est pourquoi l'assemblée nationale de 1790 ayant décrété, dans la constitution dite civile du clergé, que l'élection pour les différents titres ecclésiastiques se ferait par le peuple, Pie VI a condamné cette constitution, comme contraire aux droits de l'Église (5). 1102. Si la nomination des évêques, en France, se fait par le roi ou par le chef de l'État, ce n'est qu'en vertu du Concordat passé entre Pie VII et le gouvernement français. Le droit de nommer aux évêchés ne vient ni des assemblées législatives, ni de la constitution, ni de la nation; c'est une concession de la part du chef de l'Église, concession qui, n'étant fondée que sur le Concordat de 1801, ne peut durer qu'autant que ce Concordat. Mais il en est (1) Hujus rei gratia reliqui te Cretæ, ut ea quæ desunt corrigas, et constituas per civitates presbyteros, sicut et ego disposui tibi. Épître à Tile, c. 1, v. 5.— (2) Voyez, ci-dessus, le n° 939. — (3) Session XXIV, C. IV. — (4) Ibidem, c. vi. · (5) Bref du 10 mars 1791, aux évêques de l'assemblée nationale. de cette concession comme de toutes celles qui dérogent au droit commun: on doit l'interpréter à la lettre, évitant de lui donner plus d'extension qu'elle n'en a. Ainsi, comme il ne s'agit, dans le Concordat, que de la nomination aux évêchés de France, la nomination d'un évêque in partibus n'appartient qu'au pape; et le pape peut donner ce titre à un ecclésiastique français sans le concours du gouvernement. la 1103. Il est vrai que, selon le 17 article du Code civil, qualité de Français se perd par l'acceptation, non autorisée par le chef de l'État, de fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger; et qu'un décret de l'empire, du 7 janvier 1808, porte que, en exécution de cet article, nul ecclésiastique français ne pourra poursuivre ou accepter la collation d'un évêché IN PARTIBUS, faite par le pape, s'il n'y a été préalablement autorisé par le gouvernement, sur le rapport du ministre des cultes; et qu'il ne pourra recevoir la consécration avant que ses bulles aient élé examinées en conseil d'Etat, et qu'on en ait permis la publication. D'après ce décret, ceux de nos missionnaires de la Cochinchine que le pape a nommés évêques in partibus infidelium auraient perdu la qualité de Français. Mais, de grâce, quel rapport y a-t-il entre la nomination et la consécration d'un évêque in partibus, et les fonctions publiques qui sont l'objet du 17° article du Code civil? D'ailleurs, regarder l'exercice de la puissance spirituelle du chef de l'Église comme un gouvernement étranger, et soumettre les actes du vicaire de Jésus-Christ aux caprices du conseil d'Etat, n'est-ce pas évidemment renouveler les prétentions de Henri VIII? 1104. On doit s'en tenir à la lettre du Concordat: par conséquent, comme le Concordat n'accorde au chef du gouvernement que le droit de nommer les évêques, la nomination des vicaires généraux, des chanoines, des curés, des desservants, appartient aux évêques, sauf, pour ce qui regarde les curés, la nécessité de faire agréer la nomination par le gouvernement, comme le porte le même Concordat. C'est à l'évêque à nommerles vicaires, les chapelains ou aumôniers des colléges, des hospices civils ou militaires et des prisons. Les prétentions des ministres de l'instruction publique, de l'intérieur et de la guerre, à cet égard, ne sont fondées que sur les décrets de l'empire ou des ordonnances royales, qui ne pouvaient leur conférer un droit que le chef de l'État n'avait pas luimême. Que penserait-on d'un rescrit du pape qui donnerait aux évêques de France le droit de nommer les magistrats, et les officiers |