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« Pasteurs à l'égard des peuples, et brebis à l'égard de Pierre, « honorent en lui Jésus-Christ (1). »

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1121. Aussi saint Pierre paraît le premier à confesser la foi; le premier de tous les apôtres qui ait vu Jésus-Christ après sa résurrection, comme il devait en être le premier témoin devant tout le peuple; le premier qui propose d'élire un apôtre à la place de Judas; le premier qui confirma la foi par un miracle; le premier à convertir les Juifs; le premier à recevoir les gentils. C'est Pierre qui reçoit l'ordre de baptiser Corneille; c'est lui qui punit Ananie et Saphire de leur mensonge; qui confond Simon le magicien ; qui, dans le concile de Jérusalem, porte la parole et donne son avis le premier. Partout il se montre comme étant le premier, le chef, le prince des apôtres. Tels sont d'ailleurs les titres qui lui ont été constamment donnés dans l'Église, comme on le voit par la pratique même des premiers siècles, par les écrits des saints Pères, par les décrets des papes et des conciles, qui s'accordent à reconnaître, dans saint Pierre et l'évêque de Rome son successeur, le prince et le chef de l'Église universelle.

ARTICLE II.

Preuve de la primauté de saint Pierre et de ses successeurs, par la pratique de l'Eglise et la doctrine des saints Pères.

1122. De tout temps on a regardé le pape comme le chef de l'Église universelle. Saint Clément, disciple des apôtres et successeur de saint Pierre sur le siége de Rome, nous apprend, dans sa première lettre aux Corinthiens, que les fidèles de Corinthe avaient réclamé son intervention pour faire cesser les divisions qui troublaient leur Église (2): ce qui prouve qu'à Corinthe comme à Rome on regardait le successeur de saint Pierre comme ayant autorité non-seulement sur son diocèse, mais encore sur les autres Églises de la chrétienté.

Saint Polycarpe, disciple de l'apôtre saint Jean et évêque de Smyrne, fait le voyage de Rome pour conférer avec le pape Anicet sur la différence qui existait entre les Églises d'Orient et celles d'Occident pour le jour de la célébration de la pâque (3). Or pourquoi s'adresse-t-il à l'évêque de Rome, si ce n'est parce que

(1) Bossuet, sermon sur l'unité de l'Église. - (2) Voyez la lettre de saint Clément, dans la collection des Pères apostoliques, de Cotelier. (3) Eusèbe, Hist. eccl., liv. Iv, c. 14.

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cet évêque passait pour être le successeur de saint Pierre et le chef de l'Église catholique?

1123. La question de la pâque se renouvelle sous le pontificat de saint Victor. Ce pape, voyant que l'hérésie abusait de la condescendance de ses prédécesseurs, veut rétablir l'uniformité partout. En conséquence il ordonne aux métropolitains de l'Orient et de. Gaules de convoquer des conciles dans leurs provinces: Pap. Victor, Romanæ urbis episcopus, direxit auctoritatem. Il y et en effet plusieurs conciles dans les provinces des Gaules, de l'Asie, d'Ephèse, de Jérusalem, de Césarée, de Corinthe, de Mésopotamie et d'Osroëne, où l'on traita de la célébration de la pâque. Tous ces conciles, à l'exception de celui d'Ephèse qui fut présidé par Polycrate, se conformèrent à la pratique de l'Église romaine, suivant l'ordre du pape Victor (1). On croyait donc alors, c'est-à-dire au second siècle, que l'autorité de l'évêque de Rome s'étendait sur l'Orient et l'Occident, sur l'Église universelle. Le pouvoir du pape n'a pas même été contesté, ni par Polycrate, qui, au lieu de lui reprocher de pousser trop loin sa juridiction, se contenta d'invoquer la pratique de son Eglise comme étant différente de celle de Rome; ni par saint Irénée, qui, en écrivant au même pontife pour l'engager à suspendre l'excommunication dont il avait menacé les dissidents, s'en tint à des considérations tirées de l'amour de la paix, sans se plaindre d'aucun empiètement de la part du successeur de saint Pierre 2).

1124. Loin de là, saint Irénée proclame la suprématie de l'Église romaine, en nous la donnant comme le centre de l'unité catholique. << Nous confondons, dit-il, tous ceux qui, de quelque manière << que ce soit, recueillent où il ne faut pas, en leur montrant la très-grande et très-ancienne Église, Église connue de tous, qui « a été fondée à Rome par les glorieux apôtres Pierre et Paul; qui conserve la tradition qu'elle a reçue des apôtres, et la foi qu'elle annonce partout, cette foi qui est parvenue jusqu'à nous « par la succession de ses évêques. C'est à cette Église, à cause de « sa principauté suréminente, que doit se réunir toute l'Église, «< c'est-à-dire, tous les fidèles de tous les pays; parce que c'est dans «< cette Église que s'est conservée la tradition des apôtres (3). »

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Suivant Tertullien, auteur du second et du troisieme siècle, rien

(1) Labhe, Concil., tom. 1, col. 599.-Voyez aussi Eusèbe, Hist. eccl., liv. v, c. 23, etc. (2) Eusèbe, Hist. eccl., liv. v, c. 23 et 24. — (3) Liv. ш contre les hérésies, c. I.

n'a pu être caché à Pierre, ainsi appelé, dit-il, parce que c'est sur lui, comme sur la pierre fondamentale, qu'a été bâtie l'Église ; à Pierre, qui a reçu les clefs du royaume des cieux, avec le pouvoir de lier et de délier sur la terre et dans le ciel (1). Il nous rappelle ailleurs que le Seigneur a donné les clefs à Pierre, et, par Pierre, à l'Église Memento Dominum claves Petro, et, per eum, Ecclesiæ reliquisse (2). Après sa chute, ce célèbre docteur, parlant d'un décret que le pape avait rendu contre les hérésies de Montan, s'exprime ainsi : « J'apprends qu'on a proposé un édit péremptoire. « Le souverain pontife, c'est-à-dire, l'évêque des évêques, dit: Je « remets les péchés d'adultère et de fornication à ceux qui auront << accompli leur pénitence (3). » Ces titres de souverain pontife, pontifex maximus, d'évêque des évêques, episcopus episcoporum, ne peuvent s'entendre que de l'évêque de Rome; d'autant plus que Tertullien adressant, un peu plus bas, la parole à l'évêque dont il s'agit, le nomme apostolique, et pape béni, épithète qu'il donne de même au pape Éleutère dans son livre des Prescriptions. Il est vrai que ce n'est que par ironie qu'il relève ici les titres de l'évêque de Rome; mais cette raillerie eût été sans fondement, elle ne se fut pas même présentée à son esprit, si le pape n'eût été en effet regardé de son temps, par tous les catholiques, comme le chef de la chrétienté et le pasteur de tous, même des évêques.

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1125. Après Tertullien vient Origène, qui, tout en disant que l'Église a été édifiée sur tous les apôtres, reconnaît que saint Pierre a le premier rang, primum locum; qu'il est plus honorable que les autres. cæteris honorabilior (4); il l'appelle le grand ou le principal fondement de l'Église, magnum Ecclesiæ fundamentum; la pierre très-solide sur laquelle Jésus-Christ a fondé son Église, petra solidissima (). Il enseigne que Pierre a reçu nonseulement le pouvoir, mais le pouvoir suprême de paitre le troupeau du Seigneur, summa rerum de pascendis ovibus (6).

1126. Saint Cyprien n'est pas moins exprès : après avoir rapporté le texte de saint Matthieu, Tu es Petrus, et le texte de saint Jean, Pasce oves meas, il ajoute : « C'est sur un que Jésus-Christ « båtit son Église, et c'est à lui qu'il ordonne de paître ses brebis. « Et quoique après sa résurrection il donne à tous ses apôtres une puissance pareille pour remettre les péchés, toutefois, pour ma

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« nifester l'unité, il établit une chaire unique, et, par son autorité, • il fait descendre d'un seul l'origine de l'unité. Les autres apôtres étaient ce qu'était Pierre; ils participaient au même honneur et à la même puissance; mais le commencement vient de l'unité. La primauté a été donnée à Pierre, pour montrer qu'il n'y a qu'une seule Église et qu'une chaire..... Celui qui abandonne la chaire de Pierre, sur laquelle est fondée l'Église, peut-il se flatter d'être dans l'Église (1)?» Écrivant au pape saint Corneille, le même docteur dit : « Les novateurs ont fait voile vers Rome avec << la marchandise de leurs mensonges, comme si la vérité ne pouvait pas les y suivre, et confondre par des preuves certaines leurs

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langues trompeuses... Ils osent naviguer vers la chaire de Pierre, « vers l'Église principale d'où est sortie l'unité sacerdotale. Ils y ont porté les lettres des schismatiques et des profanes, ne pensant « pas que ce sont les Romains dont la foi a été louée par l'apôtre, « et auprès desquels la perfidie ne peut avoir accès (2). » Si l'évêque de Rome ne passait pas pour être le chef de l'Église, qu'on nous dise donc pourquoi les novatiens condamnés en Afrique ont recours à lui; qu'on nous dise pourquoi les catholiques les y ont suivis. Évidemment, la démarche des uns et des autres prouve que l'on regardait alors l'Église romaine comme la chaire de Pierre, comme l'Église principale d'où est sortie l'unité du sacerdoce, comme ayant juridiction sur les autres Églises.

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1127. Dans sa lettre à Jubaianus : « Où ira-t-il celui qui a soif? • Sera-ce chez les hérétiques, où il n'y a ni fleuves ni sources d'eau « vive? Ne s'adressera-t-il pas à l'Église, qui est une, et qui a été « fondée par la parole de Notre-Seigneur sur un seul qui en a reçu « les clefs? Car c'est précisément à Pierre, sur qui il a bàti son Église, et dans qui il a établi l'origine de l'unité, qu'il a accordé « cette puissance, que tout ce qu'il délierait sur la terre serait délié dans le ciel (3). » On voit encore ici saint Pierre comme prin

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(1) Super illum (Petrum) unum ædificavit Ecclesiam suam, et illi pascendas mandat oves suas Et quamvis apostolis omnibus, post resurrectione1⁄4 suam, parem potestatem tribuat, et dicat, Sicut misit me Pater, etc.; tamen, ut unitatem manifestaret, unam cathedram constituit; unitatis ejusdem originem ab uno incipientem sua auctoritate disposuit. Primatus Petro datur, ut una Ecclesia, et cathedra una ministretur.... Qui cathedram Petri super quam fundata est Ecclesia, deserit, in Ecclesia se esse confidit? De l'unité de l'Eglise. — (2) Navigare audent, et ad Petri cathedram, atque ad Ecclesiam principalem, unde unitas sacerdotalis exorta est, a schismaticis et prophanis litteras ferre; nec cogitant eos Romanos quorum fides, apostolo prædicante, laudata est; ad quos perfidia habere non potest accessum. Lettre LV. — (3) Quo venturus est qui

cipe et comme centre de l'unité catholique. Saint Cyprien ne restreint point cette prérogative à la personne de saint Pierre, il l'étend à ses successeurs, à tous ceux qui occupent la chaire de saint Pierre, qui, étant le fondement de l'Église, doit durer autant que l'Église, et qu'on ne peut abandonner sans cesser d'être dans l'Église. Ce qu'il dit de la nécessité de s'unir à Pierre pour être dans la communion de l'Église, il le dit de Corneille qui occupait alors le siége de Rome: Te secum (cum Cornelio Romano pontifice), hoc est cum Ecclesia catholica communicare (1). Aussi se rend-il ce témoignage, d'avoir exhorté les fidèles à révérer dans l'Église romaine la racine et la matrice de l'Église catholique, Ecclesiæ catholicæ radicem et matricem agnoscerent (2). Enfin, saint Cyprien sollicite le pape saint Étienne d'écrire aux éyêques des Gaules, afin qu'en vertu de son autorité l'évêque d'Arles, appelé Marcien, soit éloigné de son siége, et qu'un plus digne pasteur soit mis à sa place (3). Il reconnaissait donc que le pape avait autorité sur les évêques des Gaules.

1128. Er vain nous objecterait-on que saint Cyprien a résisté au pape saint Étienne dans l'affaire des rebaptisants; car la conduite des plus saints personnages n'a pas toujours été d'accord avec leurs principes. D'ailleurs, la décision de saint Étienne n'était point un décret dogmatique solennel, et envoyé à tous les évêques de la chrétienté; c'était une simple lettre adressée à saint Cyprien : « Si quelque hérétique vient à vous, lui écrit ce pape, qu'on n'innove rien, mais qu'on suive la tradition; Si quis a « quacumque hæresi venerit ad vos, nihil innovetur, nisi quod « traditum est. » Au reste, comme l'atteste saint Jérôme, saint Cyprien a fini par se réconcilier avec saint Étienne, en renonçant à l'erreur des rebaptisants et en adoptant la pratique de Rome (4).

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1129. Dès le second siècle, Marcion, prêtre de Synope, excommunié par son évêque, eut recours à Rome pour être absous (5). Claude Apollinaire, cité par Eusèbe (6), nous apprend que Montanus, Florianus, Blascus et autres cataphrygiens, condamnés par Apollonius, évêque d'Éphèse, et par plusieurs conciles, en appe

sitit? Utrumne ad hæreticos, ubi fons et fluvius aquæ omnino non est? An ad Ecclesiam quæ una est, et super unum qui et claves ejus accepit Domini voce fundata. Nam Petro primum Dominus, super quem ædificavit Ecclesiam, et unde unitatis originem instituit et ostendit, potestatem istam dedit, ut id solveretur in cœlis, quod ille solvisset in terris. Lettre LXXIII. — (1) Lettre LII. (2) Lettre XLV. (3) Lettre LXVII. (4) Dialogue contre les lucifériens. (5) Saint Epiphane, hérés. XLII. (6) Hist. eccl., liv. v, c. 25 et 28

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