" 1138. Saint Augustin n'est pas moins exprès : « Qui ne sait, dit-il, que la principauté de l'apostolat (de saint Pierre) est « préférable à la dignité de tout autre évêque (1)? Cécilien aurait « pu mépriser la multitude de ses ennemis (des donatistes), se voyant uni par des lettres de communion et à l'Église romaine, dans laquelle la principauté de la chaire apostolique a toujours été en vigueur, et avec les autres Églises, d'où l'Afrique même « a reçu l'Évangile (2). » Le pape Innocent I ayant confirmé les décrets de deux conciles particuliers qui avaient condamné les erreurs de Pélage, saint Augustin s'exprime ainsi : « Sur cette affaire deux conciles ont été envoyés au siége apostolique; Rome « a parlé, la-cause est finie: plaise à Dieu que l'erreur finisse « aussi (3)! » " 1139. Saint Cyrille d'Alexandrie appelle saint Pierre le chef et le prince des autres apôtres, cæterorum caput ac princeps (4), et donne au pape saint Célestin les titres d'archevêque et de père de tout l'univers, archiepiscopum totius orbis et patrem (5). Théodoret a recours au pape saint Léon, en le priant de l'appeler à Rome, afin qu'il puisse montrer la conformité de sa doctrine avec celle du siége apostolique (6). Il croyait donc que l'autorité du pape s'étendait même sur les Églises de l'Orient? En effet, il dit que le saint-siége a le gouvernement de toutes les Églises du monde tenet sancta illa sedes gubernacula regendarum cuncli orbis Ecclesiarum (7). 1140. Suivant saint Prosper, « Rome, siége de Pierre, devenue par cet honneur pastoral la capitale du monde, s'est soumis, par « la religion, ce qu'elle ne possédait point par les armes (8). » Saint Pierre Chrysologue exhorte Eutychès a se soumettre au jugement de Rome, parce que c'est là, dit-il, que « Pierre vit encore sur son « propre siége, où il préside, offrant la vraie foi à ceux qui la cherchent; et que nous ne pouvons entendre une cause touchant fuerit, peribit regnante diluvio. Non novi Vitalem, Meletium respuo, ignoro Paulinum. Quicumque tecum non colligit, spargit : hoc est, qui non est Christi, antichristus est. Lettre xv, au pape Damase. - (1) Quis illum apostolatus principatum cuilibet episcopatui præferendum? Liv. 11, du Baptême, c. 11. — (2) In qua (romana Ecclesia) semper apostolicæ cathedræ viguit principalus. Lettre xxm. · (3) Hac de causa duo concilia missa sunt ad sedem apostolicam; inde etiam rescripta venerunt : causa finita est; utinam aliquando finiatur error! Sermon CXXXI. (4) Comment. sur saint Jean, (5) Eloge de sainte Marie. (6) Lettre au pape saint Léon. — (7) Lettre à René, prêtre de Rome. (8) Sedes Roma Petri, quæ pastoralis honoris facta caput mundo, quidquid non possidet armis, relligione tenet. Poëm. de Ingratis. « la foi, sans le consentement de l'évêque de Rome (1). » Saint Léon dit que Pierre gouverne proprement tous les pasteurs: Omnes pastores proprie regit (2). Saint Eucher, évêque de Lyon et contemporain de saint Léon, répète que Jésus-Christ a confié ses brebis à Pierre, qu'il en a fait non-seulement un pasteur, mais le pasteur des pasteurs, le pasteur de tous, des agneaux et des brebis, des petits et des mères, des évêques même, comme de ceux qui leur sont soumis (3). Ferrand, diacre de Carthage au commencement du sixième siècle, veut que ceux qui désirent connaître la vérité interrogent spécialement l'évêque du siége apostolique; parce que, ajoute-t-il, sa doctrine est saine, et qu'elle a pour elle le jugement de la vérité et l'appui de l'autorité (4). Saint Avit, archevêque de Vienne, regarde saint Pierre comme le chef des apôtres, le prince des princes, apostolorum capul, principum princeps (5), et ne croit pas qu'on puisse mettre le pape en jagement, sans mettre tout l'épiscopat en péril : Si papa vocatur in dubium, episcopatus jam videbitur, non episcopus, vacilare (6). Saint Césaire d'Arles écrivait au pape Symmaque : . Comme l'épiscopat prend son commencement dans la personne « du bienheureux Pierre apôtre, il est nécessaire que Votre Sainteté, « par ses décisions, apprenne manifestement à chaque Église ce qu'elle doit observer (7). (1) In omnibus autem hortamur te, frater honorabilis, ut his quæ a beato papa Romanæ civitatis scripta sunt obedienter attendas. Quoniam beatus Petrus, qui in propria sede et vivit et præsidet, præstat quærentibus fidei veritatem. Nos enim, pro studio pacis et fidei, extra consensum Romanæ civitatis episcopi, causam fidei audire non possumus. Lettre à Eutychès. — (2) De toto mundo unus Petrus eligitur, qui et universarum gentium vocatione, et omnibus apostolis, cunctisque Ecclesiæ Patribus præponatur: ut, quamvis in populo Dei multi sacerdotes sint, omnes tamen proprie regat Petrus quos principaliter regit et Christus. Magnum et mirabile huic viro consortium potentiæ suæ tribuit divina dignatio et se quid cum eo commune cæteris voluit esse principibus, nunquam nisi per ipsum dedit, quidquid aliis non negavit. Serm. 1.-(3) Prius agnos, deinde oves, Christus commisit ei ; quia non solum pastorem, sed pastorum pastorem eum constituit. Pascit igitur agnos, pascit et oves, pascit filios, pascit et matres, regit et subditos et prælatos. Omnium igitur pastor est, quia præter agnos et oves Ecclesia nihil est. Sermon sur les apótres saint Pierre et saint Paul. (4) Interea igitur, si veritatem cupis audire, principaliter apostolicæ sedis antistitem, cujus sana doctrina constat judicio veritatis, et fulcitur munimine auctoritatis. Lettre à Sévère. (5) Operum fragmenta, § 1. (6) Lettre xxxI. — · (7) Sicut a persona beati Petri apostoli episcopatus sumit initium, ita necesse est ut, disciplinis competentibus, sanctitas vestra singulis Ecclesiis, quid observare debeant, evidenter ostendat. Labbe, Concil., tom. iv, col. 1294. 1141. Saint Grégoire le Grand : « C'est une vérité connue par ⚫ la lecture de l'Évangile, que le soin de toute l'Église a été confié « par Jésus-Christ même à Pierre, le prince des apôtres. C'est à « lui qu'il est dit: Pierre, pais mes brebis. Pierre a reçu les clefs « du royaume des cieux, et, avec les clefs, le pouvoir de lier et de « délier; il a reçu le soin de l'Église universelle avec la principauté (1). Encore qu'il y ait plusieurs apôtres, le siége du • prince des apôtres a prévalu seul par l'autorité, à cause de sa « principauté (2). » Saint Maxime, abbé de Chrysopolis, mort en 662, exhorte Pyrrhus monothélite à satisfaire à l'Église universelle, en prouvant son innocence au siége apostolique ; ajoutant « qu'aux termes des conciles et des sacrés canons, ce siége a reçu « du Verbe incarné l'empire, l'autorité et la puissance de lier et de « délier sur toutes les Églises de l'univers, en toutes choses et en « toutes manières (3). » a 1142. Nous pourrions citer le vénérable Bède, qui enseigne que saint Pierre spécialement a reçu les clefs du royaume des cieux avec la principauté de la puissance judiciaire, et qu'il n'y a pas de salut pour ceux qui se séparent de son siége (4); saint Jean Damascène, qui appelle saint Pierre le coryphée des apótres, le fondement inébranlable, le chef et le recteur de l'Église universelle, le maître et l'appui des Églises de toute la terre (5); Alcuin, suivant lequel, d'après l'ordre établi de Dieu, tout porte principalement sur saint Pierre, le premier des apótres, tout venant de lui comme du chef à tout le reste du corps (6); Hinc (1) Cunctis Evangelium scientibus liquet, quod voce dominica sancto et omnium apostolorum Petro principi totius Ecclesiæ cura commissa est; ipsi quippe dicitur: Petre, amas me? Pasce oves meas.... Ecce claves regni cœlestis accepit Petrus potestas ei ligandi ac solvendi tribuitur, cura ei totius Ecclesiæ et principatus committitur. Lettres, liv. v, lettre xx. (2) Itaque cum multi sint apostoli, pro ipso tamen principatu sola apostolorum principis sedes in autoritate prævaluit. Ibidem, liv. vu, lettre XL. — (3) Apostolica sedes, ab ipso incarnato Dei Verbo.... universarum quæ in toto terrarum orbe sunt sanctarum Dei Ecclesiarum, in omnibus et per omnia, percepit et habet imperium, auctoritatem et potestatem ligandi et solvendi. Opera S. Maximi, tom. 11, pag. 76, édit. de 1675.— (4) Petrus specialiter claves regni cœlorum et principatum judiciariæ potestatis accepit, ut omnes per orbem credéntes intelligant, quia quicumque ab unitate fidei vel societatis illius quolibet modo se ipsos segregant, tales non januam possint regni cœlestis ingredi. Homél. sur la féle de saint Pierre et de saint Paul. — (5) Petrum coryphæum, firmum fundamentum, infractam petram. Sacra parallela. — Petrum Ecclesiæ toto mundo diffusæ moderatorem constituit Dominus. Homél. sur la transfiguration. — (6) Religionis cultum sic Dominus instituit, ut in beatissimo Petro apostolorum mar, archevêque de Reims, qui donne à saint Pierre le titre de prince des apótres, enseignant que le saint-siége tient de JésusChrist la principauté de toutes les villes de la chrétienté (1); saint Anselme, qui regarde le souverain pontife comme chargé de Dieu de gouverner l'Eglise et de conserver la foi, ad fidem christianam custodiendam et Ecclesiam regendam (2). De tous les anciens auteurs ecclésiastiques, il n'en est aucun qui ait contesté à saint Pierre le titre de prince des apôtres, et à l'évêque de Rome celui de successeur de saint Pierre. Tous ceux qui ont parlé du pape en ont parlé comme du vicaire de Jésus-Christ, du centre de l'unité catholique, du chef de l'Église universelle. 1143. Qu'il nous suffise donc, pour terminer cet article, de rapporter ce que dit saint Bernard, qui résume ainsi toute la tradition : « Voyons, écrivait-il au pape Eugène III, voyons qui vous « êtes, qui vous représentez ici-bas dans l'Église de Dieu. Vous « êtes Abel, par la primauté; Noé, par le gouvernement; Abraham, " par les droits de patriarche; Melchisedech, par l'ordre; Aaron « par la dignité; Moyse, par l'autorité; Samuel, par la judicature; « Pierre, par la puissance; Jésus-Christ même, par l'onction. Vous « êtes celui à qui les clefs ont été données, à qui les brebis ont été confiées. Il y a d'autres portiers du ciel, et d'autres pasteurs; " « mais vous avez hérité d'autant plus glorieusement de ces grands noms, qu'ils vous appartiennent d'une façon plus particulière et « plus excellente. Ils ont chacun le troupeau qui leur a été assigné; « à vous seul ont été confiés tous les troupeaux, qui n'en forment « qu'un seul. Vous êtes, vous seul, non-seulement le pasteur des « brebis, mais encore le pasteur des pasteurs. Vous me demandez «< comment je le prouve? Par la parole du Seigneur: car à qui, je ne dis pas d'entre les évêques, mais d'entre les apôtres, les « brebis ont-elles été confiées aussi absolument et aussi indistincte«ment qu'à vous? Pierre, si tu m'aimes, pais mes brebis. Lesaquelles? Le peuple de telle ou telle ville, d'une certaine région « ou d'un certain royaume? Mes brebis, dit-il. Qui ne voit qu'il « n'en désigne point une partie, mais qu'il les assigne toutes? Où ་་ " summo principaliter collocaret, atque ab ipso quasi quodam capite dona sua vellet in corpus omne manare. De l'office divin. — (1) Petrus princeps apostolorum.... non ab homine, neque per hominem, sed per Dominum Jesum Christum, sancta sedes omnium civitatum meruit principatum.... Hæc vero sancta romana et apostolica Ecclesia, non ab apostolis, sed ab ipso Domino salvatore nostro primatum obtinuit. De la prédestination. —(2) Liv. 1, de l'Incarnation, « rien n'est distingué, rien n'est excepté. Et les autres disciples « étaient présents, lorsque, confiant l'unité à un seul, il formait de tous un seul troupeau sous un seul pasteur... Où est l'unité, là « est la perfection. Les autres donc ont été admis, selon les règles établies par vos décrets, à une partie de la sollicitude, tandis que « vous avez été appelé à la plénitude de la puissance. La puissance « des autres pasteurs est restreinte dans de certaines limites; la « vôtre s'étend à ceux mêmes qui ont reçu l'autorité sur les fidèles. • Ne pouvez-vous pas, si vous en avez une juste cause, fermer le ciel à un évêque, le déposer de l'épiscopat, et même le livrer à Satan? Votre privilége demeure donc inébranlable, parce qu'il « repose sur le don des clefs, et sur le soin des brebis qui vous ont été confiées (1). » ㄍ 1144. Le saint docteur écrivait dans le même sens aux Milanais : « La plénitude de puissance sur toutes les Églises du monde « a été donnée au siége apostolique par une prérogative singulière. . Celui donc qui resiste a cette puissance, résiste à l'ordre de « Dieu. Elle peut, si elle le juge utile, établir de nouveaux évèchés « où il n'en existe pas encore. Parmi ceux qui existent, elle peut « élever les uns et abaisser les autres, selon qu'il lui paraît convenable; en sorte qu'il dépend d'elle de mettre les évêques au rang « des archevêques, et, réciproquement, selon qu'il lui semble né« cessaire. Elle peut, des extrémités de la terre, citer en sa présence les personnes pourvues des plus hautes dignités ecclésiastiques, aussi souvent qu'elle le juge a propos. S'il arrivait que quelqu'un tentaât de lui résister, elle peut punir à l'instant sa désobéissance (2). » " ARTICLE III. Preuve de la primauté de saint Pierre et de ses successeurs, par l'enseignement des papes et des conciles 1145. On nous demandera peut-être comment nous osons prouver la primauté de saint Pierre et des papes ses successeurs, par l'enseignement même des papes. Mais un pape a-t-il cessé de pouvoir être témoin de la croyance de son temps, touchant la primauté de Pierre, par cela même qu'il est plus à portée de connaître (1) Voyez Opera S. Bernardi, de la Considération, liv. 11, c. vIII. — (2) Voyez, ibidem, la lettre cxxxi de saint Bernard. |