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>>cueur, vous trouveriés que je vous ayme et que je vous révère. Respond l'ambassadeur: Si vous voyez le myen, >> vous trouveriez le semblable. - Dict davantage ledit ar»cevesque : J'ai négotié avec vous aussy sincèrement et >> nettement que homme sçauroit faire. - Respond l'ambassadeur: Et moy avec vous aussy sincèrement et nette»ment que vous avec moy, pour le moings. Vous voulez » donc dire qu'il y a quelque chose de plus; vous ne sçau»riez avoir négotié plús sincèrement que moy. Dit l'am>>bassadeur: Je ne veux point dire plus: je veux dire ce » que et que je vous reditz encore; vous me reprochez que » vous avez négotié sincèrement et nettement avec moy, » je dictz que j'en ay faict autant avec vous, pour le >>> moins. » Là dessus, sans autre raison ny propos, ledit arcevesque luy va donner un démentye. Ledit ambassadeur fut si troublé qu'il confesso, recepvant cette injure, avoir esté tout prest de le saisir à la barbe et à la gorge, et ne sçay comme Dieu l'en garda. Toutes foys, toute la revanche qu'il en print fut de lui dire : «Maistre fol, maistre sot, vous » m'avez indiscrètement, et insolentement, et sans propoz » démenty et oultragé en ma maison, tenant le lieu que je » tiens; souvenez-vous-en. Si je n'avois respect au maître » que nous servons et au lieu où je me trouve, et plus de » discrétion que vous, je vous ferois saulter les fenes.. >> tres, et n'y auroit point de faulte; et vous apprendrois >> comme il faut parler aux gens de bien ; mais j'espère que >> je le vous feray sentir. » Ledit arcevesque, continuant ses indiscrettes et braves paroles, entre autres luy dit; qu'ils se trouveroient ailleurs. Ledit ambassadeur respondit : « Quant vous vouldrez; pleut à Dieu que ce peust »estré tout à ceste heure. » L'arcevesque dit : « Je ne suis poi homme d'espée. Ne moy, dit l'ambassadeur, non >> plus que vous; mais je ne suis point homme pour endurer

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>>oultraige, et puisque vous n'avez respect à moy ne à >> mon honneur, et que vous me traittez en vallet, j'en au>>ray aussy peu à vous que à ung laquay. » Ledit arcevesque, suivant son stille d'injurier hors de propos, va dire : »Je vous serviray de laquais, je feray vos flebvres, quartaines. L'ambassadeur respond : « Voilà un honeste langaige, c'est le langaige d'un vray bellistre; vous » monstrés l'honnesteté qui est en vous. Je vous prie, » ne tentez plus ma patience, car j'ay peur, à la fin, qu'elle » n'eschappe. » Continuant ses coups il va menacer ledit ambassadeur du conseil privé du Roy, disant que leur querelle se vuyderoit là. Il luy respond que les siens et luy estoient conneus des Roys et de leurs conseils avant qu'on sceut qu'il fust au monde, et que, quand le Roy · entendroit le fait, Sa Majesté jugeroit que ledit ambassadeur avoit usé de grande patience et de grande discrétion, veu le lieu qu'il tenoit, l'outrage qui luy estoit fait, et le moyen qu'il avoit de s'en ressentir; et au contre seroit jugé que ledit arcevesque avoit sottement, et témérairement, et insolentement parlé, et seroit coneu à l'adventure que ce n'estoit pas la première fois qu'il n'avoit parlé avec toute la discrétion et le respect qu'il debvoit avoir. « Vous » voulez-donc dire, dit l'arcevesque, que j'ay esté juge indiscret du conseil privé? Je ne dis point cela, dit l'am»bassadeur; mais je ditz que le conseil cognoistra que ce » n'est pas la première follie que vous avez faitte et qu'il »ne fault point que vous me menassiez du conseil du Roy; » car je y seray ouy comme vous, et n'ay peur là de yous, >> tout évesque que vous estes; car vostre diocèze ne s'es>> tend point jusques-là, et je ne suis vostre brebis ne vostre >> mouton, et n'avez nulle auctorité sur moy. »

Cette mesme après disnée allèrent tous troys devers le Pape, où ledit arcevesque de Vienne, persévérant de se

magniffier et de déprimer l'autorité appartenante à l'ambassadeur à cause de sa charge, tant en public que ailleurs, après avoir dit au Pape qu'il falloit qu'il s'en retournast en France, suivant le commandement qu'il en avoit du Roy, luy dit que, si la privation ne pouvoit estre sitost faitte, qu'il laisseroit icy un sien parent, qu'il appella chambrier du Roy, pour porter ladite privation, comme si l'ambassadeur, en toutes choses, ne debvoit estre compté pour rien et que ce fust à luy à ordonner et disposer des despesches et de ceux qui l'en doibvent porter, non-seulement durant le temps de sa résidence par de çà, mais encores après. A quoy ledit ambassadeur, par modestie, ne voulant aucune chose respondre ou réplicquer, combien que ce feust une notable arrogence et une nouvelle bastonnade qu'il luy donnoit en bonne compaignie, où ses termes furent bien notez.

Voilà les parolles advenuës, après que ledit ambassadeur a recueilly, honoré et le myeulx traicté qu'il luy a esté possible ledit arcevesque de Vienne, plus de deux moys.

Fait et rédigé par escript audit Rome, dez le 6 dudit moys de may 1557.

Ce jourd'huy, treiziesme jour du moy de may 1557, lo présent escript, contenant quatre feuillets, a esté par moy souscript, secrétaire du Roy à Rome, monstré et leu parolle pour parolle au sieur de La Chapelle, qui a dit et respondu que se qui a passé en sa présence est bien et deuement narré selon la vérité du fait. En foy de quoy j'ay signé la présente certification ou attestation, les an et jour que dessus, à la requeste de mondit sieur de Selve, ambassadeur.

Signé, BOUCHEr.

DISCOVRS

DE CE QU'A FAICT

EN FRANCE

LE

Heraut d'Angleterre, et de la responce que luy a fait le Roy.

A PARIS,

Pour Estienne Denise, demourant rue S. Iacques, à l'Elephant,

deuant les Mathurins.

Auec priuilege.

1557.

AVERTISSEMENT.

Henri II, se croyant autorisé à rompre la trève conclue entre la France et l'Espagne, donna ordre à l'amiral Coligni de s'emparer de Douai. L'amiral échoua devant cette ville et se rabattit sur Lens qu'il saccagea. Philippe, roi d'Espagne, qui ne souhaitait que la guerre, saisit avidement cette occasion de la recommencer. Pour mieux assurer le succès de ses armes, il résolut de se liguer avec l'Angleterre. Il avait épousé la reine de ce pays et se rendit près d'elle afin de la déterminer à le secourir contre la France. Le parlement anglais donna son consentement, et Marie envoya vers Henri II un héraut dont la pièce suivante raconte la mission.

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