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d'une douzaine, oste-moy ces poils, disje à mon barbier, et n'en laisse aucun, ce qu'il feit. Sçavez-vous ce qui m'advint (adressant la parole à tous les seigneurs françois)? quelque peu de temps après, me voulant reveoir au miroir, je trouvai que pour un poil blanc que j'avois. faict oster il m'en estoit revenu trois. Et si j'eusse voulu faire oster ces derniers, en moins de rien, je fusse devenu blanc comme un cigne.

Après il demanda de monsieur le connestable, qu'il loüa beaucoup comme bon et util serviteur de son maistre.

Il feit aussi mention de madame de Valentinois, et non d'autres; car il sçavoit qu'en ces deux consistoit toute la faveur et autorité, et jectant la veüe sur tous les François : «Je crois, dict-il, que Bousquet doibt estre icy; car on m'a dict qu'il est venu par deçà. Je ne le congnois point de veüe, mais je pense que ce soit celuy-là, le monstrant au doigt. Sire, dit monseigneur l'admiral, c'est luy : Hé bien Bousquet, tu nous as bien faict largesse de tes escus, comment te portes-tu ? Sire, dict-il, vous m'ostez la parole de la bouche, en daignant vous abaisser envers un si petit ver de terre que moy. Hɔ, dit l'Empereur, ne te souvient-il plus de la journée des esperons, devant toy et monsieur le mareschal de Strossy. » Bousquet repartant soudainement et de bonne façon, dist : « Ouy Sire, il m'en souvient très-bien. Ce fut au mesme temps, que vous achep tastes ces beaux rubis et escarboucles, que vous portez dans les doigts. C'estoient de gros nœuds que ce prince avoit qui luy rendoient les mains comme percluses; il eust si bonne grâce à donner ce traict, que l'Empereur et toute l'assistance s'esclatèrent de rire. Et dist lors ce prince : « Je ne voudrois pas pour beaucoup, n'avoir apris de toy ceste sage leçon de ne s'adresser jamais à un que tu face

T. III.

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306 HISTOIRE particulière de la court de henry II.

semblant d'estre; mais je t'asseure que tu ne l'es pas.

Après, monsieur l'admiral, prenant congé avant que la compaigneé fust descendue, ce prince avoit faict ouvrir toutes fenestres de sa chambre, qui regarderoient sur le parc, où estoit le passage de notre retour; et là se présenta pour estre recongneu de tous; car, peu de jours avant, on l'avoit faict și malade qu'on l'avoit tenu pour mort.

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DES OBSEQVES, FVNErailles et enterrement de feu de tresheureuse memoire le Roy Henri deuxieme de ce nom, Tres-chrestien, Prince belliqueux, accompli de bonté, l'amour de tous estats, prompt et liberal, secours des affligez.

PAR

LE SEIGNEVR DE LA BORDE Francois de Signac, Roy d'armes de Dauphiné.

A PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE ROBERT ESTIENNE. M. D. LIX.

Auec Priuilege de la Court.

AVERTISSEMENT.

Henry II voulut solenniser par un magnifique tournois les noces de sa fille aînée, Elisabeth de France, avec Philippe, roi d'Espagne. Il entra lui-même en lice, et sortit victorieux de plusieurs assauts. Mais s'étant mesuré avec Montgommery, capitaine de ses gardes, ce dernier combat lui devint funeste. L'impétuosité du choc brisa la lance de Montgommery, et le tronçon qui lui restait à la main, venant frapper dans la visière du prince, lui creva l'œil droit. On l'emporta sans connaissance au palais des Tournelles où il mournt.

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Le vendredi, dernier jour de juin mil cinq cens cinquante-neuf, le dict seigneur ayant été blessé en un tournoy, d'un contre-coup de lance sus l'œil droict, et après avoir reçu tous les sacremens de l'église en très-grande dévotion, et faict catholique confession et protestation de sa foy, trespassa aux Tournelles, à Paris (1) (au grand re

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(1) Voici quelques détails sur les derniers momens de Henri II, extraits d'un sermon prononcé à ses obsèques par Jérôme de la Rovère, évêque de Toulon. Ce sermon a été publié par Robert Estienne. Paris, 1559, in-4°. Depuis que le bon prince fut blessé de ce coup de lance en l'œil droict, qui fut le dernier jour de juing, il se trouva véritablement si estourdi pour ceste heure-là qu'il ne feist aultre chose que de se laisser médeciner et accoustrer sa playe. Le lendemain il demanda son confesseur, auquel il se confessa fort dévotement et en grande contrition de cœur, et encores n'avoit-on point descouvert qu'il eust fiebvre; laquelle luy estant survenue le quatrième jour d'après, et gaignant peu à peu l'apostume qui s'engendroit en sa cervelle, l'on cogneut qu'il n'avait l'entendement si clair et si net qu'il souloit, fors qu'en une chose seule c'estoit d'écouter ententifvement et respondre à propos quand on luy parloit de Dieu ou qu'on lui remémoroit le mérite de la passion

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