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sonne du condamné dont avons fait mention. L'exécution faite et les trois corps chargez avec ce quatriesme brigand et deux archers du prévost, l'exécuteur, ayant esté pratiqué en la ville moyennant quelque somme de deniers, fit si bien avec ce quatrième, dont il faisoit desjà son valet, qu'estans les archers en une taverne il se sauva, de sorte que le parlement demeura tout confus, et le per sonnage dont est question toujours prisonnier. Cependant voicy venir la paix, par laquelle le pays, hors mis certaines villes, devoit estre rendu au duc de Savoye, ce qui apporta un grand mescontentement et remuement à Turin. Sur ceste nouvelle le président Birague fut tellement sollicité de délivrer ce pauvre prisonnier, qu'il voyoit luy-mesme avoir esté préservé tant de fois de la mort miraculeusement, qu'il enjoignit au geôlier de luy laisser un jour la porte de la prison ouverte et luy dire en l'oreille qu'il se sauvast. A quoy ne faillit le prisonnier, se retirant au pays d'Angoulmois, d'où il estoit. (Hist. de France sous Charles IX, liv. 14.)

Sédition.

Le Roy François I ayant esté pris prisonnier en la bataille de Pavie, l'an 1524, au mois de février, et tenu sous grosse garde quelque temps en Italie par les impérialistes, finalement ils résolurent (de peur qu'il leur eschappast) le mener en Espagne. Ayans espié le temps propre Charles de Lanoy, vice-roy de Naples, fit équipper force galères, et avec un vent commode et vaisseaux bien four. nis de soldats, pour faire voile seurement avec si riche trésor, se mit à la voile; vers Barcelonne, où le Roy fut magnifiquement receu; puis après, les galères voguèrent assez près de terre jusques à Alicantera, port du royaume de Valence, pour d'illec estre mené par terré jus

ques à Tolède, où lors estoit l'Empereur Charles V. Le Roy descendu en ce port, les soldats qui l'avoyent gardé en ce voyage hazardeux et en Italie, depuis sa prise, commencent à demander payement; et pource que Lanoy faisoit la sourde oreille, ils se mutinent, et, prenans leurs armes, courent après luy pour le despescher. Bien luy print qu'il avoit bonnes jambes pour se jetter en des jardins prochains, d'où il se sauva plus loin, se tenant caché jusque à ce que les séditieux furent contentez. Durant leur esmeute, quelques coups furent laschez, surtout une mousquetade, de laquelle le boulet donna droict à certaine croisée de marbre contre laquelle le Roy estoit adossé, en une chambre haute où il estoit monté à la descente de sa galère, tellement que peu s'en fallut qu'il ne laissa ilec la vie. Mais autre recherche de justice ne fut lors ny depuis faicte de tels séditieux; au contraire, ils furent payez de leurs gages et remerciez de la bonne garde et conduite de leur prisonnier. (Paul Jove décrit ceste sédition au 7° livre de la vie du marquis de Pesquaire. )

Songe extraordinaire.

Catherine de Médicis, Royne de France, la nuit précédente le jour que le Roy Henry second, son mari, receuts le coup de lance en la teste dont il fut si griefvement blessé que la mort s'en en suivit puis après, songea qu'on avoit tiré un œil de la teste de son mary. Le matin venu, après avoir rompu plusieurs lances, comme la Royne le fist prier de se retirer et que le duc de Savoye s'y employast, il luy envoya dire par le mareschal de Montmorenci qu'il ne courroit plus qu'une fois, et ce pour l'amour d'elle. Sur ce, ayant envoyé une lance au comte de Montgommeri, luy commandant de courir contre luy, et le comte s'en

excusant bien fort, ou pour la révérence qu'il portoit & son prince, ou pour crainte de faillir, comme il avoit fait plusieurs fois le premier jour, sans pouvoir donner atteinte contre aucun des tenans, le Roy luy envoya enjoindre bien exprès de ne plus restiver. Le comte courut, et, rompant sa lance sur la cuirasse du Roy, un esclat donna dedans la visière de l'armet du Roy, laquelle n'estant bien fermée, cest esclat entra dedans l'œil si avant que le test en fut fellé, dont s'ensuit la mort peu de jours après. (P. Peucer, au 10 livre de son Commentaire de diverses sortes de divinations, chap. 1or.)

EXTRAITS

DU CHOIX

D'HISTOIRES MÉMORABLES

PAR

ADRIEN DE BOUFFLERS. (1)

De M. de Billy.

Si les payens ont recogneu, au travers des espais brouillards de leur ignorance, de combien l'humaine condition est incertaine et pleine de vanité, ceux qui sont frappez du meilleur coing, et qui ont l'Escriture saincte pour guide et porte-flambeau en leurs actions, peuvent recognoistre plus évidemment quelles sont les tromperies dont elle est accompagnée, suivant l'instruction que nous en auroit donné le philosophe Job, quand il dit que la vie de l'homme est une vraye guerre sur la terre, estant continuellement assiégée des piperies des monde, des aiguillons de la chair et des embusches du diable. Ce qu'estant profondément considéré par le sieur Jean de Billy, fils du seigneur

(1)Les pièces suivantes, jusqu'à la page 403, sont extraites d'un livré rare qui a pour titre : Le chois de plusieurs histoires et autres choses mémorables, tant anciennes que modernes. Paris, Mettayer, 1608, 1069 pages in-8°. Ce volumineux recueil contient une foule d'anecdotes réunies sans aucun ordre. Nous en avons extrait plusieurs récits curieux sur le règne de Francois I et de Henri II. L'auteur de cette compilation est Adrien de Boufflers, gentilhomme de la chambre de Henri III, mort le 28 octobre 4622, âgé dẹ quatre-vingt-dix ans.

de Prunay, gouverneur de Guise, il trouva que c'estoit une très-pénible et onéreuse charge que de bien et loyaument s'acquiter de deux abayes qu'il avoit en sa possession, à sçavoir Sainct-Michel-en-l'Er et Nostre-Dame-desChastelliers; veu que ceux, lesquels n'ont soin que de leurs ames, sont assez empeschez à se séparer de tels ennemis qu'ils ont sur les bras, et aussi que ce rigoureux arrest des sainctes lettres, asçavoir qu'à grand peine le juste pourra y estre sauvé, le choquoit de si rudes appréhensions qu'il n'eut aucun repos en son ame tant qu'il eust envoyé vers Jacques de Billy (1), son frère, qui apprenoit lors la langue hébraïque à Avignon, pour lui faire sçavoir que sa résolution estoit de mettre entre ses mains ses deux bénéfices, pour dire adieu au monde et se confiner en un couvent de chartreux, nommé Bourgfontaine. Ce qu'ayant accepté son frère, il s'y rendit simple religieux, et après avoir posé à la porte de ceste maison la gloire de sa noblesse, les bombances de ce siècle, les superfluitez de ses habits, la friandise de sa cuisine Bref, après avoir prins congé de tout luxe et délices, il receut un tel plaisir en sa petite cellule, en son simple vêtement, cn son vivre modéré et en sa solitude, où il n'avoit autre soin que de vacquer à oraisons et à estudier, qu'à toutes heures et momens il louoit la divine Providence de la bonne inspiration à lui donnée par son Sainct-Esprit, pour avoir choisi ceste vie saincte et religieuse, affermant que les trois mois passés en sa solitude luy avoient apporté plus de contentement qu'il n'en avoit receu en sa vie dans la carrière de ce monde; à raison de quoy plusieurs princes et seigneurs l'allant visiter, remportoient beaucoup de satisfaction en

(1) Jacques de Billy, né à Guise, en 1555 mort le 25 décembre 1581, chez Genebrard, son ami. On a de lui un grand nombre d'ouvrages, dont on trouve la liste dans le vingt-deuxième volume des Mémoires de Niceron.

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