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14 JUNE 45.

STECHERT

27 U.

HIST.

T. HII.

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PAR UNG DOUBLE DE LECTRES ESCRIPTES DE BOULOIGNE

A ROMME A L'ABBÉ DE CAPRARE,

Translaté d'italien en françois.

AVERTISSEMENT:

L'empereur Charles V passa le Var le 25 juillet 1536, à la tête d'une armée de soixante mille hommes, et s'avança jusqu'à Aix, où il fixa son camp. Il projetait la conquête de la Provence et du Languedoc, pour joindre par là ses états d'Italie à ceux d'Espagne. Cette tentative ambitieuse échoua devant la vigoureuse défense des habitans de Marseille, qui l'obligèrent à lever le siége de leur ville, le 11 septembre. Il s'en retourna au-delà des Alpes, couvert de confusion et après avoir perdu la plus grande partie de ses troupes. La lettre suivante renferme le bulletin de cette expédition. Il y règne un ton satirique, et l'auteur ne s'étudie pas moins à railler avec malice qu'à raconter avec détail.

DU GLORIEUX RETOUR

DE

L'EMPEREUR.

Monseigneur, il y a desjà long-temps que je receuz voz lectres, esquelles vous m'escripviez de la venue de l'Empereur à Romme et de la harengue longuement pourpensée, puy prononcée par luy contre le Roy très-chrétien, ès présences de nostre Sainct-Père, des très-révérends cardinaulx, et de messieurs les ambassadeurs de tous les prin: ces chrestiens en laquelle harengue, après plusieurs querelles alléguées, mais mal prouvées, il fit protestations très-grandes qu'il estoit provocqué à faire la guerre. Parquoy il entendoit de la faire avecques toutes ses forces, et là, exaltant et magnifiant sa fortune, bonheur et félicité, dict qu'il ne doubtoit nullement de n'avoir contre le dict Roy, victoire ne de l'aller assaillir jusques en ses pays. Lequel propos j'eusse creu, ou estre engendré de quelque trop grande éloquence, ou procédé de colère, si je n'eusse depuis entendu ceste mesme sentence avoir été par luy répliquée en présence de plusieurs grands personnaiges, et que souvent s'est vanté que, non-seulement il luy feroit la guerre en son royaulme, mais qu'il l'en jecteroit dehors et le feroit le plus povre gentilhomme de son pays; ce que je vis en ce temps-là estre creu de plusieurs, qui faisoyent fondement, non tant sur son bonheur comme sur son år

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mée, et de moy (à dire la vérité), je n'en fus poinct sans quelque soupeçon, pensant oultre les dictes raisons que ce grand prince estoit estimé véritable de sa parole, et qu'il faisoit tout ce qu'il disoit. Et encores que je ne saiche logique, si faisois-je cette conclusion: s'il faict tout ce qu'il dict, comme il en a le bruit, certainement les choses de France sont en dangier de se mal porter. Puis d'aultre part, tournant mon esperit au royaulme de France, et à ce que j'avoye aultres foys ouy dire des forces d'icelluy, et combien de foys l'ont en vain assailly les ennemys, je me imaginoye que ceste reigle d'estre toujours véritable pourroit en ce cas recepvoir exception, et demeuroye ainsi suspens sans faire response à vos lectres, attendant quelle fin auroient ces tant de menaces. Or, ayant entendu ce qu'il s'est ensuivy de la glorieuse entreprinse faicte en Provence par ung homme digne de foy, lequel s'est trouvé présent à tout et est nouvellement retourné du camp impérial, je le vous ay bien voulu escripre, affin que vous voyez combien peu de raison avoit l'Empereur de faire à Romme tant de braveries et de menaces, comme vous m'escripvistes. Je dy doncques que, après que l'Empereur fut party de Romme, il ne trouva homme par le chemin qui luy parlast de la paix, à qui il ne monstrast ung mauvais visaige, et principallement depuis qu'il sceut l'armée du très-chrestien avoir laissé de prendre Vercel, comme elle eust bien peu, et s'estre retirée, non pas de paour des ennemys, mais par ordre et exprès commandement du Roy mesmes, lequel, comme celluy qui a bon cœur et digne d'ung prince chrestion, ne craignit poinct à mectre ses propres affaires en désadvantaige pour l'advantaige du bien commun, et pour plus clérement faire à chascun manifeste sa volonté encline à l'universel bien de la paix, croyant aussy que l'Empereur ne deust poinct refuser

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