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à le faire goûter en France. Il avait été plus facile de prendre les noms de Caton, d'Aristide et d'Agricola, que d'imiter les vertus de ces grands hommes. On ne change point en un moment l'esprit, le caractère, les mœurs, les habitudes d'une nation. Tous les bons esprits en convenaient : on n'avait pas tardé à s'en apercevoir, même dans le sein de la Convention. Plusieurs hommes, instruits par l'expérience du présent et le souvenir du passé, pouvaient sentir la nécessité d'une autorité plus concentrée, plus imposante, qui fit cesser l'anarchie sans comprimer la liberté.

Durand de Maillane porta ces principes et ces vues dans le Conseil des anciens, dont il fut membre, en vertu de la constitution de l'an IV. Avec de telles intentions, il se trouvait placé sur-le-champ dans les rangs de ceux que

le Directoire devait traiter en ennemis. Aussi fut-il atteint par le 18 fructidor. Accusé d'avoir entretenu des relations avec les émigrés, d'avoir favorisé leurs radiations, il fut mis en arrestation au Temple. Après plusieurs mois de séjour dans cette prison, il en sortit par un jugement que rendit en sa faveur le tribunal de la Seine, le 21 février 1798.

Ici se termine la carrière politique de Du

rand de Maillane, qui fut, dès ce moment, rendu à ses travaux de jurisconsulte, à ses devoirs de magistrat (1). Il commença dès-lors à rassembler aussi les matériaux de ses Mémoires sur la Convention nationale. Durand de Maillane s'y était trouvé placé de manière à bien peindre la conduite de cette Assemblée. Un sens droit le mettait en garde contre ce qu'il découvrait de faux, d'injuste et de dangereux dans les doctrines; il était par caractère ennemi de tous les excès. Il n'épousa la querelle d'aucun parti; mais je crois que les grands talens

(1) Après l'Assemblée constituante, il avait été porté, pour ainsi dire, par la reconnaissance de ses concitoyens, à la place de premier juge du tribunal de son district; après le 18 brumaire, il fut nommé président du tribunal civil de Tarascon. Élevé depuis aux fonctions de conseiller à la cour d'Aix, il demanda sa retraite en 1809, et conserva le titre de conseiller honoraire jusqu'en 1814, époque de sa mort.

Comme avocat, Durand de Maillane avait beaucoup écrit ; comme député, il prononça, ou fit imprimer, un grand nombre de discours, d'opinions ou rapports, pendant la durée de l'Assemblée constituante, de la Convention et du Conseil des anciens.

Quant aux Mémoires qu'on va lire, ils ont été revus et mis en ordre par un jeune écrivain d'un mérite distingué et qui est né, comme leur auteur, sous le ciel de la Provence. On doit à M. Crivelli, qui fut l'ami et l'exécuteur testamentaire de Durand de Maillane, les renseignemens sur lesquels cette notice est écrite.

des girondins excitaient son intérêt, quoiqu'il ne pût s'empêcher de blâmer et les dédains de leur éloquente supériorité et les imprudences de leur confiance présomptueuse.

On a beaucoup loué la vigoureuse franchise avec laquelle le marquis de Ferrières juge les hommes et les choses, pendant le cours de l'Assemblée constituante: on retrouve dans Durand de Maillane, sur la Convention, la même impartialité. On reconnaît ce principe, ou plutôt ce sentiment d'équité, dans l'empressement qu'il met à se ranger du côté des opinions qui ont le plus besoin de renforts. Ainsi les désordres d'une absurde anarchie lui font désirer une plus sage concentration du pouvoir. Ainsi les profanations et les apostasies scandaleuses de 93, et les cérémonies pompeusement burlesques du culte de la Raison fortifièrent dans son cœur tout le zèle de sa croyance.

Tel fut Durand de Maillane; et ce vieillard, en terminant sa carrière dans un âge avancé, laissa la réputation d'un écrivain laborieux, d'un jurisconsulte savant, et mérita les regrets qu'on donne aux gens de bien.

AVANT-PROPOS.

PERSONNE n'a encore entrepris l'histoire de la fameuse Convention nationale de France con-voquée, en août 1792, par le corps législatif. On a diverses histoires de l'Assemblée constituante qui en font même désirer une bonne. Pourquoi donc ne pas faire connaître au public les faits beaucoup trop célèbres qui ont suivi la première époque de notre révolution? Pourquoi se taire sur les abus étranges qu'on a faits dans la Convention nationale des principes sur lesquels était fondée la constitution de 1791; constitution calomniée, mais qui, dans tout pays jaloux de sa liberté, sera considérée, relativement à la France et au temps où elle fut faite, comme un chef-d'œuvre de sagesse politique? Ceux qu'elle blesse l'accusent de folie, et par où? les droits de l'homme en société qui sont et seront éternellement justes!

par

Leur usage serait-il donc criminel? L'on convient assez généralement aujourd'hui que la France, par son étendue, comme par les mœurs et le caractère de ses habitans, ne comporte pas un gouvernement démocratique. Aussi est-on revenu comme par instinct à la forme monarchique. Les consti

T. I.

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tuans l'avaient prévu, quand leur comité de constitution disait, par l'organe de l'un de ses orateurs les plus distingués, M. Thouret, victime de Robespierre : « Le roi est la pierre angulaire sans la

quelle il ne peut y avoir en France une bonne cons>>titution. >> Ces premiers représentans étaient parvenus, dans leurs nouveaux et justes principes, à tout concilier, la monarchie avec la liberté, la liberté niême avec la religion. En effet qu'on le remarque en rendant tous les cultes libres, on ne pouvait plus en distinguer un seul sur tous les autres, et dans le temps où nous sommes, il n'est plus possible d'en laisser plusieurs dans la contrainte; ce qui n'empêchera pas que le culte romain ne soit toujours le plus suivi dans la France où il dominait exclusivement avant la révolution.

Pour adoucir les sacrifices qu'exigeaient, du roi Louis XVI, les nouveaux principes touchant le pouvoir originaire et foncier de la nation, on l'avait fait, dans la révision, représentant héréditaire du peuple français contre les formes constitutionnelles des élections. Après les procédés généreux de ce prince dans les premiers actes de l'Assemblée constituante, c'était, de la part de cette Assemblée, un acte de justice qu'elle aurait certainement poussé plus loin, si elle avait prorogé sa session pour faire marcher elle-même sa propre constitution, et pour l'amender au besoin après l'avoir essayée. On lui reproche aujourd'hui, et avec raison, comme un grand tort, de ne l'avoir pas fait.

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