Images de page
PDF
ePub

parts le décret d'arrestation contre ces indignes mandataires. La Convention, successivement consultée sur chacun des membres inculpés, prononce leur décret d'arrestation. On demande ensuite que les représentans du peuple Bellegarde et Piory s'expliquent sur un fait qu'on leur impute, savoir qu'ils ont fait sonner le tocsin dans la cour des Ecuries de Chartres. Ces deux membres sont entendus; ils protestent fortement contre l'imputation, et l'Assemblée passe à l'ordre du jour.

Un membre, au nom des comités réunis de salut public, sûreté générale et militaire, vient rendre compte des mesures que les comités, dans le temps qu'on tenait la représentation nationale enchaînée, ont prises pour lui rendre sa liberté, garantir les citoyens égarés de leur propre fureur, et assurer les subsistances. La Convention approuve les mesures en ordonnant que l'arrêté qui les contient sera imprimé, distribué, envoyé aux départemens, et inséré un bulletin de correspondance.

Un membre propose de décréter que toutes les farines qui sont entre les mains des traiteurs, restaurateurs et pâtissiers, seront versées dans les magasins de la république, pour être employées à la subsistance de tous les citoyens, et que provisoirement, il ne sera plus fabriqué ni gâteaux, ni brioches, mais une seule espèce de pain. Cette proposition est a doptée.

Une députation de la section de Brutus se présente à la barre. Elle exprime la sollicitude des citoyens de cette section sur les dangers qu'a courus la représentation nationale; elle proteste de son dévouement pour la faire respecter, assurer l'obéissance aux lois et maintenir l'ordre public. On demande la mention honorable, l'impression et l'affiche de cette adresse, et son insertion au bulletin. Ces propositions sont décrétées.

Une députation de la section Le Pelletier vient exprimer les mêmes sentimens. La Convention applaudit au dévouement de cette section, et décrète la mention honorable de l'adresse, son impression, et l'insertion au bulletin. Une dépu

tation de la section de la Butte-des-Moulins succède à celle de Le Pelletier. Les citoyens de cette section assurent la Convention, par l'organe de leur orateur, que l'attachement dont ils viennent de lui donner des preuves si éclatantes, ne se démentira jamais; ils demandent que toutes les sections soient autorisées à tenir leurs séances deux fois par décade. La Convention décrète que cette adresse sera imprimce, affichée et insérée au bulletin avec mention honorable, et ordonne son renvoi au comité de sûreté générale.

On demande qu'il soit en outre fait mention honorable du citoyen Conrielles, un des commissaires de la section, lequel a arrêté le séditieux qui le premier avait violé l'enceinte de l'Assemblée. Cette proposition est adoptée.

que

Un membre propose et la Convention décrète les représentans du peuple siégeront demain en costume armé.

Un membre propose la peine de mort contre quiconque fera fermer les barrières. La Convention passe à l'ordre du jour motivé sur un décret de l'Assemblée législative. On demande que l'entrée dans les tribunes soit interdite aux femmes. Cette proposition est décrétée. La séance est suspendue le 2 à quatre heures du matin, et ajournée à huit heures.

No IV.

RAPPORT sur la conspiration et la rebellion qui ont éclaté dans les journées du 12 au 14 vendémiaire, et sur les opérations militaires exécutées par l'armée républicaine; fait par le représentant du peuple BARRAS, général en chef de l'armée de l'intérieur.

Du 30 vendémiaire an IV (22 octobre 1795).

La révolution du 9 thermidor a véritablement fondé la liberté publique: l'abus de cette révolution sapait les bases de cette même liberté, et malheureusement nous n'avons voulu nous en apercevoir qu'au moment où l'édifice était près de

crouler. Oui, représentans du peuple, notre indulgence nous a fait faire un pas rétrograde; toutes les lois qu'on nous a arrachées en faveur des émigrés, des prêtres, des amis de la tyrannie royale, la proscription des meilleurs patriotes; les assassinats du midi impunis, la vengeance érigée en vertu civique; presque toutes les fonctions publiques confiées à des républicains d'un jour, devaient inévitablement relever l'espoir des amis du despotisme, et leur faire tenter une compression dont le résultat était votre massacre et la mort de la république. Il fallait un point central aux conspirateurs pour correspondre avec le comité autrichien de Bâle ; ils ne pouvaient l'établir que dans la commune de Paris; ils l'ont fait. Cette vaste cité, sur laquelle les départemens ont sans cesse les yeux ouverts pour adopter ses mesures et suivre sa conduite, offrait seule, aux partisans de la coalition des rois, les élémens de leur conjuration. Ici une nuée de vils folliculaires, toujours prêts à se vendre à celui qui les paye le mieux, fournissaient aux conjurés le moyen prompt et facile de pervertir l'opinion publique en dirigeant des calomnies atroces contre la représentation nationale, en dénigrant les meilleurs amis de la liberté, en insinuant au peuple des inquiétudes sur ses subsistances qu'ils accaparaient, en cherchant enfin à lui persuader que le gouvernement républicain était une chimère qui ne pouvait se réaliser en France: ici les chefs de la conjuration devaient compter sur une armée d'anciens valets de cour qui, regrettant de n'être plus enchaînés au char de la tyrannie, sont toujours disposés à favoriser le retour de l'ancien ordre de choses, contre lequel nous combattons depuis six ans : ici les nobles, les émigrés et les prêtres, échappant au milieu d'une population immense à l'œil vigilant du gouvernement, étaient un point d'appui pour les rebelles, et leur donnaient le fol espoir d'un triomphe assuré.

Il fallait achever d'égarer le peuple. Hé bien! les monstres ont profité de l'époque des asseniblées primaires, qui devait à jamais fixer la ligne de démarcation entre nos calamités po24

T. 1.

litiques et le bonheur que promet au peuple la constitution que vous lui avez donnée, pour l'associer à leur rébellion et l'armer contre l'autorité légitime.

Les conjurés ont levé le masque, et pour être plus libres dans les assemblées ils en ont chassé ou éloigné les meilleurs patriotes, à l'aide du mot insignifiant de terroriste. Ils ont effrontément publié que vous aviez démérité de la patrie; que la Convention nationale n'était qu'un ramas d'usurpateurs, d'assassins de la royauté; que vos décrets ne devaient plus être considérés comme lois de l'État , que c'était aux sections souveraines de Paris à diriger les rênes du gouvernement. Les insensés ont poussé l'audace jusqu'à organiser des autorités anarchiques pour juger ceux qui oseraient braver la majesté du trône sectionnaire, couvrir de leurs corps généreux la représentation nationale et sauver la république. Vous avez vu leur perfide scélératesse, et vous vous êtes mis en mesure d'arrêter leurs coupables efforts : vous avez fait appel aux patriotes de 89: la voix des pères de la patrie a été pour eux un cri de ralliement; tous ces hommes, brûlant d'amour pour la liberté, se sont empressés d'accourir autour de vous. Ah ! qu'il a été consolant de voir, dans quelques heures, la Convention nationale, entourée naguère d'une bande d'assassins, devenir tout-à-coup le centre de réunion des vrais amis de la république! Au milieu de ce bataillon sacré, on distinguait avec intérêt les hommes du 14 juillet et du 10 août, les vainqueurs de la Bastille, des patriotes de tous les départemens, et surtout une légion d'officiers, portant d'honorables cicatrices, et couverts plus d'une fois des lauriers de la victoire, destitués par l'intrigue et les complots de la contre-révolution.

Vos comités de gouvernement, ne dissimulant plus les dangers qui menaçaient la république, firent organiser en compagnies ces vieux soutiens de la révolution, et en donnèrent le commandement, sous le nom des patriotes de 89, au général Berruyer, vieillard respectable, qui joint à des talens militaires une moralité pure : nous étions alors dans la jour

[ocr errors]

née du 12. Hé bien! représentans du peuple, l'entendrez-vous sans frémir d'indignation, Menou, général en chef de l'armée de l'intérieur, et commandant de la force-armée de Paris se présente à la commission des cinq à deux heures après midi; il était suivi de plusieurs personnes de son état-major; et prenant le ton arrogant d'un officier de cour: Je suis instruit, dit-il, qu'on arme tous les bandits ( c'est ainsi que les tyrans appellent les républicains); je vous déclare formellement que je ne veux, ni sous mes ordres, ni dans mon armée, ni marcher avec un tas de scélérats et d'assassins organisés en patriotes de 89. La commission répondit: Ces sincères amis de la liberté ne seront point sous vos ordres; ils marcheront sous ceux d'un général républicain, sous la direction des représentans du peuple, et resteront près de la Convention nationale pour la défendre. Menou sortit avec la physionomie très-agitée, et fit écrire a Raffet que les patriotes de 89 étaient consignés. Cette lettre fut lue à la séance d'une assemblée de section qui l'applaudit et l'inséra dans ses registres. A dix heures du matin, une section députe à la commission des cinq trois de ses membres (Chosal, qui la présidait, était du nombre) pour déclarer au gouvernement qu'il avait perdu sa confiance, et qu'il était responsable de tous les événemens. Il n'est plus possible de se faire illusion sur les malheurs que les royalistes préparaient à la patrie : les conjurés, disséminés dans tout Paris, excitaient les citoyens à s'armer, et appelaient à grands cris, sur la représentation nationale, la dissolution et la mort. Des électeurs s'étaient réunis au Théâtre-Français, recevaient des députations, requéraient la forcearmée des sections. Ils ont pour eux le nombre, et cependant ils s'inquiètent, ils pâlissent, ils invoquent la perfidie et la corruption; mais tous leurs efforts ne sont qu'injurieux; la Convention et ses intrépides amis, composant les troupes de ligne, ne forment qu'un faisceau compacte devant lequel vont s'évanouir toutes les espérances criminelles.

Vos comités de gouvernement et votre commission des cinq

« PrécédentContinuer »