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L'interversion des paragraphes ne présente aucune importance, et, quant à l'addition du mot militaires après autorités, elle paraît avoir pour but de maintenir au traité de cession le caractère d'un acte accompli pour des causes de guerre, de sorte que l'Empereur puisse présenter à ses futures Chambres et à la Nation le fait de l'abandon de la Vénétie et de sa possession par le Roi Victor-Emmanuel comme un fait de guerre imposé par les cir

constances.

Telle est du moins, Monsieur le Ministre, l'explication assez subtile que j'ai cru pouvoir dégager des raisonnements qui m'ont été donnés à l'égard de cette modification; elle serait due à l'initiative personnelle de l'Empereur. La phrase qui suit les mots autorités militaires, savoir, «... qui leur seront désignés par les Commissaires français,... laisse à ceux-ci toute liberté pour désigner des of ficiers vénitiens ou italiens quelconques, ou les faire désigner par les municipalités qui les délégueraient à l'effet de s'entendre avec les Commandants des troupes autrichiennes, pour les mesures d'exécution. Ces délégués des municipalités une fois désignés par les Commissaires français aux Commandants des troupes autrichiennes, nous rentrons dans le texte proposé.

Je joins à cette dépêche le nouveau projet, tel qu'il est après les modifications demandées hier par le Cabinet de Vienne.

3822. LE DUC DE GRAMONT, AMBASSADEUR À VIENNE, À DROUYN DE LHUYS. (Orig. Autriche, 492, n° 109.)

Vienne, 7 août 1866. (Cabinet, 9 août; Dir. pol., 11 août.)

J'ai reçu hier soir le télégramme que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser le même jour au sujet de la condition de l'uti possidetis, que l'Autriche n'accepte pas comme base d'un armistice avec l'Italie.

J'en ai communiqué la substance au Comte de Mensdorff. Je ne lui ai pas laissé ignorer que Sa Majesté avait elle-même proposé l'uti possidetis comme base de l'armistice, et qu'à ses yeux cette condition ne préjugeait en rien le règlement définitif des

questions territoriales à la paix. J'ai cité, ainsi que le fait Votre Excellence dans son télégramme, l'exemple de la Prusse qui occupe en ce moment des territoires autrichiens qu'elle doit rendre à la paix et celui de l'Autriche même, qui détient en Vénétie les places qu'elle devra remettre. Enfin j'ai, conformément aux instructions de Votre Excellence, appelé la plus sérieuse attention du Cabinet de Vienne sur les conséquences que peut entraîner son refus de l'armistice, la reprise des hostilités en Italie pouvant rallumer la guerre en Allemagne. J'ai ajouté que le Gouvernement de l'Empereur devait, dans le cas où l'Autriche persisterait dans sa première résolution, lui en laisser toute la responsabilité.

Je viens de vous adresser par télégraphe le résumé de la réponse qui a été faite à ma communication, et je la reproduis ici plus complètement que je n'ai pu le faire dans mon télégramme.

Le Cabinet de Vienne se rend un compte exact de la gravité de la situation, et ce qu'il regrette avant tout c'est d'être placé dans la nécessité de ne pas adhérer à une proposition qu'il apprend aujourd'hui être émanée directement de l'Empereur. S'il avait été préalablement informé que Sa Majesté eût l'intention de proposer l'uti possidetis comme base d'armistice, il n'eût pas manqué de faire ressortir aux yeux de l'Empereur les raisons qui rendent cette condition inacceptable pour l'Autriche. Mais elle ne lui a été indiquée jusqu'à ce jour que comme une condition posée par l'Italie, conjointement avec la cession du Trentin, comme préliminaires de paix. Si donc le Cabinet de Vienne, à son grand regret, se voit dans la nécessité de ne pas accepter l'uti possidetis, il en rejette toute la responsabilité sur le Gouvernement italien qui, le premier, a opposé son refus aux propositions de Sa Majesté, quand l'Empereur a posé des préliminaires de paix qui consacraient l'intégrité du territoire autrichien, sauf la Vénétie (1).

L'Autriche a cédé la Vénétie: que l'Italie s'en contente, qu'elle adhère aux propositions de l'Empereur, qu'elle déclare renoncer à tout territoire autrichien autre que la Vénétie, et l'armistice devient possible.

L'uti possidetis n'est pas, aux yeux du Cabinet de Vienne, la condition habituelle d'un armistice, et, dans la guerre actuelle,

(1) Benedetti, 28 juillet. n° 10.

il n'a pas été considéré comme tel, mais seulement comme une condition suffisante pour une suspension d'hostilités de courte durée; pour un armistice, on a toujours choisi d'autres bases, et la Prusse victorieuse n'a pas hésité à faire reculer ses armes bien en deça de la ligne de démarcation tracée pendant la suspension des hostilités sur la base de l'uti possidetis.

On ne pouvait, d'ailleurs, de l'occupation de la Bohême et de la Moravie par la Prusse jusqu'à la paix, tirer un argument en faveur de l'occupation d'une partie du Trentin par l'Italie pendant l'armistice. La Prusse ne revendiquera pas à la paix les territoires qu'elle occupe en Autriche; au contraire, le Roi s'est formellement engagé à les évacuer, et il a reconnu l'intégrité du territoire autrichien, sauf la Vénétie. La Prusse ne fera pas de la possession de ces territoires l'objet de négociations ultérieures à la paix ; elle n'en réserve pas la discussion. De même l'Autriche, en cédant la Vénétie, n'a pas réservé la question de possession des forteresses qu'elle occupe en ce moment, et à la paix elle les remettra, ainsi qu'elle s'y est engagée. L'Italie, au contraire, a déclaré vouloir garder le Trentin, et, si elle réserve la discussion des frontières pour les négociations de paix, c'est, d'après sa propre déclaration, pour revendiquer la possession de ce territoire. Il n'y a donc aucune similitude entre les conditions de la Prusse et de l'Autriche pendant l'armistice et celles que l'Italie prétend obtenir.

Le Cabinet de Vienne aime à croire que l'Italie, revenant à une appréciation plus équitable des situations respectives et des droits que les événements de guerre auxquels elle a pris part ont pu lui donner jusqu'à ce jour, comprendra qu'il est un degré de spoliation auquel un Empire ne se soumet qu'à la dernière extrémité.

Du moment où la Vénétie est acquise à l'Italie, le traité d'alliance qui oblige la Prusse est exécuté, et, d'après les assurances données par le Comte de Bismarck au Comte Karolyi (1) et répétées depuis encore au Conseiller Hoffmann (2) et à d'autres, la Prusse ne soutiendra pas les nouvelles prétentions du Cabinet de Florence. Aussi le Cabinet de Vienne croit-il pouvoir espérer que la guerre en Allemagne ne sera pas rallumée par les exigences

italiennes.

(1) Cf. Gramont, 1° août, n° 105.

(2) Conseiller aulique au ministère des Affaires étrangères.

Je viens, Monsieur le Ministre, de reproduire avec une fidélité parfaite la substance de la réponse que j'ai reçue ; j'ajouterai que la résolution du Gouvernement autrichien me paraît inébranlable, et qu'à mes yeux il est décidé à tout risquer, même la guerre en Allemagne, si l'Italie ne se contente pas de la Vénétie et ne renonce pas, pour le moment, au Trentin.

Je dis pour le moment, parce que je ne serais pas éloigné de croire, que plus tard, après la conclusion de la paix, le Cabinet de Vienne pût négocier avec l'Italie une rectification de frontière également avantageuse pour les deux Puissances; mais c'est une opinion toute personnelle et que je ne suis pas autorisé à appuyer encore sur des données suffisantes.

Votre Excellence trouvera annexée ci-jointe une copie du télégramme que je viens de lui expédier.

3323. LE BARON DE MALARET, MINISTRE À FLORENCE, À DROUYN DE LHUYS. (Télégr. Déchiffrement. Italie, 365).

Florence, S août 1866, 250 matin.

Le Gouvernement italien vient d'apprendre de source certaine que l'Autriche a concentré cinq corps d'armée sur l'Isonzo. Un sixième corps descend Pontebba, et des forces considérables arrivent en même temps par le Tyrol.

Le Ministre des Affaires étrangères sort de chez moi et me prie de télégraphier à Votre Excellence que l'Italie a consenti à la suspension d'hostilités (1) et plus tard à l'armistice (2), sur les instances pressantes de l'Empereur, lorsqu'elle n'avait en face d'elle, en Vénétie, que des forces inférieures aux siennes. Si la guerre doit recommencer aujourd'hui, le Gouvernement italien se trouvera avoir assumé vis-à-vis du pays une responsabilité terrible, en donnant à l'Autriche le temps de concentrer de ce côté des Alpes toutes les troupes dont elle peut disposer.

Je crois que le Gouvernement italien accepterait volontiers une combinaison qui prolongerait de huit jours en huit jours la sus

h

(1) Cf. Malaret, télégramme, 25 juillet, 1 25 matin. (2) Cf. Malaret, télégramme, 29 juillet, 2" matin.

pension d'hostilités jusqu'à la fin des négociations de paix, si l'armistice, sur les bases convenues avec la France, rencontre à Vienne des difficultés insurmontables. On ne peut admettre ici que l'Autriche ait le parti pris de recommencer la guerre pour la question de l'uti possidetis, qui ne s'applique qu'à l'armistice et ne préjuge en rien la question du Tyrol.

Cette dépêche était chiffrée lorsque votre télégramme d'hier soir (1) m'est arrivé. Je viens de le communiquer à M. Visconti. L'heure étant trop avancée pour qu'il puisse immédiatement consulter ses collègues, il prend sur lui de prier Votre Excellence de proposer à Vienne une prolongation de la suspension d'hostilités pour huit jours, afin d'avoir devant soi le temps indispensable pour conjurer, s'il se peut, les dangers de la situation.

3324. LE CHEVALIER NIGRA, MINISTRE D'ITALIE À PARIS, À DROUYN DE LHUYS. (Orig. Autriche, 492.)

Paris, 8 août 1866.

Je viens de recevoir le télégramme ci-joint, que je m'empresse de vous communiquer, en vous priant de faire connaître son contenu à S. M. l'Empereur.

J'irai à une heure aujourd'hui frapper à votre porte, ayant extrême urgence de vous parler. Si cette heure ne vous convenait pas, je vous serais infiniment aimable (sic) de m'en indiquer une

autre.

3325. ANNEXE À LA DÉPÈCHE DU CHEVALIER NIGRA, du 8 août. (Télégr. Autriche, 492.)

Le Chevalier Visconti-Venosta au Chevalier Nigra.

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Cinq corps d'armée autrichiens descendent sur l'Isonzo et un sixième par Pontebba. Quand le Gouvernement italien a adhéré à la suspension d'armes demandée par la France, le Général

(1) Il s'agit du télégramme de Drouyn de Lhuys du 7 août, 7" 1/4 soir.

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