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mort, de faire quartier à qui que ce fût. Cette défense ne

l'a

pas empêché de montrer de la compassion sur quelques figures; mais il a placé ce sentiment là où il devait être, dans le jeune homme voisin du boucher, dans le moine que son caractère sacré protégeait, et enfin dans cette femme et dans ce chien léchant la main du maître qu'il a reconnu.

De l'autre côté de la toile, deux chevaliers français, renversés l'un et l'autre par leurs adversaires flamands, cherchent à repousser différemment la mort qui les menace. L'un semble implorer merci du soldat qui va l'achever; c'est avec le fer que le second se défend. Ce groupe est exécuté avec beaucoup de vigueur et de talent, il est bien lié au groupe principal.

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Dans le fond, vous apercevez la fin du combat. Sur le deuxième plan, on rapporte Hugon Butterman d'Arckel mourant. Cet intrépide aventurier avait juré, avant la bataille, de s'emparer de l'étendard ennemi; il fit des prodiges de valeur et paya de sa vie l'accomplissement de son vou. Le tout est couronné la foule par mine le comte Gui de Namur, à cheval, regardant, avec une curiosité inquiète, la fin terrible de Robert d'Artois ; il est suivi de son porte-enseigne qui contemple avec impassibilité la scène de carnage qui se déroule au loin dans la plaine. Les accessoires sont bien caractérisés.

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Dans le fond, à droite, une tour indique le voisinage de la ville; un peu plus loin, le clocher de Courtrai détermine le lieu. Le terrain est bien ce qu'il doit être; sur la gauche, l'artiste a fait sentir la présence du ruisseau de Groeninghe. Les armes et écussons brodés sur la poitrine des chevaliers, les étendards exacts des provinces, rendent le sujet très-intelligible.

Un volume suffirait à peine, si nous voulions prendre un à un tous les personnages de ce magnifique drame. Nous trouverions, à chaque pas, de nouveaux éloges à donner au jeune peintre; nous rencontrerions aussi, çà et là, quelques reproches à lui adresser. Nous résumerons ces derniers en une observation générale : c'est que le luxe éblouissant de couleur dont il a chargé sa palette, s'il produit souvent des beautés du premier ordre, altère un peu l'harmonie de son tableau ; que reflets y sont trop fréquens, et qu'enfin son coloris n'a pas encore atteint cette solidité de ton qui fait le mérite supérieur des grands maîtres.

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Du reste, aucun peintre moderne n'a fait un usage plus savant du clair-obscur. Les demi-teintes sont ménagées, dans le tableau de M. Dekeyser, avec un admirable sentiment; les raccourcis se présentent avec tant de naturel qu'on n'y fait presque pas attention, qu'il faut y regarder exprès pour s'apercevoir que c'est

par un effet de perspective que tel bras, telle jambe, paraissent dans toute leur étendue, bien qu'ils sortent du tableau et viennent directement devant vous.

La partie archéologique de cette iliade est plus étonnante peut-être que tout le reste. On est accoutumé à trouver dans la jeunesse de la fougue et de la passion; mais cette science, qui ressuscite toute une génération, on ne la demande d'ordinaire qu'aux hommes mûris par l'étude. Les antiquaires les plus exigeans ne trouveraient pas une observation critique à faire sur le costume, sur les armures et tous les autres détails. Les bannières, les écussons qui ornent la poitrine des chevaliers, sont des documens historiques qui viennent ajouter encore à la vérité. Cette observation minutieuse de détails ne serait d'aucune valeur si le tableau n'avait d'autre mérite que celui-là; mais ajoutée à tous ceux de l'œuvre de notre peintre, elle est d'une grande importance. Il n'y a pas jusqu'à l'éperon du comte qui n'ait été exactement copié sur le seul qui subsiste des 700, ramassés après la journée de Courtrai.

L'impression profonde, le vif sentiment d'admiration dont nous avons été transporté à la vue de cette belle toile, nous a fait balancer longtemps avant de formuler notre opinion sur son mérite. Nous craignions de nous laisser emporter par l'enthousiasme. Maintenant que

nous avons vingt fois revu ce chef-d'œuvre, loin que notre admiration se refroidisse, nous sentons qu'elle s'augmente par la réflexion.

On a reproché au tableau de M. Dekeyser de manquer de couleur locale: nous ne saurions partager cette opinion; nous pensons qu'il a donné à son ciel la teinte convenable. Le brouillard qui règne encore dans une partie du tableau est un brouillard historique, comme le soleil d'Austerlitz est un soleil historique. On lui a aussi reproché de la confusion; ce défaut ne nous a point frappé ; nous avons trouvé assez d'air et autant de profondeur que le comportait le lieu de la scène; les personnages ne nous ont pas paru gênés dans leurs mouvemens; mais nous n'avons pas oublié que le point représenté par l'artiste est la mêlée la plus épaisse de toute la bataille. Les combats partiels que l'on aperçoit dans le lointain sont fort animés, ils sont bien à leur place, et complètent parfaitement l'idée d'une victoire qui se décide. Nous ne pensons donc pas que, sous le rapport de la clarté et de l'intelligence du sujet, on puisse adresser à M. Dekeyser des reproches bien sérieux.

Nous lui dirons donc en terminant cet article :

Macte animo, generose puer, sic itur ad astra!

WAPPERS.

L'année qui vit la révolution politique des provinces belges, avait vu, peu de jours avant le moment de la crise, une manifestation brillante d'un jeune talent dont le début éveilla les plus hautes espérances chez tous les admirateurs de la vieille école flamande.

L'apparition du Vanderwerf, au salon de 1850, fut pour l'art belge un événement; elle prouva aux timides que l'on pouvait faire bien, autrement qu'en suivant, à la lettre, les prescriptions d'une école dont les principes étaient devenus plus tyranniques, à mesure qu'elle perdait les moyens de s'assurer autrement la prééminence; elle montra à ceux que de longs succès avaient bercés, que de nouveaux efforts leur devenaient nécessaires pour la lutte qu'ils allaient avoir à soutenir.

Comme dans toutes les réactions, les partis devinrent

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