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fans doute quelques Marcionites, & quelques Valentiniens qui la tiraffent d'esclavage. Cependant en vain on préchoit, en vain on croïoit, en vain on baptifoit des millions de perfonnes; en vain tant de bonnes oeuvres, tant de Miracles, tant de Dons du SaintEsprit; en vain tant de Prêtres, tant de Miniftres fideles, tant de Martyrs. Si vous dites que rien de tout cela n'étoit inutile, ni perdu, quel mistere incompréhensible ! Comment eft-il poffible qu'on fervit utilement Dieu, & qu'on travaillât à fa gloire, avant que de fçavoir même qui étoit cè Dieu ? Comment peut-il fe faire qu'il y eût de véritables Chrétiens, avant même qu'on eût connu Jefus - Chrift? Peut-il y avoir eu des héréfies, avant qu'il y eût une Doctrine véritable? On fçait que la réalité précede toujours l'image, & que la reffemblance fuppofe déja un objet éxiftant.

Jugez donc combien il eft ridi cule de vouloir faire paffer les héréfies avant la véritable Doctrine; puifque c'est même par cel1. Cor.11. le-ci que nous apprenons qu'il doit y avoir des héréftes, & qu'il faut les éviter. C'eft à l'Eglife dé pofitaire de cette Doctrine qu'il eft écrit, ou plutôt c'eft cette Galat, 1. Doctrine qui dit à l'Eglife: Quand un Ange viendroit annoncer un autre Evangile, que celui que nous vous avons annoncé, il faudroit dire anathème à cet Ange.

Chap.

Où étoit alors Marcion, ce fa30, meux partisan du Stoïcifme ? Où étoit alors Valentinien, ce zelé fectateur de Platon? On fçait que ces deux personnages ne font pas fort anciens, puifqu'ils ont vécu vers le commencement du regne d'Antonin. On fçait que d'abord ils avoient fait profeffion de la Doctrine Catholique dans l'Eglife Romaine, jufqu'à ce que fous le Pontificat du faint Pape Eleu

there, ils furent deux fois chaffés de l'Eglife à caufe de leur efprit inquiet, & toujours amateur des nouveautés, par lequel ils féduifoient même nos Freres. Marcion, fur-tout, fut renvoïé avec les deux cens fefterces (a) qu'il avoit apporté à l'Eglise : l'un & l'autre en furent retranchés pour toujours, & s'en allerent répandre ailleurs le venin de leur mauvaife doctrine. Marcion enfuite aïant publiquement confeffé fa faute, fe préparoit à rentrer dans la Communion des Fideles, aux conditions qu'il avoit acceptées ; fçavoir, qu'il rameneroit à l'Eglife ceux qu'il lui avoit enlevés: mais la mort le prévint, avant qu'il pût éxecuter fa promeffe; (car il falloit qu'il y eût des héré- 1. Cor.11. fies.) Qu'on ne s'imagine pas au refte, que les hérélies font un bien, parce qu'il doit y en avoir.

(a) Quelques-uns font monter cette fomme à cinq mille écus d'or.

Math.

2.

Ne fçavons-nous pas auffi qu'il doit y avoir du mal dans le monde? Le Seigneur devoit être trahi: mais malheur au traitre. Je dis ceci en paffant, afin qu'on ne s'avife pas de vouloir auffi par-là excufer les héréfies.

Si nous voulons encore éxa-. miner l'origine d'Apelles, nous trouverons qu'il n'eft pas même auffi ancien que Marcion fon Maître nous verrons feulement, qu'aïant débauché une femme, & violé ainfi la continence Marcioniene, il s'échapa de la vue de fon Maître pour se retirer à Alexandrie. Il quitta cette Ville quelques années après, fans en devenir plus homme de bien, à un petit changement près qui fe fit en lui: c'eft qu'aïant quitté le parti de Marcion, il alla donner dans un autre écueil; s'attachant à cette jeune Philumene, dont nous avons déja fait mention, & qui devint une proftituée publi

que. Elle enchanta tellement l'efprit de fon cher amant, que quelque tems après il s'amufa à écrire les Révélations, ou plutôt les réveries qu'il avoit apprises d'elle. Il y a encore aujourd'hui des gens qui fe, fouviennent d'avoir vû les. perfonnages que je viens de nommer. I refte même quelquesuns de leurs Disciples, & de leurs fucceffeurs, qui fuffifent feuls pour ne pas révoquer en doute, ce que j'ai avancé touchant l'origine très - récente de ces faux Apôtres, (lefquels, comme dit le Sauveur, fe font affes connoitre Matth. 7. par leurs œuvres.)

En effet, fi Marcion a féparé l'ancien Teftament du Nouveau, il est donc poftérieur aux deux chofes qu'il a féparées : puifqu'on ne peut féparer que ce qui étoit déja uni: le Séparateur n'eft donc venu qu'après. De même, lorfque Valentin explique l'Evangile d'une nouvelle maniere, ou plu

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