Images de page
PDF
ePub

et d'Auvergne, Charles, duc d'Orléans, Jean, duc de Bourbon, et Jean, comte d'Alençon, traités où sont reconnus les droits héréditaires du roi Henri IV sur l'Aquitaine ". A ce moment, le duc de Bourgogne et le Dauphin marchent avec des troupes nombreuses contre le duc de Berry qu'ils assiègent dans Bourges (11 juin 1412). Il est évident que le duc Jean de Berry demanda alors des secours aux Anglais; nous savons qu'en effet, au bout de neuf semaines, Thomas, duc de Clarence, et le duc d'York, avec huit cents lances, quatre mille archers et des fantassins, arrivant d'Angleterre, se portaient au secours de Bourges.

Quoique, à certaines époques de sa vie, le duc Jean ait pris part aux campagnes contre les Anglais, on peut se demander si sa sympathie n'allait pas cependant aux souverains d'Angleterre. Déjà, au temps où il était captif, il avait été l'obligé d'Édouard III. On a pu dire que l'expédition, projetée par Charles VI contre l'Angleterre, en 1386, ne put aboutir à cause des retards du duc de Berry. En tout cas, il est sûr que ce prince, alors qu'il avait près de cinquante ans, chercha à épouser Catherine de Lancastre et à s'allier par conséquent avec la famille royale d'Angleterre. Quand le parti des Armagnacs se forma, c'est certainement le duc Jean qui en devint le conseil écouté; l'alliance avec l'Angleterre, en 1412, peut être considérée, en grande partie, comme son œuvre.

Nous savons qu'avant et pendant le siège de sa capitale, le duc. reprit à la Sainte-Chapelle de Bourges un bon nombre des dons magnifiques qu'il lui avait faits au temps de sa splendeur. Le 26 avril et le 17 mai, des joyaux avaient déjà été repris. Le poids de ceux qui furent enlevés de la Sainte-Chapelle, le 5 juin 1412, c'est-à-dire quelques jours avant le commencement du siège, s'éleva à plus de go mares d'or et 340 marcs d'argent. Cet or servit

(1) Par ces traités, conclus à Bourges, le 18 mai 1412, le roi d'Angleterre s'engageait à envoyer, aux princes alliés, 8000 hommes pour les aider à combattre le duc de Bourgogne.

(2) J. Delpit, Op. cit., p. 123; 21 janvier 1366 (note constatant le dépôt, dans les Archives de l'Echiquier,

d'une obligation par laquelle Jean, duc de Berry et d'Auvergne, reconnaissait avoir reçu en prêt du roi d'Angleterre la somme de 2000 nobles d'Angleterre, et la restitution de cette obligation, le 14 juin suivant, au duc de Berry).

(3) Cf. Jules Guiffrey, Inventaires du duc Jean de Berry, t. I, p. XXXV,

naturellement, pour une bonne part, à payer les forces qui défendaient Bourges". Mais puisque le duc avait demandé du secours aux Anglais, est-il téméraire de supposer qu'une autre partie de l'or de la Sainte-Chapelle de Bourges servit à stimuler le zèle de ses alliés? Le hardi d'or du roi Henri IV ne serait-il pas une pièce frappée avec ce métal? N'est-ce pas pour marquer l'alliance que les monnayeurs y placèrent, accostant le buste royal, deux animaux qui sont probablement tous deux des emblèmes parlants? Car, puisque le léopard est incontestablement l'emblème de l'Angleterre, l'ours, si nettement caractérisé, pourrait bien représenter le duc de Berry. Il est inutile d'insister sur le rôle que l'emblème de l'ours a joué dans la vie du duc. Si l'origine de cet emblème est encore obscure, du moins nous n'avons aucun doute sur l'importance de la place qu'il a prise à la Cour de Berry, beaucoup plus encore que le cygne des ours accostent l'écusson du duc sur ses sceaux, sont gravés sur des signets de saphir et de rubis, ornent des joyaux, sont peints sur des manuscrits, etc.).

Il est donc certain que la figure d'un ours, vers 1412, devait éveiller immédiatement une idée très nette.

(1) Cf. la Chronique de Monstrelet, t. II, 1858, p. 262 (Ed. Douët d'Arcq, Soc. H. de France). Ce passage mérite une étude particulière que j'ai l'intention de faire ailleurs.

(2) Je n'entreprendrai pas de reprendre ici l'explication du nom de la dame aimée par le duc Jean dans sa jeunesse. Aussi bien le texte de la Conquête de la douce Mercy du roi René ne me paraît pas autoriser la formation du nom Vrsine, qui se lit dans des vers postérieurs (Jean Chaumeau, Histoire de Berry, 1566, p. 231). La devise du duc de Berry, Le tems venra (qu'on retrouve sur une bague d'or, à peu près contemporaine, avec la forme Ung temps viandra) n'est pas non plus très claire. Mais on ne saurait s'en étonner; presque toutes les devises de cette époque sont obscures. Celle du

Prince Noir a également beaucoup exercé les commentateurs: Houmout. Ich, dien. Si la seconde partie est compréhensible, la première est-elle une déformation de Hoch Muth, ou une forme originaire de la Flandre?

(3) Jean Chaumeau, Op. cit., p. 230 et 275. Dans la table de l'ouvrage de Jules Guiffrey, cité plus haut, le mot ours n'occupe pas moins de deux colonnes et demie, renvoyant à des objets de tout genre, mentionnés dans les inventaires du duc. Cf. A. de Champeaux et P. Gauchery, Les travaux d'art exécutés pour Jean de France, duc de Berry, 1894, p. 166, 171 et 172 (où sont citées une salière ornée d'un ours et des pierres gravées représentant le même animal). Voy. aussi Louis Raynal, Hist. du Berry, t. II, 1847, p. 409 et 410.

Je ne crois pas qu'on connaisse exactement la date d'émission du hardi d'or du roi Henri IV portant le léopard et l'ours; mais je puis certifier que cette pièce est d'un travail moins soigné que les hardis d'or antérieurs; et cette négligence n'est peut-être que la conséquence d'une frappe urgente dans l'atelier anglais de Bordeaux.

Une allusion, reposant sur un emblème équivalent à un nom propre, est-elle anormale dans un atelier monétaire de cette époque? Certes non! Car, sous le règne du même roi d'Angleterre, des monnaies de billon, émises aussi pour l'Aquitaine, portent à la place du type principal, une tige de plante, qu'un archéologue anglais, M. Bernard Roth, a récemment considérée comme une branche de genêt (Planta genista, allusion à la race des Plantagenets, à laquelle appartenait Henri IV)". Et précisément on retrouve deux branches semblables accostant le buste du roi sur un hardi d'argent, frappé aussi pour l'Aquitaine.

Assurément, je n'ai présenté ici qu'une hypothèse et je ne saurais produire le document, qui la transformerait en vérité; mais je ne crois pas m'abuser en disant que, jusqu'à nouvel ordre, c'est sans doute la meilleure explication, qui puisse être donnée de la présence de l'ours sur une monnaie anglaise, frappée en France.

Après ces digressions, peut-être trop longues, où j'ai voulu toucher surtout à quelques-uns des points obscurs de la Numismatique anglo-française, je tiens à dire cependant quelques mots des monnaies frappées par Henri V et VI, de 1419 à 1436, dans les ateliers de Paris, Rouen, Saint-Lô, Caen, Arras, Amiens, SaintQuentin, Troyes, Châlons-sur-Marne, Tournai, Mâcon, Nevers, Auxerre, Dijon, Le Mans, dont les marques permettent des classements intéressants, d'ailleurs rendus aisés par une quantité de documents, réunis déjà, pour la plupart, par Sauley. Mentionnons spécialement le « différent » de l'atelier du Mans, qui fut organisé par Jean, duc de Bedford, régent de France, en vertu d'une ordon

(1) Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'on reconnaît cette plante sur des monuments aux noms de princes de la famille, allusion très naturelle puisque Geoffroy V, comte d'Anjou, avait porté ordinairement une branche de genêt à sa coiffure.

Un sceau de Jean, duc de Bedford, postérieur de peu d'années par conséquent aux monnaies précitées, est orné dans le champ de tiges de genêt (W. de Gray Birch, Op. cit., t. III, 1894, p. 387, n° 12697).

nance du roi Henri VI, datée du 22 octobre 1425. Les nombreuses monnaies d'or et d'argent, sorties de cet atelier, portent au commencement de la légende un « différent », constitué par une racine. Or, on a démontré que ce signe avait été emprunté aux supports des armoiries du duc de Bedford, très nettement figurées sur un missel exécuté pour ce personnage ".

Le monnayage du roi Henri V se compose du mouton d'or, continuant celui de Charles VI, du salut d'or avec l'écu écartelé entre la Vierge et l'ange Gabriel; en argent, du gros ou florette, du demigros et du quart de gros, du Mansois ou double tournois. Pour Henri VI, l'or est représenté par le salut, d'un type différent du précédent et par l'angelot. L'argent comporte plus de variétés; mais on peut poser comme règle générale que la grande préoccupation a été de rappeler, sur les monnaies nouvelles, qu'elles étaient le numéraire régulier de la France. C'est pourquoi la plupart portent les écus de France et d'Angleterre accolés. Sur des pièces de valeur moindre, un lis et un léopard, détachés des écus nationaux, paraissent seuls, côte à côte ou un sur chaque face de la monnaie.

Il serait loisible de faire d'autres remarques sur la période où le monnayage anglo-français constituait, dans notre pays, un rouage officiel à côté de celui, plus précaire en apparence, du roi Charles VII. Il y a là tout un chapitre d'économie politique et financière, qui a d'ailleurs été déjà traité en partie par divers auteurs 2).

Lorsqu'un terrain vient d'être fouillé et renouvelé, comme c'est le cas pour le monnayage anglais, en France, auquel M. Lionel M. Hewlett a consacré ses peines pendant plusieurs années, la moisson récoltée ne saurait être la dernière. Avec des procédés différents, même parfois un peu hasardés, on peut espérer tirer d'autres fruits d'un sol, qui est bien loin de toucher à l'épuisement, puisque la richesse en paraît chaque jour plus grande et plus variée.

(1) André Joubert, Les monnaies anglo-françaises frappées au Mans, au nom de Henri VI (1425-1432), dans Rev. histor. et arch. du Maine, t. XX, p. 123 ets.-T. à p., Mamers, 1886, pl. I. (2) Voy. un résumé de la question, avec des observations nouvelles, par

ADRIEN BLANCHET.

M. Adolphe Dieudonné, dans son mémoire sur la monnaie royale depuis la réforme de Charles V jusqu'à la restauration monétaire par Charles VII (Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 1911 et 1912, et Mélanges Numismatiques, seconde série, 1919, p. 228 à 2 15).

L'AMPHITHEATRE DE LUGUDUNUM.

C. GERMAIN DE MONTAUZAN, Du forum à l'amphithéâtre de Fourvière. Les Martyrs de l'an 177, dans Revue d'histoire de Lyon, IX (1910), p. 321 et suiv. CAMILLE JULLIAN, Histoire de la Gaule, IV, 1914: Le martyre des Lyonnais, p. 492

et suiv.

I

La topographie chrétienne de Lyon, tel est le titre d'un article. qu'Ernest Renan publiait ici même, en 1881, au moment où il achevait son Marc Aurèle, pour la préparation duquel il avait fait en 1878 un séjour à Lyon et, auparavant ou depuis, une enquête parmi les travaux des archéologues lyonnais. Sous ce titre général il ne traitait, d'ailleurs, qu'une question précise, celle qu'il appelait à bon droit « le problème capital de la topographie sacrée de Lyon ». Où se passèrent au juste les scènes essentielles du martyre des chrétiens, du « massacre juridique » de 177? La localisation des scènes secondaires ou préliminaires n'était aucunement douteuse : les confesseurs furent interrogés, incarcérés, condamnés à Fourvière, où l'on est sûr que se trouvaient le forum, le prétoire, la basilique et la prison, même si, quant à cette dernière, on refuse, pour d'excellentes raisons, d'adopter la croyance pieuse qui situe et vénère à l'Antiquaille le cachot de saint Pothin. Mais l'emplacement de l'amphithéâtre où, d'après la Lettre des chrétiens de Lyon à leurs frères d'Asie, furent consommés en deux fois, à deux ou trois mois d'intervalle, les monstrueux supplices, Renan ne peut le fixer avec certitude. S'il préfère une des trois hypothèses qu'il mentionne, il ne la donne nullement pour la solution du problème. Il souhaite, en conclusion, qu'un architecte formé par l'Académie de Rome à

(1) Journal des Savants, 1881, p. 339- (2) Voir Germain de Montauzan, 347. Article reproduit dans Lyonouvrage cité. Revue, 1881, p. 328 et suiv.

« PrécédentContinuer »