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vases protocorinthiens qui permettent de dater la nécropole de 750-650 avant J.-C., et par des poteries phéniciennes. Ce cimetière est contemporain de la colonie phénicienne qui fut installée à Motyé lorsque, les Grecs arrivant en Sicile, les Phéniciens, jusque-là disséminés sur les côtes, durent se concentrer à la pointe nord-ouest de l'île, à proximité de Carthage"). La découverte de la nécropole punique de Motyé confirme de façon éclatante que l'incinération a été pratiquée par les Phéniciens dès le vin siècle (2).

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A Syracuse, les fouilles conduites par M. Orsi de 1912 à 1917 dans la via Minerva ont donné de brillants résultats. On a pu retrouver les restes superposés des différentes civilisations - sicule, grecque, romaine, byzanqui se sont succédé dans l'île d'Ortygie. Les vestiges de la période grecque archaïque ont une particulière importance. Ils consistent surtout en terres cuites décoratives. Parmi elles, une plaque de terre cuite coloriée qui représente Gorgone portant son fils Pégase est un morceau de tout premier ordre. Il faut le rapprocher d'autres trouvailles récentes, également remarquables, et pour la plupart inédites: la Gorgone colossale qui ornait le fronton du temple de Garitza, dans l'île de Corfou, le Gorgoneion du temple de Géla, celui du temple C de Sélinonte, celui d'Hipponium, dans la Grande-Grèce. Les terres cuites architectoniques sont nombreuses; elles rappellent celles de Sélinonte, en partie inédites, celles de Géla, qui sont encore toutes à publier, celles de Locres, de Caulonia, de Crotone. La sculpture, peu abondante, est surtout représentée par un torse de statue féminine, probablement une Nikè, du plus beau style archaïque (3).

Des trouvailles faites sur divers points du territoire de l'antique Syracuse ont enrichi le musée de cette ville de plusieurs fragments de sculpture grecque, allant du vr siècle à l'époque hellénistique. Dans la nécropole syracusaine dite del Fusco, on a exploré 94 nouvelles tombes, ce qui porte le nombre des sépultures de ce cimetière à près de 700. Les tombes récemment explorées sont du v°-iv siècle avant notre ère, période qui n'était que faiblement représentée jusqu'ici dans la nécropole (5).

Les sépultures découvertes en 1914 à Messine, près de la crypte de S. Placide, en construisant la nouvelle préfecture, appartiennent à l'époque romaine. La pierre de taille faisant défaut dans la région, les tombes ne

(4) Cf. Thucyd., VI, 2, 6.

(Pace, Notizie, 1915, p. 431-446. Cf. Gsell, Hist, ancienne de l'Afrique du Nord, IV, p. 442 et suiv.

(3) Orsi, Notizie, 1915, p. 175-181;

Monumenti antichi, vol. XXV (1919), p. 354-754.

(4) Idem, Notizie, 1915, p. 193-201. (5) Idem, ibid., p. 181-185.

consistent plus, comme à Syracuse, en sarcophages monolithes, mais ce sont des cuves de maçonnerie, de grandeur variable, construites tantôt pour un individu, tantôt pour un couple, tantôt même pour des familles entières. On y a recueilli 24 textes épigraphiques, datant des trois premiers siècles de l'Empire; tous les noms, sauf trois, sont de forme latine; mais il serait hasardeux d'en rien conclure sur le degré de romanisation de Messine àt cette époque, car la portion de cimetière explorée peut fort bien avoir été réservée à la population romaine ou assimilée ").

V

En Sardaigne, les recherches actives de M. Taramelli ont précisé sur plusieurs points notre connaissance des antiquités de cette île. Les progrès accomplis par l'archéologie sarde méritent d'être suivis avec attention, car ils ne sont pas sans importance pour la préhistoire des peuples méditer

ranéens.

A Ozieri, sur la colline de S. Michele, on a exploré une vaste grotte sépulcrale qui contenait, avec une hachette et des couteaux en pierre polie, un grand nombre de fragments de vases à décor incisé. Elle date de l'époque énéolithique, immédiatement antérieure à l'âge des nuraghes, qui est, comme on sait, la période la plus brillante de la civilisation sarde primitive. Un hypogée énéolithique du même genre a été exploré à S. Andrea Priu, près de Bonorva, au centre de l'île (3).

Dans les régions d'Abbasanta, de Norbello, de Domunovas Canales, de Laerru, des recherches ont été faites dans un assez grand nombre de tombes de l'âge des nuraghes. Elles sont de trois types différents : les unes sont des dolmens; les autres, dites domus de gianas, consistent en une chambre funéraire creusée dans le roc; les autres enfin, dites tombe dei giganti, sont de grandes allées couvertes construites en blocs cyclopéens. M. Taramelli croit pouvoir conclure de l'étude de ces sépultures à la filiation dolmen domus de gianas tomba dei giganti, ce dernier type représentant l'association du monument mégalithique et de l'hypogée.

Toujours dans la région d'Abbasanta, M. Taramelli a effectué d'intéressantes recherches dans l'ensemble nuragique de Losa, connu depuis une

(Orsi, Monumenti antichi, XXIV (1917), p. 122-218.

(2) Taramelli, Notizie, 1915, p. 124136.

(3) Idem, Monumenti antichi, XXV (1919), p. 766-899.

(Idem, Notizie, 1915, p. 108-124.

vingtaine d'années. Ces importants vestiges préhistoriques se présentent sous l'aspect d'une grosse tour centrale accostée de trois autres qu'enveloppe une enceinte triangulaire. La muraille nuragique primitive a été doublée assez tardivement, peut-être à l'époque romaine, d'une seconde muraille garnie de tours; dans l'espace compris entre les deux, on a relevé des traces de cabanes ("). Mais l'ensemble le plus imposant de cabanes nuragiques qui ait été exploré est celui de Serrucci, près Gonessa. Au pied du nuraghe, qui les domine de sa masse, se pressent un grand nombre de cabanes circulaires construites en gros blocs de pierre. L'exploration de cette citadelle paraît avoir établi que les nuraghes étaient les centres de bourgades fortifiées; ils étaient vraisemblablement la demeure du chef de l'agglomération, car leur disposition intérieure a depuis longtemps révélé qu'ils étaient habités (2).

Ils avaient aussi, pense M. Taramelli, une destination religieuse : certains objets de caractère votif découverts par lui au nuraghe Losa d'Abbasanta, une petite cella de construction très soignée ménagée dans le nuraghe Puttu de Inza, sur le territoire de Bonorva (3), iui paraissent témoigner de cette destination. Ainsi s'affirme le caractère complexe de ces tours cyclopéennes qui marquent d'un cachet si particulier les paysages de la Sardaigne lieux de culte, lieux d'habitation, ouvrages défensifs, les nuraghes étaient peut-être tout cela ensemble.

Un autre groupe de monuments protosardes dont les explorations de ces dernières années ont souligné l'importance est celui des fontaines sacrées. Le temple de S. Anastasia in Sardara, entre Cagliari et Oristano, paraît offrir l'exemplaire le plus complet de ce type: il est constitué essentiellement par une salle à coupole abritant un puits que remplissait l'eau sacrée : on accédait à cette cella par un escalier précédé d'une cour carrée". Les fontaines sacrées de S. Vittoria di Serri, dans la province de Cagliari, de Nuragus), de Ballao nel Gerrei (), celle de « Su Lumazu », dans le territoire de Bonorva", présentent une disposition analogue. Pour deux fontaines du territoire d'Orune, celle de Santa Lulla et celle de Lórana, les dimensions sont beaucoup plus modestes; en outre, le réduit qui abrite l'eau de la première est de forme rectangulaire, et non pas ronde). Enfin à Fontana

(1) Taramelli, Notizie, 1916, p. 235254.

(2) Idem, Monumenti antichi, XXIV (1918), p. 634-691.

(3) Idem, Monumenti antichi, XXV (1919), p. 766-899.

(4) Idem, ibid., p. 6-106.

(5) Idem, Notizie, 1915, p. 99-107. (6) Idem, ibid., 1919, p. 169-186. (7) Idem, Monumenti antichi, XXV (1919), p. 766-899.

(8) Idem, Notizie, 1919, p. 120-126.

Sansa, sur le territoire de Bonorva, on rencontre un type particulier : la source, dont les eaux, très connues dans toute la Sardaigne, servent encore aujourd'hui à des usages thérapeutiques, est entourée d'une vaste enceinte circulaire de 25 mètres de diamètre, constituée par un mur de 4 m. 50 d'épaisseur (").

La colonisation carthaginoise a laissé en Sardaigne des traces intéressantes. Le Musée de Cagliari possède une riche série de masques de terre cuite semblables à ceux qu'on a rencontrés dans les nécropoles de Carthage. Cette collection s'est enrichie récemment d'un nouveau masque apotropaïque trouvé dans la nécropole punique de Cabras (antique Tharros) (*). Sur l'emplacement de Tharros a été recueillie également une tablette en stéatite représentant d'une part trois divinités égyptiennes, et portant d'autre part une inscription hiéroglyphique; il s'agit là, très probablement, d'une importation carthaginoise (3). A S. Antioco (antique Sulcis), où existent des tombes puniques, on a trouvé un petit autel de marbre qui porte sur trois faces des bas-reliefs figurant des divinités de style grec, et sur la corniche une inscription phénicienne : c'est un exemple, comme on en rencontre en Afrique, de l'adoption de formes d'art grecques par la religion carthaginoise(),

des

A S. Caterina dei Pitinnuri, M. Taramelli a exploré le site de l'antique Cornus, identifié depuis 1831 grâce à la découverte d'une base honorifique mentionnant l'ordo et populus Cornensium (5). Sur l'acropole de Corchinas, où avait été trouvée cette base avec deux autres, on n'a rencontré que restes de l'époque romaine. C'est aussi à l'époque romaine qu'appartiennent les beaux vases de verre qui furent extraits il y a une cinquantaine d'années de cimetières voisins de l'acropole, et qui font aujourd'hui l'ornement du Musée de Cagliari. Par contre, à 2 kilomètres au nord de Corchinas, M. Taramelli a exploré trois nécropoles puniques creusées dans les flancs de collines qui dominent la baie de S. Caterina; ce sont les nécropoles de Furrighesus, de Mussori et de Fanne Massa. Cette dernière localité possède aussi une nécropole énéolithique comparable à celles de S. Michele di Ozieri et de S. Andrea Priu, dont il a été question plus haut ). Ainsi le site de S. Caterina, occupé par les plus anciennes tribus sardes, attira aussi les colons carthaginois; mais les Romains, comme ils le firent souvent, après

(4) Taramelli, Monumenti antichi, loc. cit.

(2) Idem, Notizie, 1918, p. 145-155.
(3) Idem, ibid., 1919, p. 135-140.
(Idem, ibid., p. 151-159.

Corpus inser. lat., X, 7915; cf. 7916 et 7917.

(6) Taramelli, Notizie, 1918, p. 285331.

avoir détruit la ville punique, fondèrent à quelque distance, dans un site de leur choix, une cité entièrement nouvelle. Si originale que soit sa physionomie, la Sardaigne porte, comme les autres parties de l'empire romain, la marque de cette domination puissante qui a pendant plus de cinq siècles modelé fortement, mais non sans brutalité, l'Occident européen. L. A. CONSTANS.

NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.

LE CONSEIL DES TRENTE A CARTHAGE".

M. Vassel vient de publier dans la Revue Tunisienne un fragment d'inscription punique récemment découvert à Carthage et contenant les restes de quatre lignes, gravées en petits caractères. Il en donne la transcription suivante :

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<< Les mots, dit-il, sont nettement séparés par des blancs, ce qui rend la coupe aisée, comme l'est la lecture; mais le sens n'en est guère éclairci. » Égaré précisément par ces apparences trompeuses, et prenant pour argent comptant ces semblants de coupes, M. Vassel a fait tout à fait fausse route. Après maints tâtonnements infructueux il renonce à traduire le texte ainsi transcrit par lui et conclut que c'est un « tissu d'énigmes >>.

Je ne m'arrêterai pas à redresser par le menu les erreurs où l'auteur est tombé. Même sans le secours d'un estampage ou d'une copie figurée que je n'ai pas à ma disposition, il ne faut qn'un coup d'œil pour les reconnaître et constater que nous avons tout bonnement affaire à un lambeau d'un de ces Tarifs de sacrifices, dont nous possédons déjà plusieurs exemplaires,

(4) Cf. la note succincte que j'ai communiquée à ce sujet à l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres (séance du 23 septembre 1921).

(2) Il ne subsiste plus de cette ligne, paraît-il, que le débris d'une seule lettre, taw ou lamed, vers le début.

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