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cœur, et que rien au monde ne peut nous ravir. Ce don précieux soutient les vrais fidèles au milieu des plus rudes épreuves. Il les console, il les anime, il leur fait trouver le centuple de ce qu'ils ont quitté pour Dieu. Ils s'écrient avec le Psalmiste: Les méchans m'ont entretenu de choses raines et fabuleuses, mars, ó mon Dieu! que cela est différent de votre loi (21); que les cris d'allégresse et de salut se fassent entendre dans les tabernacles des Saints (22).

Comparons l'état du plus puissant monarque du monde, avec celui de l'humble serviteur de Dieu (23). La puissance, les richesses, les plaisirs constituent le bonheur imaginaire du monarque; les peuples s'empressent à lui obéir ; ils préviennent jusqu'à ses désirs; la terre est en silence devant lui; à son ordre les armées marchent, dévastent les provinces, ou sacrifient leurs vies; il punit par un seul de ses regards, et distribue les faveurs à son gré, sans que personne ose lui demander compte de sa conduite; les princes mêmes n'approchent de lui qu'en tremblant; ils s'estiment heureux et honorés s'il daigne recevoir leurs hommages ils cherchent à lire dans ses yeux, comme des esclaves, quelle espèce de sacrifice il exige d'eux. Voilà donc ce que le monde admire. Il n'y a que le serviteur de Dieu qui jouisse de l'indépendance et de la liberté. Il n'est occupé que de l'accomplissement de ses devoirs. Résigné dans les revers, il s'elève au-dessus de toutes les considérations humaines, parce qu'il est détaché du monde, sans toutefois que la charité l'empêche de prendre part à la prospérité de son prochain. Les injures ou les affronts

(21) Ps. CXVIII, 85.

(22) Ps. CXVII, 15.

(23) Voyez le traité de saint Chrysostôme, intitulé : Comparatio Regis et Monachi, ed. Savil. t. VII, p. 861, ed. Ben. t. I, p. 116. On trouve la traduction de ce traité dans les œuvres de Blosius.

ne peuvent le déconcerter; il les reçoit comme des moyens de s'avancer dans la vertu, et comme des effets de la sagesse, de l'amour, et de la miséricorde de Dieu.

Les inquiétudes et les peines d'un Roi augmentent à proportion de sa puissance; et cette puissance même rend ordinairement ses passions plus impétueuses. D'ailleurs, ne voyons-nous pas que sa grandeur et son bonheur dépendent des autres hommes, dont la faveur est si capricieuse? S'il veut régner en tyran, il est sûr d'avoir presque autant d'ennemis secrets, qu'il a de sujets; s'il veut se faire aimer par sa douceur et sa clémence, il trouvera un peuple aveugle et ingrat qui abusera peut-être de ses bienfaits. Jugeons par-là de la fragilité du pouvoir d'un Roi. Mais ses richesses ont-elles plus de solidité, ou plutôt n'est-il pas le plus pauvre des hommes, puisque ses besoins sont plus grands, et ses désirs plus insatiables? Le plus riche est celui qui a le moins de besoins, qui ne demande rien, et qui est content de la situation où il se trouve. Les plaisirs d'un Roi sont moins vifs, parce qu'ils lui coûtent moins qu'aux autres hommes. En effet, les plaisirs du monde consistent principalement dans la poursuite, ou du moins la vivacité de la poursuite en augmente le prix. Qu'un Roi ne soit pas vertueux, son cœur est le misérable jouet des passions qui le tyrannisent successivement; il est rongé par mille soins cuisans qui empoisonnent les plaisirs qu'il veut goûter. Aman, qui gouvernait l'empire de Perse sous le nom de son maître, coulait des jours remplis d'amertume, parce que le Juif Mardochée refusait de fléchir le genou devant lui, à la porte du palais. C'est ainsi que le plus petit obstacle aux passions des méchans, les rend malheureux. Leurs plaisirs ne sont que vanité; la fausse joie que leur donne une satisfaction passagère, disparaît bientôt pour faire place aux inquiétudes; et ces inquiétudes, pour n'être pas connues des autres hommes, n'en T. XVI.

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sont pas moins pénibles. Combien qui, placés au faîte des honneurs, sont à eux-mêmes un fardeau insupportable?

Concluons donc avec saint Chrysostôme, qu'on ne doit point chercher le bonheur dans les passions humaines : vérité qui de plus est confirmée par les oracles de la sagesse éternelle. La même autorité nous apprend qu'il n'y a de véritablement heureux que celui qui pratique la vertu : aussi le Sauveur donne-t-il le nom de béatitudes aux vertus dans lesquelles consiste le renoncement à nous-mêmes (24). Elles conduisent effectivement au bonheur, et nous procurent sur la terre celui dont nous sommes capables dans un état d'épreuves. Mais la récompense qui nous est réservée dans le ciel est telle, qu'elle n'a nulle proportion avec toutes les souffrances de cette vie. L'exemple des Saints nous montre la voie que nous devons suivre; la gloire dont ils jouissent anime notre espérance, excite notre ferveur.

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«Il est de notre intérêt, dit saint Bernard (25), et non de l'intérêt des Saints, que nous honorions leur mémoire... Je ne pense jamais à eux, que je ne sente naître en moi un ardent désir de leur compagnie, de leur bonheur, de leur intercession. Penser aux Saints, c'est en quelque sorte les voir; par-là nous nous trouvons transportés par la meilleure partie de nous-mêmes, dans la terre des vivans, pourvu que l'affection accompagne nos pensées. Là, les Saints sont présens en personne, et nous ne sommes avec eux que par nos désirs. Ah! quand serons-nous réunis à nos Pères ! quand serons-nous les concitoyens des esprits bienheureux, des patriarches, » des prophètes, des apôtres, des martyrs, des vierges, Quand serons-nous associés au chœur des Saints? Le

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(24) Matt. V.

(25) Serm. S. de festo omnium sanct. n. 5, 6.

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>> souvenir de chacun d'eux est, pour ainsi dire, un nou» vel aiguillon, ou plutôt un flambeau qui augmente le » feu qui brûle nos âmes, qui nous fait soupirer avec plus d'ardeur après le bonheur de les voir et de les embrasser, en sorte qu'il nous semble que nous sommes déjà au milieu d'eux. Du lieu de notre exil, nous nous » unissons par nos affections à toute l'assemblée des Saints, » considérant tantôt celui-ci, tantôt celui-là. Quelle serait » notre lâcheté, si nos âmes ne s'élançaient pas au milieu » de cette troupe bienheureuse; si nos cœurs ne se con» sumaient pas par des soupirs continuels? L'Eglise des premiers nés nous appelle, et nous ne répondons point? » Les Saints désirent ardemment nous avoir avec eux, et nous les méprisons?...... Prévenons avec toute l'ardeur >> dont nous sommes capables, ceux qui nous attendent; >> hâtons-nous d'aller à ceux qui souhaitent que nous leur » soyons associés. »

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Le saint docteur parle ensuite du désir du bonheur des Saints, et du secours de leur intercession; puis, il ajoute : Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins qui êtes mes amis. Vous connaissez nos dangers, notre fragilité, notre ignorance, et les piéges de nos ennemis. » Vous savez combien nous sommes faibles, et combien nos ennemis sont furieux. Vous avez éprouvé les mêmes >> tentations; vous avez triomphé des mêmes assauts; vous avez échappé aux mêmes piéges. Ce que vous avez souf» fert vous-mêmes, vous a rendus compatissans.... Nous sommes membres du même chef..... Votre gloire ne peut >> être consommée sans nous. »

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Saint Bernard insiste enfin sur le secours de l'intercession des Saints, qui est un autre avantage que nous retirerons de la célébration de leur fête. Celui, dit-il (26),` qui

(26) Serm. in Vigil. SS. Petri et Pauli, p. 987.

» était puissant sur la terre, l'est encore plus dans le ciel, » où il est devant la face du Seigneur. Si pendant sa vie » mortelle, il était touché de compassion pour les pécheurs,

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et priait pour eux, comment ne prierait-il pas présentement pour nous, et avec d'autant plus d'ardeur qu'il connaît plus parfaitement nos besoins et nos misères ? » Le ciel n'a point changé ses dispositions, il n'a fait qu'augmenter sa charité. Quoique impassible, il est toujours susceptible de compassion. Placé devant le trône >> de la miséricorde, il a pris des entrailles de miséricorde. »

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Il y avait à Terracine, en Italie, une coutume aussi barbare qu'impie. Elle consistait en ce que dans certaines occasions solennelles, un jeune homme faisait volontaire · ment le sacrifice de sa vie à Apollon, la divinité tutélaire de la ville. Ses concitoyens, qui le caressaient depuis longtemps, finissaient par l'orner avec la plus grande magnificence; et dans cet état il sacrifiait à Apollon. Cette cérémonie achevée, il se précipitait dans la mer, où il était englouti par les flots. Césaire, qui était un saint diacre nouvellement arrivé d'Afrique, fut une fois témoin de cette horrible scène. Il ne put contenir son zèle, et il condamna hautement une superstition aussi abominable. Le prêtre de l'idole le fit arrêter sur-le-champ, et on le conduisit devant le gouverneur. Celui-ci ordonna qu'on se saisit de Césaire et du prêtre Lucien, qu'on les renfermât tous les deux dans un sac, et qu'on les jetât dans la mer. Cette sentence fut exécutée l'an 300, durant la persécution de Dioclétien.

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