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court, paroisse de Veroude, dans le diocèse d'Autun. Son père nommé M. Claude Alacoque, juge de plusieurs seigneuries, était un homme d'une probité et d'une piété reconnues; sa mère s'appelait Philiberte Lamyn. On lui donna au baptême le nom de Marguerite, et elle y ajouta celui de Marie lorsqu'elle entra en religion. Son enfance fut celle d'une âme privilégiée; à peine sa raison commença-t-elle à se développer, qu'elle conçut la plus vive horreur du péché. Sa crainte d'offenser Dieu était si grande, qu'il suffisait de lui dire qu'elle commettait une faute, pour réprimer à l'instant les saillies et les petites vivacités de son âge. Elle n'avait que quatre ans, lorsqu'elle fut demandée à ses parens par madame de Fautrières, sa marraine. Le temps que Marguerite passa dans la maison de cette dame lui fut très-utile, parce qu'elle fut mise entre les mains d'une personne qui la formait à la vertu. C'était un travail facile, car le cœur de cette jeune enfant était déjà tout à Dieu. Son amour pour la pureté, son goût pour la prière, son attrait pour Jésus-Christ, qu'elle allait souvent visiter à l'église, où elle passait des heures entières, sa tendre dévotion envers la Sainte-Vierge, étaient dès-lors très-remarquables. A huit ans, elle perdit son père; sa mère à cette époque la plaça dans le couvent des dames de Sainte-Claire de Charoles, en qualité de pensionnaire. Son entrée et son séjour dans ce monastère furent un moyen ménagé par la Providence pour l'entretenir et l'affermir dans la piété. Édifiée de la vertu des religieuses, aux soins desquelles on l'avait confiée, elle se sentait pressée de les imiter, et dès ce moment elle conçut le dessein d'entrer en religion. Les dames de Sainte-Claire, qui s'aperçurent promptement des heureuses dispositions de leur jeune élève et de son goût pour la piété, jugèrent à propos de la disposer de bonne heure à sa première communion. Marguerite la fit à l'âge de neuf ans, et la préparation qu'elle apporta à cette sainte

action, la ferveur qu'elle y montra, furent les préludes de l'ardeur qu'elle éprouva toute sa vie pour cette divine nourriture.

Dieu la visita bientôt par les afflictions. Elle eut peu de temps après sa première communion un rhumatisme et une paralyse qui la retinrent quatre ans sur un lit de douleur, et la réduisirent à l'extrémité. L'effet de cette maladie fut de détruire en elle, au moins pour un temps, l'amour du plaisir, car elle y était naturellement portée par son caractère gai et enjoué. Sa confiance en la SainteVierge lui fit obtenir sa guérison. Elle profita de cette faveur pour avancer dans la vie spirituelle, et à treize ans elle donnait chaque jour deux heures le matin, autant le soir, à la méditation; elle jeûnait trois fois la semaine, portait le cilice et couchait sur la dure; bientôt il lui vint aux jambes des ulcères si fâcheux qu'elle ne put les cacher. Les remèdes qu'on employa furent inutiles; mais Marguerite ayant joint ses prières à celles de sa mère, en fut heureusement délivrée.

Le rétablissement de sa santé réveilla dans Marguerite l'attrait pour le plaisir. Ses confessions, qui jusqu'alors avaient été fréquentes, devinrent plus rares; l'affection que sa famille lui témoignait flatta sa vanité; elle voulut partager les divertissemens du monde, et une année, pendant le carnaval, elle alla au bal avec un déguisement. Ce relâchement, après tant de ferveur et tant d'austérités, ce relâchement qu'elle pleura si amèrement par la suite, et qui nous prouve si bien quelle est la faiblesse de l'homme, lorsqu'il néglige les puissans moyens de salut que le Seigneur lui offre dans les sacremens, ne fut pas de longue durée. Dieu la rappela bientôt à la piété par de nouvelles croix qu'il lui envoya. Ce ne furent plus cette fois les ma ladies; des peines aussi sensibles, les contradictions, la forcèrent à rentrer sérieusement en elle-même. Sa mère,

devenue âgée et incapable, fut obligée de se mettre à la discrétion de servantes qui s'emparèrent si bien de l'autorité, qu'elles devinrent maîtresses dans la maison, et ne le devinrent que pour rendre la vie extrêmement dure à Marguerite et à toute sa famille. Sous prétexte d'économie, elles lui refusaient les choses les plus nécessaires, et il lui fallut plus d'une fois emprunter à ses voisines des vêtemens un peu propres pour aller à l'église. Les manières les plus grossières, les paroles les plus rudes accompagnaient d'ordinaire ce refus; enfin, elle assura que la condition de mendier son pain lui eût paru moins pénible. Ce fut en Dieu qu'elle chercha son soutien et sa consolation; elle passait souvent un temps considérable à pleurer devant le crucifix et à prier la Sainte-Vierge. Dieu lui donna une patience si grande, qu'elle en vint à avoir le cœur rempli d'affection chrétienne pour les personnes qui la tourmentaient. Ce bon Maître accorda une autre grâce à la ferveur de ses prières; ce fut la guérison de sa mère, atteinte d'une infirmité qui lui causait de graves inquiétudes. La guérison fut entière, et d'autant plus remarquable qu'un chirurgien qui avait vu madame Alacoque, déclara qu'elle ne pouvait en être délivrée sans miracle.

La tendre sollicitude, les soins assidus de Marguerite pour sa mère, pendant que celle-ci fut dans cet état d'infirmité, relevèrent beaucoup son mérite aux yeux de ceux qui la connaissaient, et firent songer à lui procurer dans le monde un établissement avantageux. Plusieurs partis se présentèrent, et quoiqu'elle eût très-peu de bien, à cause de ses bonnes qualités, on la recherchait en mariage. Ces recherches attiraient assez fréquemment la société chez sa mère, et Marguerite ne se défendait pas toujours avec beaucoup de force du plaisir que cette fréquentation des compagnies lui causait; elle aurait même agréé assez volontiers les propositions de mariage, pour être plus utile à sa mère.

Deux obstacles cependant l'empêchaient d'y consentir : un vœu de chasteté qu'elle avait fait dans son enfance, et la persuasion intime qu'elle avait de sa vocation à la vie religieuse.

Ce fut pour Marguerite un rude combat que l'obligation qu'elle eut de prendre un parti. Sa piété filiale la retenait auprès de sa mère, dont elle était tendrement aimée. La crainte de résister à la volonté de Dieu, le trouble que lui causaient les divertissemens, la pressaient d'entrer en religion. Cet état pénible dura long-temps. Enfin la grâce triompha dans son âme des sentimens naturels et du penchant pour les créatures. Elle résolut de se consacrer au Seigneur, pria qu'on éloignât de la maison ceux qui la recherchaient, et ne songea plus qu'à se préparer par la pratique des œuvres de miséricorde à consommer son sacrifice. Elle n'obtint qu'avec peine le consentement de sa famille; mais elle y réussit enfin, et il ne fut plus question que du choix de la maison où elle devait se présenter.

Marguerite ayant fait un voyage à Mâcon, elle y vit une de ses cousines, religieuse dans le couvent des Ursulines de cette ville; celle-ci fit tous ses efforts pour la décider en faveur de son monastère, et s'engagea à lui en faciliter les moyens; Marguerite ne voulut jamais y consentir. « Si

j'allais dans votre maison, lui dit-elle un jour, ce serait » pour l'amour de vous je veux aller dans une maison » où je n'aie ni parens, ni connaissances, afin d'être reli

gieuse sans autre motif que l'amour de Dieu.» Elle tint parole sans connaître l'institut de la Visitation de SainteMarie, elle se sentait attirée de préférence vers cet ordre, parce qu'il portait le nom de la Sainte-Vierge. On lui apprit qu'il y avait une ville nommée Paray-le-Monial qui possédait un monastère de la Visitation; elle alla le visiter, dans la compagnie de l'un de ses frères. Comme elle se présentait au parloir, une voix intérieure lui dit : « C'est

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là que je te veux. » Cette parole la remplit de joie, et l'accueil favorable que lui fit la supérieure, qui consentit à la recevoir, mit le comble à ses désirs. Après avoir surmonté plusieurs nouvelles difficultés du côté de sa famille, Marguerite entra enfin dans cette maison, à l'âge de vingt-trois ans, le 25 mai 1671.

La simplicité, la candeur, la docilité et l'ardeur pour la vertu que la jeune postulante apportait en religion, la rendaient bien propre à recevoir les grâces extraordinaires que Dieu lui préparait. Aussi en fut-elle favorisée dès son entrée dans le monastère. Elle comprit qu'elle devait ex-, primer par ses actions la vie souffrante de Jésus-Christ, dont elle allait devenir l'épouse. Cette lumière lui fit concevoir une estime si grande et un amour si vif pour les croix, qu'elle était sans cesse occupée à chercher les moyens de se mortifier. C'est dans ces saintes dispositions qu'elle prit l'habit et qu'elle passa le temps de son noviciat. Elle eut pendant ce temps plus d'une occasion de satisfaire son attrait pour les souffrances; car la maîtresse des novices la réprimandait souvent, à cause de la voie sublime qu'elle suivait dans l'oraison, voie à laquelle le Sauveur, qui lui parlait intérieurement, l'avait dès-lors élevée. Ce ne fut que le prélude des peines qu'elle eut à endurer après sa profession. Ayant, le 6 Novembre 1672, prononcé les vœux qui l'attachaient irrévocablement à Dieu, elle devint le modèle de la communauté, par son humilité, son obéissance, son amour pour Jésus-Christ, par son constant attrait pour l'oraison et pour les austérités. Ces vertus étaient de nature à frapper tous les yeux et devaient édifier tout le monde; il n'en fut pas ainsi : avant qu'on les eût reconnues, le Seigneur permit que sa servante éprouvait mille contradictions. Le démon la tourmentait; les supérieures, qui se succédaient dans la maison, prévenues contre les voies extraordinaires par lesquelles sœur Marguerite-Marie

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