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était conduite, se défiaient d'elle et la traitaient rudement. Pour tâcher de connaître s'il n'y avait point de supercherie ou d'illusion dans son état, on la chargeait d'emplois extérieurs qui demandaient mille soins et l'exposaient à la dissipation; dans plusieurs rencontres on exerçait sa patience. De fréquentes et de douloureuses infirmités lui causaient des maux presque continuels; le service de Dieu n'étaient pas même toujours également accompagné pour elle de consolations et de douceurs; mais cette sainte âme, insatiable de souffrances, par le désir ardent qu'elle avait de se rendre conforme à Jésus-Christ, montrait dans ces différentes peines un courage héroïque et une soumission parfaite à la volonté du Seigneur. Elle puisait sa force dans la communion qu'elle recevait souvent et avec une grande ferveur, ainsi que dans ses visites au Saint-Sacrement. Elle passait dans ce pieux exercice tout le temps qu'elle pouvait, même celui de la nuit tout entière, lorsque l'obéissance le lui permettait. C'est alors sur-tout que Notre-Seigneur se communiquant à sa fidèle épouse, lui enseignait les secrets de la plus haute perfection et les mystères de sa divine charité. Un jour, entre autres, qu'elle était au pied de l'autel, tout absorbée dans la considération de la tendresse immense de Jésus-Christ pour nous, il lui apparut, et lui faisant comprendre quel était l'amour de son cœur pour les hommes, il lui annonça qu'il l'avait choisie pour propager le culte de ce cœur adorable; mais qu'elle n'y réussirait que par les souffrances et les humiliations qu'elle aurait à supporter. Dans le moment il lui fit ressentir au côté et à l'endroit du cœur une douleur qu'elle conserva toute sa vie.

Les supérieures de la sœur Marguerite-Marie exigeaient qu'elle leur communiquât toutes les faveurs extraordinaires qu'elle recevait et l'obligeaient même à les écrire. Il lui fallut donc leur faire connaître cette révélation que nous

venons de rapporter; mais son obéissance n'eut alors d'autres résultats que de lui procurer des contradictions. On la traita de visionnaire, et pendant quelque temps on refusa même de lui donner aucun soulagement pour le mal qu'elle ressentait. C'est ainsi que la supérieure agissait, et ses compagnes ne lui étaient pas plus favorables: elles étaient presque toutes prévenues contre elle; car, quoiqu'en disent les incrédules, l'on n'est pas toujours très disposé dans les maisons religieuses à croire aux choses qui sortent des voies ordinaires de la piété. Il fallut plusieurs années pour dissiper les préventions des filles de la Visitation de Paray contre leur sainte sœur. Celle-ci attendit ce moment avec patience, et pendant ce temps elle s'appliqua sans relâche à s'avancer dans la perfection. Son attrait pour la vie intérieure ne l'empêchait pas d'être utile au monastère dans les différens emplois dont on la chargea. Elle remplit avec succès celui de maîtresse des pensionnaires. Son attention se portait sur-tout à inspirer la piété aux enfans dont elle était chargée. Elle mettait un zèle admirable à gagner à Dieu ces âmes encore innocentes, et à leur communiquer quelques-unes des étincelles du feu divin qui la dévorait. Toutes ses paroles ne respiraient que la ferveur ; elle savait parler de la religion sans se rendre importune, et sanctifier même les amusemens de ces enfans: aussi obtint-elle leur confiance, et bientôt elle fut autant leur amie que leur maîtresse. Les novices dont la sœur Marguerite-Marie fut ensuite chargée, en 1685, partagèrent pour elle les sentimens des pensionnaires. L'on peut dire aussi que cette sainte fille n'épargnait rien pour gagner leurs cœurs; elle les conduisait à la perfection par la voie qui convenait à chacune, elle insistait sur la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus, et leur apprenait les moyens de se la rendre utile; mais cette dévotion devint pour ellemême la source de nouvelles persécutions.

L'on sait qu'à l'époque où vivait la sœur MargueriteMarie, ce divin Cœur ne recevait pas proprement de culte public dans l'Eglise. Quelques âmes fidèles lui rendaient seulement des honneurs particuliers; la sainte religieuse, chargée par le Sauveur d'étendre ce culte salutaire, le propageait de toutes les manières qui étaient en son pouvoir; mais il s'en fallait bien que ses compagnes suivissent sur ce point ses sentimens. Au contraire, on regarda comme des nouveautés les pratiques qu'elle inspirait à ses novices et qu'elle cherchait à introduire. On joignait les plaintes aux murmures, et l'on criait même au scandale. Marguerite-Marie soutint encore l'effort de cette tempête avec la même patience qu'elle avait montrée dans de semblables circonstances. Le Seigneur, dont elle remplissait les desseins, la fortifiait par sa grâce. Plusieurs années avant cette dernière contradiction, il lui avait donné, dans la personne du P. de la Colombière, de la compagnie de Jésus, un guide éclairé et un consolateur (3). Ce célèbre religieux, aussi remarquable par la sainteté de sa vie que par son talent comme orateur, vint à Paray, en 1675, pour y être supérieur d'une maison de sa société : il vit et comprit la servante de Dieu, qu'on avait obligée à le consulter. Loin de la croire dans l'illusion, comme tant d'autres l'assuraient si légèrement, il trouva en elle une âme d'élite, sur laquelle le Ciel avait, avec abondance, versé les dons les plus précieux. Il ne craignit pas de devenir son disciple et d'adopter lui-même la dévotion au Sacré-Cœur; il recommanda et étendit cette dévotion le reste de ses jours, qu'il finit à Paray, le 16 Février 1582. Il avait contribué à détruire les préventions que l'on avait

(3) Voyez l'Essai historique sur l'influence de la religion en France pendant le dix-septième siècle, par M. Picot, édition de la Bibliothèque Catholique de la Belgique, Louvain 1824, t. II, p. 300 sqq.

contre sœur Marguerite-Marie; avec le temps, elles furent entièrement dissipées. La communauté des filles de la Visitation de Sémur s'unit à elle pour honorer le cœur de Jésus; sa maison de Paray suivit cet exemple, le Vendredi après l'octave de la Fête-Dieu, de l'année 1686. La supérieure avec toute la communauté se consacra ce jour-là d'une manière solennelle à ce cœur adorable. On résolut d'élever une chapelle en son honneur dans l'intérieur du couvent, et ce projet fut exécuté. La sainte religieuse, ravie de voir enfin ses désirs accomplis, écrivait avec transport: « Je mourrai maintenant contente, puisque le cœur >> de mon Sauveur commence à être connu. » Elle vécut encore quatre ans après cet événement; devenue désormais l'objet de la vénération de ses sœurs, elle fut choisie pour assistante, et l'on songeait à la nommer supérieure. Dieu ne le permit pas. Cette fervente religieuse, consumée par les austérités, les peines qu'elle avait éprouvées, et plus encore par son amour pour Jésus-Christ, mourut dans des sentimens admirables, à l'âge de quarante-trois ans, le 17 Octobre 1690. La réputation de sa sainteté était si bien établie que l'on se porta en foule à ses obsèques. On a réclamé plusieurs fois avec succès son intercession. La cause de sa canonisation se poursuit à Rome en ce moment, et le 28 Mars 1824, elle a été déclarée vénérable par la congrégation des Rites. Puissions-nous voir cette cause heureusement terminée pour la gloire du sacré Cœur de Jésus et celle de la France!

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T. XVI.

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18 Octobre.

S. LUC, ÉVAngéliste.

Voyez Tillemont, t. II, p. 148; Calmet, t. VII, p. 373. Nous avons six histoires différentes des actes de saint Luc, lesquelles sont écrites en grec; mais elles sont toutes modernes, et ne méritent aucune créance. Voyez M. Jos. Assémani, in Calendr. univ. t. V, p. 308.

Premier siècle.

CE glorieux Evangeliste a eu pour panégyriste l'Apôtre des gentils, ou plutôt l'Esprit-Saint qui dirigeait sa plume. Ses propres écrits, qui font partie des livres inspirés, fournissent la preuve la plus évidente de sa sainteté et de ses vertus éminentes, que nous pouvons bien admirer, mais qu'il ne nous est pas possible de louer dignement.

Saint Luc était d'Antioche, métropole de Syrie, ville célèbre par son agréable situation, par la richesse de son commerce, par son étendue ainsi que par le nombre et la politesse de ses habitans, par son amour pour l'étude des lettres et de la sagesse. Elle avait des écoles renommées dans toute l'Asie, et qui produisirent des maîtres fort habiles dans tous les arts et toutes les sciences. Saint Luc y fit dans sa jeunesse d'excellentes études, et on dit qu'il perfectionna encore les connaissances qu'il avait acquises, par divers voyages dans la Grèce et dans l'Egypte. Son goût le porta particulièrement vers la médecine. Ceux qui tirent de là des conséquences en faveur de son extraction et de sa fortune, ne font pas attention que la médecine était souvent exercée par des esclaves que l'on faisait élever dans cette science, comme l'a montré Grotius. Ce savant ajoute que saint Luc fut peut-être attaché à quelque

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